Les ruptures conventionnelles collectives sèment le trouble chez les syndicats

Cet article a été publié sur le site du syndicat de salariés FO.

 

Les salariés d’un certain nombre d’enseignes d’habillement appartenant à la famille Mulliez sont invités à participer à des groupes de travail. Tous les thèmes y sont abordés, y compris les fermetures de leurs magasins. Pour les délégués FO, les salariés sont instrumentalisés pour légitimer les suppressions d’emploi. 

Après les salariés de Pimkie, c’est au tour de ceux des enseignes Brice et Jules de fréquenter les groupes de travail mis en place par leur direction. Des groupes qui sont invités à proposer des solutions aux difficultés de leur entreprise. Mais à la fin, on arrive toujours à de la restructuration, prévient Nadia Ferrante, déléguée syndicale FO chez HappyChic, qui regroupe les enseignes Brice, Jules, Bizzbee et La Gentle Factory. 

Cette méthode « participative » est animée par le cabinet Prosphères. Spécialiste en retournement d’entreprise, ce cabinet l’a déjà testée sur l’enseigne Grain de Malice en 2016 et sur le groupe Agora (Tati, Fabio Lucci, Gigastore et Degrif’mania) en 2017. 

À l’issue du passage de Prosphères chez Grain de Malice, l’enseigne avait vu la suppression de 177 emplois. Chez Pimkie, l’intervention du cabinet a été suivie par l’annonce le 9 janvier 2018 de la suppression de 208 emplois et la fermeture de 37 magasins en France. 

IRM et clusters

Chez Brice, ils réalisent actuellement une IRM de l’entreprise, décrit Nadia Ferrante. C’est comme cela que la direction a nommé l’étude de la situation économique et financière de l’entreprise. Son rendu a été programmé les 17 et 18 janvier 2018

Parallèlement des groupes de travail appelés clusters (« grappe » en anglais) ont été constitués avec les salariés des magasins, des bureaux et de la logistique. Leur rôle : trouver des solutions pour améliorer les performances de l’entreprise afin de l’aider à sortir de ses difficultés. 

Même procédé pour l’enseigne Jules, où les salariés ont d’abord appris en novembre que le DG serait remplacé par le cabinet Prosphères. Les salariés ont reçu un mail les invitant à participer à une demi-journée de la transformation. Ils seront réunis en groupe de 60 personnes maximum. 

Les dirigeants ont prévu cinq dates pour le lancement du processus. La première aura lieu le 22 janvier 2018 et les quatre autres s’échelonnent jusqu’à la fin janvier 2018. Le CE a d’ores et déjà fait appel à un cabinet d’avocat et à un cabinet d’expertise. Avec la transformation, il fallait qu’on se fasse accompagner, explique Nadia Ferrante. 

Une nouvelle structure

Depuis mai 2017, l’ensemble des grandes enseignes d’habillement liées à la famille Mulliez (Jules, Brice, Bizzbee, Pimkie, Orsay, Grain de Malice et Rouge Gorge) ont été regroupées au sein d’un groupement européen d’intérêt économique baptisé Fashion 3 (prononcer Fashion cube). Ce GEIE est dirigé par l’ancien patron de Kiabi. Le rôle de cette nouvelle structure : réaliser des synergies et redresser les enseignes. La technique de Prosphères risque de se renouveler dans un bon nombre de magasins regroupés dans la Fashion 3, prévient Séverine Salperwyck, déléguée FO chez Pimkie. 

La restitution de « l’IRM » chez Pimkie a eu lieu devant des salariés abasourdis. Christine Jutard, la DG de Pimkie a expliqué que l’entreprise avait perdu 45 millions d’euros en 2017 ce qui faisait 50 000 euros par jour, se souvient Séverine Salperwyck. Elle nous a dit : À chaque fois que vous ouvrez le magasin et que vous vous donnez à fond dans la journée, dites-vous bien que lorsque vous fermez le magasin le soir, vous perdez de l’argent

La réunion a accueilli une centaine de personnes, à Villeneuve-d’Ascq. La direction leur a demandé d’exprimer leur ressenti en leur assurant que la solution était en eux et en leur demandant ce qu’il fallait faire pour que leur entreprise recommence à gagner de l’argent poursuit la déléguée FO. 

Go, no go, à revoir

Des groupes de travail se sont alors constitués, chaperonnés par un parrain ou une marraine, issu de la direction, et avec en leur sein des salariés des magasins, des bureaux et de la logistique. 

Un groupe de travail a proposé de supprimer les antivols posés sur les vêtements. Une opération chronophage effectuée en magasin par les vendeuses. Pendant ce temps-là, ces dernières ne peuvent pas se consacrer à la vente. Un autre a demandé que les vitrines soient personnalisées selon les régions d’implantation. Un autre a proposé la fermeture de 81 magasins de l’enseigne dont 15 en France. La plupart ont rendu leurs conclusions fin décembre avant les annonces de la direction concernant les suppressions de poste. 

Certains groupes viennent d’être créés. Comme celui qui vient de proposer que les fermetures aient lieu « proprement ». Proprement s’appliquant à la clientèle mais pas aux salariés, précise Séverine Salperwyck. 

À la fin de la restitution ouverte à tout le personnel, la direction dit « go » pour les propositions acceptées, no go pour celles qui sont refusées et à revoir, pour celles qui doivent être retravaillées. À l’issue de ce processus de concertation qui instrumentalise les salariés, la direction est à même de répliquer que ce n’est pas elle qui décide des licenciements mais les salariés via les groupes de travail, déplore Séverine Salperwyck. 

Les jeunes avec peu d’ancienneté

Mais tous ne sont pas dupes. Comme au dépôt de Neuville-en-Ferrain où seulement 5 personnes sur 108 se sont rendues à ces réunions. Les salariés ont compris tout de suite ce qui se passait, résume Séverine Salperwyck. Ils avaient plus d’ancienneté et avaient déjà vécu un plan social en 2010. Ceux qui y sont allés, c’était plutôt les jeunes avec peu d’ancienneté. Certains ont arrêté en cours de route. 

La concertation est bien avancée dans l’enseigne Brice et débute à peine chez Jules. Nous redoutons la fermeture des magasins, déclare Nadia Ferrante. Tous les mois on nous en annonce chez Brice. Il y a déjà des salariés qui n’ont pas encore trouvé de reclassement. Et les propositions de mobilité peuvent poser problème : un salarié de Marseille s’est vu proposer un poste à Bayonne. Soit à plus de 600 km. La déléguée syndicale s’attend à des annonces avant le printemps 2018. 

 

Du point de vue du syndicat de salariés CGT

 

Si Pimkie a réussi en début de ce mois à éviter la rupture conventionnelle collective (RCC), PSA ne passera pas outre : les syndicats FO, CFDT, CFTC et GSEA, totalisant plus de 58 % des voix, ont indiqué vouloir signer l’accord. Seule la CGT s’est opposée, tandis que la CFE-CGT ne s’est pas encore déterminée. CGT-PSA a publié un communiqué. 

La CGT réaffirme sont opposition à la rupture conventionnelle collective (RCC) dans le groupe PSA et regrette que PSA ait recueilli l’accord d’une majorité de syndicats pour son application.
Sans aucun motif, la direction de PSA s’est fixé l’objectif de supprimer 1 300 emplois en RCC et 900 « congés seniors » (départs anticipés) tout en prévoyant d’embaucher 1 300 CDI en 2018, alors que 25 000 emplois ont été supprimés depuis cinq ans.
Dans le même temps, PSA annonce une augmentation au recours au travail intérimaire, alors qu’on en compte déjà plus de 8 000.
D’un point de vue financier, le groupe annonce quatre mois de salaire supplémentaires pour les salariés des sites d’Île-de-France qui partiront du groupe avant le 31 juillet 2018, en plus du barème actuel.
Après l’annonce de la fermeture de PSA La Garenne Colombes en 2018, la CGT craint qu’un mauvais coup se prépare à l’usine de Saint-Ouen (93), puisque la direction locale communique, depuis plusieurs semaines, en affirmant que le site est en « décroissance pilotée ».
Pour la CGT, PSA n’a pas de scrupule et aucun respect pour ses salariés, à qui le groupe doit pourtant ses excellents résultats financiers. 

La CGT réclame :
• que les congés seniors soient accompagnés d’une embauche en CDI pour chaque départ ;
• qu’un plan d’embauches massives des intérimaires et de privés d’emploi soit mis en place ;
• résultat opérationnel : 3,235 milliards d’euros pour 2016 soit une augmentation de 18%.PSA, une situation florissante :
· le bénéfice est passé de 1,2 milliard en 2015 à 2,15 milliards en 2016 ;
· la trésorerie nette s’élève à 11,292 milliards d’euros pour 2016 ;
· une enveloppe totale de 388 millions pour les actionnaires ;
· au premier semestre 2017, le chiffre d’affaires de la division automobile a progressé de 5 % par rapport à 2016 soit 2,917 milliards d’euros :
• 287 millions d’aides publiques les quatre dernières années,
• en juillet 2017, c’est le rachat d’Opel pour 1,32 Milliard d’euro,
• en 2017 le groupe à explosé ses records de ventes en 2017 avec 3,6 millions de véhicules vendus (+15,4 %).

Pour la CGT, le développement de l’emploi devra passer par une réduction du temps de travail, avec des investissements massifs pour améliorer les conditions de travail, mais aussi développer les nouvelles technologies et non pas pour dégager plus de profits pour les actionnaires. La politique de PSA est indécente et le comportement du gouvernement, qui laisse faire, est inadmissible !  

 

Le syndicat de salariés CGT revient aussi sur les ordonnances

Pimkie, Cora, Sodexo, Castorama, Monoprix… Les plans sociaux dans le commerce se suivent et parfois se ressemblent. À ce titre, la CGT Commerce organisait une conférence de presse, ce 17 janvier, qui réunissaient des délégués syndicaux de Pimkie, Carrefour, KFC, Cora, Sodexo, Castorama, Monoprix, Vivarte. « Dans ces entreprises, des processus de restructuration, des plans sociaux ont été abordés avant l’adoption des ordonnances Macron pour la plupart d’entre elles. Mais nous constatons que les Ordonnances Macron donnent un coup de fouet à la mise en place de ces plans », constate Amel Kefti, secrétaire fédérale de la CGT Commerce. 

Si Pimkie a réussi à éviter la rupture conventionnelle collective (RCC), en revanche ils n’ont pas pu esquiver le plan de départ volontaire (PDV). « Pourtant en France il n’y a pas de motif économique qui justifie la mise en place de ce PDV, explique Valérie Pringuez, délégué syndical central (DSC) de Pimkie. Résultat, la direction fait pression sur les salariés pour qu’ils partent », ajoute-t-elle. L’ouverture des négociations a été fixée le 23 janvier prochain. Devraient s’ensuivre cinq négociations. D’ores et déjà, la CGT a refusé de signer l’accord de méthode, et a maintenu le droit d’alerte. Mais certaines organisations syndicales ont décidé de bloquer l’expertise… 

Les restaurants KFC, pour leur part, ont été rachetés en juillet dernier par le groupe polonais Amrest, déjà présent chez Pizza Hut par exemple. « Ils ont racheté 42 restaurants pour motif économique. Ils en ont profité pour licencier 65 salariés, dont la totalité des représentants du personnel », explique Marc Mukuta, représentant syndical chez KFC. 

Chez Cora, c’est le service après vente (SAV) qui est menacé. « On nous en a fait la première annonce le 10 avril, mais la première réunion s’est tenue lundi dernier, le 15 janvier. Cora veut supprimer le SAV et ce sont 80 personnes qui sont menacées de perdre leur emploi. Pourtant, Cora a encore fait des bénéfices de l’ordre de 112 millions d’euros », explique Olivier Marzec, DSC chez Cora, lui-même technicien au SAV. 

Chez Carrefour, repris en main le 17 juillet dernier par Alexandre Bompard, les salariés attendent les annonces de la direction, le 23 janvier prochain. Tous craignent un plan social. Dans une autre enseigne de la grande distribution, Monoprix, la direction a procédé à la session des murs de 15 magasins en décembre dernier : « Depuis 9 d’entre eux ont été définitivement fermés. » Chez Vivarte, les craintes aussi sont vives. « Depuis 2013, les effectifs du groupe ont fondu, de 22 000 salariés à 13 000 actuellement », explique Karim Cheboub, DSC chez Vivarte. « Deux enseignes viennent d’être cédées, Naf Naf et André. Nous ne devrions compter, à la fin de cette année, plus guère que 10 000 salariés. » Pour Amel Ketfi, secrétaire fédérale, « les ordonnances Macron rendent possibles un PSE avant transfert, ce qui a tendance à les faciliter. Par ailleurs, le périmètre économique à prendre en compte pour lancer un PSE est hexagonal, quand bien même l’établissement visé fait partie d’une multinationale qui dégage des bénéfices à l’international. » La Fédération Commerce craint maintenant l’arrivée, dans leurs secteurs d’activité, des contrats de chantier. Seule solution contre la régression sociale, la mobilisation. « La Fédération appelle l’ensemble des salariés de nos secteurs professionnels à poursuivre et à amplifier les mobilisations, tant au niveau des entreprises, qu’au niveau national. » 

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