Un médecin radié de l’Ordre pour avoir refusé de vacciner un enfant et falsifié son carnet de santé

Le Conseil d’Etat a confirmé la sanction de la chambre disciplinaire de l’Ordre des médecins, de radier un praticien ayant refusé de vacciner un enfant contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite tout en ayant falsifié son carnet de santé.  

Vacciner ou ne pas vacciner, telle n’est plus la question puisque le gouvernement a rendu obligatoire, ce lundi 1er janvier, onze vaccins contre trois auparavant. Par la même occasion, l’hexagone s’est emparé d’un record : celui du pays européen où le nombre de vaccinations obligatoires est le plus important. 

La décision pour le moins autoritaire d’Agnès Buzyn, qui pavoisait de ne jamais rien contraindre, a été accueillie avec bienveillance par certains, mais aussi avec crainte par d’autres. Alors, pour parer à toute défiance, le gouvernement a remis sur le tapis l’obligation de protection des enfants, tout en abrogeant les peines pour défaut de vaccination pouvant entraîner jusqu’à six mois de prison et 3 750€ d’amende. Cependant, un enfant non-vacciné pourra toujours se voir refuser l’accès aux crèches, aux écoles ou aux centres aérés. 

Pas de changement pour les praticiens par contre, qui refuseraient de vacciner mais surtout qui délivreraient de faux certificats de vaccination : c’est la radiation de l’Ordre.  

 

En Europe seize pays n’imposent aucun vaccin: Allemagne, Autriche, Chypre, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, Irlande, Islande, Lituanie, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni, Suède.  

Seuls douze ont recours à l’obligation, et dans des proportions le plus souvent minimalistes: Belgique (un vaccin obligatoire), Bulgarie (quatre), Croatie (quatre) Grèce (quatre), Hongrie (quatre), Italie (dix depuis 2017), Lettonie (quatre), Malte (quatre), Pologne (quatre), Roumanie (quatre), Slovaquie (quatre), Slovénie (neuf). 

Source : Slate 

 

Le Conseil d’Etat confirme la sanction à l’encontre des médecins réfractaires

Les faits rapportés datent de 2015. Un parent avait alors porté plainte contre un médecin devant une chambre disciplinaire de l’Ordre de médecin au motif que ce dernier n’avait pas vacciné son enfant tout en fournissant de faux-certificats dans le carnet de vaccination de l’enfant. 

Ces piqûres devaient normalement prévenir les risques contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite, trois vaccins déjà obligatoires avant ce 1er janvier 2018.  

La Chambre disciplinaire avait alors décidé de radier le praticien de l’Ordre des médecins, décision confirmée en appel. Le pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat du médecin a donc été rejeté au principe d’une “méconnaissance des dispositions du code de la santé imposant au médecin d’assurer au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science et lui interdisant de faire courir au patient un risque injustifié.“​ 

 

Voici la décision du Conseil d’Etat en intégralité ci-dessous. 

Le Conseil d’État statuant au contentieux (Section du contentieux, 4ème et 5ème chambres réunies) sur le rapport de la 4ème chambre de la Section du contentieux 

Séance du 13 décembre 2017 – Lecture du 22 décembre 2017 

Vu les procédures suivantes : 

M. K…N…a porté plainte contre M. R…S…devant la chambre disciplinaire de première instance de Rhône-Alpes de l’ordre des médecins. Le conseil départemental de Savoie de l’ordre des médecins s’est associé à cette plainte. Par une décision n° 2014.94 du 27 juillet 2015, la chambre disciplinaire de première instance a infligé à M. S… la sanction de la radiation du tableau de l’ordre des médecins. 

Par une décision n° 12898 du 27 octobre 2016, la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins a rejeté l’appel formé par M. S… contre cette décision et décidé que la sanction prendrait effet le 1er février 2017. 

1° Sous le n° 406360, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat les 27 décembre 2016 et 4 janvier 2017, M. S…demande au Conseil d’Etat : 

1°) d’annuler cette décision ; 

2°) de lui allouer une somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. 

M. S…soutient que cette décision est entachée : – d’irrégularité, un nouveau grief ayant été soulevé par la juridiction d’appel, sans lui permettre de s’en défendre ; – d’inexacte qualification juridique des faits, en ce qu’elle juge qu’il a méconnu les dispositions de l’article L. 3111-2 et R. 4127-32 du code de la santé publique en ne procédant pas à la vaccination de l’enfant Eve, alors qu’aucune demande en ce sens ne lui avait été faite ; – d’inexacte qualification juridique des faits et d’insuffisance de motivation en ce qu’elle juge qu’il a méconnu les dispositions de l’article R. 4127-40 du code de la santé publique en ne procédant pas à la vaccination de l’enfant Eve tout en indiquant dans son carnet de santé qu’elle avait été vaccinée, alors que, faute de lui avoir administré une quelconque substance, il ne peut lui être reproché de lui avoir fait courir de ce fait un risque injustifié ; – d’insuffisance de motivation, en ce qu’elle n’a pas répondu à son argumentation tirée de ce que la prescription homéopathique effectuée après la vaccination avait pu fausser la première sérologie effectuée postérieurement ;- d’insuffisance de motivation et de dénaturation des pièces du dossier, en ce qu’elle estime qu’il avait la réputation d’accepter de rédiger des attestations de vaccination de complaisance ;- d’erreur de droit en ce qu’elle refuse d’ordonner l’expertise qu’il avait sollicitée ; – d’erreur de droit et d’inexacte qualification juridique des faits en ce qu’elle prononce une sanction hors de proportion avec les fautes reprochées. 

Le Conseil national de l’ordre des médecins a présenté des observations, enregistrées le 21 avril 2017. 

Le pourvoi a été transmis à M. N…et au conseil départemental de Savoie de l’ordre des médecins, qui n’ont pas produit de mémoire en défense. 

2° Sous le n° 406589, par une requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 4 janvier 2017, M. S…demande au Conseil d’Etat : 

1°) d’ordonner le sursis à l’exécution de cette même décision ; 

2°) de lui allouer une somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. 

Il soutient que cette décision entraîne pour lui des conséquences difficilement réparables et que les moyens qu’il invoque dans son pourvoi sommaire et son mémoire complémentaire enregistrés sous le n° 406360 sont de nature à justifier l’infirmation de la sanction prononcée en appel. 

Le Conseil national de l’ordre des médecins a présenté des observations, enregistrées le 21 avril 2017. 

La requête a été transmise à M. N…et au conseil départemental conseil départemental de Savoie de l’ordre des médecins, qui n’ont pas produit de mémoire en défense. 

Vu les autres pièces des dossiers ; 

Vu :- le code de la santé publique ; – le code de justice administrative ; 

Après avoir entendu en séance publique : 

– le rapport de Mme Françoise Tomé, conseiller d’Etat,  

– les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ; 

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Zribi, Texier, avocat de M. S…et à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre avocat du Conseil national de l’ordre des médecins ; 

Vu la note en délibéré, enregistrée le 13 décembre 2017, présentée par M. S… sous le n° 406360 ; 

1. Considérant que le pourvoi par lequel M. S…demande l’annulation de la décision du 27 octobre 2016 de la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins et sa requête tendant à ce qu’il soit sursis à l’exécution de cette décision présentent à juger les mêmes questions ; qu’il y a lieu de les joindre pour y statuer par une seule décision ; 

Sur le pourvoi : 

2. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M.S…, médecin généraliste, a porté, sur le carnet de santé du jeune enfant de M. N… et de Mme F…, né le 28 juin 2012, la mention de quatre injections successives d’un vaccin contre, notamment, la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite, lors de consultations réalisées entre le 26 octobre 2012 et le 8 octobre 2013, au cours desquelles l’enfant était accompagné par sa mère ; que M.N…, père de l’enfant, a porté plainte contre M. S…en soutenant que ces vaccinations n’avaient pas été effectuées ; que, statuant sur cette plainte à laquelle s’est associé le conseil départemental de Savoie de l’ordre des médecins, la chambre disciplinaire de première instance de Rhône-Alpes de l’ordre des médecins, a, par une décision du 27 juillet 2015, infligé à M. S…la sanction de radiation du tableau de l’ordre des médecins ; que M. S…se pourvoit en cassation contre la décision du 27 octobre 2016, par laquelle la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins a rejeté son appel dirigé contre la décision de la chambre disciplinaire de première instance ; 

3. Considérant qu’aux termes de l’article L. 3111-2 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable à l’espèce : « Les vaccinations antidiphtérique et antitétanique par l’anatoxine sont obligatoires ; elles doivent être pratiquées simultanément. Les personnes titulaires de l’autorité parentale ou qui ont la charge de la tutelle des mineurs sont tenues personnellement responsables de l’exécution de cette mesure, dont la justification doit être fournie lors de l’admission dans toute école, garderie, colonie de vacances ou autre collectivité d’enfants. » ; qu’aux termes de l’article L. 3111-3 du même code, dans sa rédaction applicable à l’espèce : « La vaccination antipoliomyélitique est obligatoire, sauf contre-indication médicale reconnue, à l’âge et dans les conditions déterminées par décret en Conseil d’Etat, pris après avis de l’Académie nationale de médecine et du Haut Conseil de la santé publique. (…) » ; 

4. Considérant, en tout état de cause, que, contrairement à ce que soutient M. S…, il ressort des pièces du dossier qui lui était soumis que la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins n’a pas soulevé d’office le grief tiré de ce qu’il n’avait pas vacciné l’enfant de M. N…et de Mme F… ; 

5. Considérant qu‘il résulte des termes mêmes de la décision attaquée que la chambre supérieure de discipline a relevé que l’enfant n’était pas immunisé contre les maladies contre lesquelles la vaccination est obligatoire, que Mme F…, domiciliée… ; qu’en estimant que M. S…n’avait pas, contrairement à ce qu’il avait indiqué dans le carnet de santé de l’enfant, procédé à sa vaccination et avait ainsi porté sur ce carnet des mentions mensongères, la chambre disciplinaire nationale a souverainement apprécié, sans les dénaturer, les pièces du dossier qui lui était soumis ; qu’elle n’a, par ailleurs, pas commis d’erreur de droit en refusant d’ordonner la mesure d’expertise sollicitée par le praticien ; 

6. Considérant qu’en déduisant de l’absence de vaccination de l’enfant et des mentions mensongères portées sur son carnet de santé que M. S…avait méconnu les dispositions l’article R. 4127-40 du code de la santé publique aux termes desquelles : « Le médecin doit s’interdire, dans les investigations et interventions qu’il pratique comme dans les thérapeutiques qu’il prescrit, de faire courir au patient un risque injustifié » ainsi que celles de l’article R. 4127-3 du même code aux termes desquelles : « Le médecin doit, en toutes circonstances respecter les principes de moralité, de probité et de dévouement indispensables à l’exercice de la médecine » et celles de l’article R. 4127-32 aux termes desquelles : « Dès lors qu’il a accepté de répondre à une demande, le médecin s’engage à assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science (…) », la chambre disciplinaire nationale a, par une décision suffisamment motivée sur ce point, exactement qualifié les faits qui lui étaient soumis ; 

7. Considérant qu’en infligeant à M. S…la sanction de radiation du tableau de l’ordre des médecins, la chambre disciplinaire nationale a, eu égard au caractère délibéré de ses actes et à la gravité des fautes commises, prononcé une sanction qui n’est pas hors de proportion avec les fautes retenues ; 

8. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. S… n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision attaquée ; que ses conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu’être rejetées ; 

Sur la requête aux fins de sursis à exécution : 

9. Considérant que par la présente décision, le Conseil d’Etat a statué sur le pourvoi formé par M. S…contre la décision de la chambre nationale de l’ordre des médecins du 27 octobre 2016 ; que, par suite, ses conclusions à fin de sursis à exécution de cette décision sont devenues sans objet ; qu’il y a lieu de rejeter, dans les circonstance de l’espèce et en tout état de cause, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; 

D E C I D E : 

Article 1er : Le pourvoi de M. S…est rejeté. 

Article 2 : Il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins de sursis à exécution présentées par la requête de M.S…. 

Article 3 : Les conclusions de la requête de M. S…présentées au titre de l’article L. 761 1 du code de justice administrative sont rejetées. 

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. R…S….Copie en sera adressée au Conseil national de l’ordre des médecins, à M. K… N… et au conseil départemental de Savoie de l’ordre des médecins. 

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