Fin de période d’essai : les indemnités de préavis et de congés payés ne sont pas dues, même si le motif est discriminatoire

Cet article provient du site du syndicat de salariés CFDT

 

Lorsqu’un employeur met fin à une période d’essai pour un motif discriminatoire, à quelles indemnités le salarié peut-il prétendre ? La Cour de cassation est récemment venue apporter quelques précisions sur ce point. Elle a notamment jugé que dans un tel cas, l’indemnité de préavis n’est pas due. Cass.soc.12.09.18, n°16-26.333. 

  • Faits et procédure

Une salariée a été embauchée en 2013 en qualité d’ingénieure commerciale. Son contrat de travail prévoyait une période d’essai de 4 mois, que l’employeur a rompue avant son terme. Il faut préciser que cette rupture lui a été notifiée au retour de son arrêt de travail, ceci sans respect du délai de prévenance.La salariée a alors saisi le conseil de prud’hommes pour contester la rupture de la période d’essai et faire reconnaître une discrimination fondée sur son état de santé. En conséquence, elle a demandé le versement des indemnités de licenciement, de préavis et de congés payés afférents. 

En appel, les juges ont reconnu que la rupture de la période d’essai était discriminatoire et donc nulle, et ont accordé à la salariée une indemnité pour rupture abusive, tout en excluant le versement de l’indemnité de préavis et l’indemnité de congés payés afférents. La salariée s’est donc tournée vers la Cour de cassation pour lui demander le bénéfice de ces deux indemnités. 

  • Régime de rupture d’une période d’essai

Pour rappel, la période d’essai doit permettre à l’employeur d’évaluer les aptitudes professionnelles et les compétences du salarié qu’il a recruté, en tenant compte notamment de son expérience. De son côté, durant cette période d’essai, le salarié doit pouvoir apprécier si les fonctions qu’il occupe lui conviennent (1). 

La période d’essai peut être rompue par l’employeur ou le salarié sans nécessité de motiver une telle rupture. 

Pour être valable, la rupture de la période d’essai doit respecter un délai de prévenance et ne pas être illicite

– Le respect d’un délai de prévenance 

Depuis la loi de 2008 sur la modernisation du marché du travail, lorsque l’employeur souhaite mettre un terme à la période d’essai, il doit en avertir le salarié (2) dans un délai calculé en fonction de la durée de présence du salarié dans l’entreprise. Ce délai de prévenance ne peut être inférieur à : 

– 24 heures en deçà de 8 jours de présence ;- 48 heures entre 8 jours et 1 mois de présence ;- 2 semaines après 1 mois de présence ;- 1 mois après 3 mois de présence. 

Un tel délai de prévenance s’impose également au salarié, lorsqu’il souhaite mettre fin à la période d’essai ; il doit ainsi respecter un délai de prévenance de 48 heures (ou 24 heures si sa présence dans l’entreprise est inférieure à 8 jours) (2). 

En application de l’article L. 1221-25 du Code du travail, lorsque le délai de prévenance n’a pas été respecté, son inexécution ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice (sauf s’il a commis une faute grave). Cette indemnité correspond au montant des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s’il avait accompli son travail jusqu’à l’expiration du délai de prévenance, y compris l’indemnité compensatrice de congés payés. 

– Une rupture licite 

Si la période d’essai peut être rompue par l’employeur ou le salarié sans nécessité de motiver une telle rupture, elle ne doit toutefois pas être abusive. En effet, lorsque la rupture de la période d’essai est fondée sur un motif discriminatoire tel que l’état de santé, l’orientation sexuelle, la situation de grossesse, ou les convictions religieuses( 4), elle doit être déclarée nulle (5) et être sanctionnée de ce fait. 

Dans l’affaire en question, la salariée estimait justement que sa période d’essai avait en réalité été rompue en raison de son état de santé. A l’appui de sa demande, elle avait d’ailleurs présenté aux juges des éléments de fait permettant de supposer l’existence de la discrimination. Il appartenait alors à l’employeur de démontrer que sa décision de rompre la période d’essai était fondée sur des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination liée à l’état de santé de la salariée. Chose qu’il n’a finalement pas pu prouver ! 

  • L’exclusion de l’indemnité de préavis en cas de rupture discriminatoire de la période d’essai

En l’espèce, faute d’éléments contraires apportés par l’employeur, les juges ont reconnu le caractère discriminatoire de la rupture de la période d’essai et en ont tiré les conséquences pour attribuer des dommages et intérêts à la salariée.Mais tout en reconnaissant l’existence d’une discrimination, les juges refusent d’octroyer à la salariée l’indemnité de préavis et l’indemnité de congés payés afférents. 

Sur ce point, les juges vont en effet faire une application littérale des règles de l’article L. 1231-1 du Code du travail, qui exclut la période d’essai de l’application des dispositions spécifiques relatives à la rupture du contrat de travail à durée indéterminée. 

  • Une appréciation stricte et regrettable

Dans cette nouvelle décision, la Cour de cassation revient sur le sort de l’indemnité de préavis qu’il avait fixé dans sa précédente jurisprudence. En effet, dans un arrêt de 2005 (6), la chambre sociale avait considéré que le salarié, dont le caractère discriminatoire de la rupture d’essai était reconnu, avait droit, en plus des indemnités réparant le préjudice subi, aux indemnités dues en cas de licenciement, c’est-à-dire à l’indemnité de préavis et des congés payés afférents. 

La Cour de cassation vient ici faire une application stricte des règles du Code du travail, ce qui, pour la CFDT, est regrettable. A partir du moment où la discrimination a été reconnue par le juge, il aurait été cohérent que la salariée puisse bénéficier des mêmes indemnités que si le contrat avait été rompu à tort par l’employeur. Ce n’est malheureusement pas la solution choisie par la Cour de cassation. 

 


(1) Art. L.1221-20 C.trav. 

(2) Art. L.1221-25 C.trav. 

(3) Art L.1221-26 C.trav. 

(4) Voir la liste des motifs prohibés de discrimination à l’article L.1132-1 du Code du travail. 

(5) Art. L.1132-4 C.trav. 

(6) Cass.soc.16.02.05, n° 02-43.402. 

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