Les “discriminations au travail” : une belle rente de situation

“Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale” hier, “semaine de luttre contre le racisme et l’antisémitisme” jusqu’à dimanche prochain… La “lutte contre les discriminations” s’affiche partout ces derniers temps. Au point d’en devenir, avant toute chose, une belle rente de situation pour ceux qui la mobilisent. 

Des frissons à peu de frais

Jugeant que cet objet relevait légitimement de son champ d’action, le premier site internet français de recrutement en ligne, qapa.fr, a réalisé un sondage intitulé : “Quelles discrimination subissent les Français au travail ?” La mise en avant des principaux “enseignements” de ce sondage ne fait pas dans la demi-mesure : “Presque 2 travailleurs sur 3 victimes de ségrégation. Inégalité des sexes pour 55% des femmes et des races pour 33% des hommes. 33% des femmes et 45% des hommes ne réagissent pas…” Pour le lecteur de l’étude, les choses sont claires : il va y avoir du sang. Et du “buzz”, comme on dit aujourd’hui. D’ailleurs, l’agence de presse en charge de la publicisation du sondage se nomme “BuzzPress”. Âmes sensibles, s’abstenir ! 

Âmes scrupuleuses également car, en matière de méthodologie, les choses se corsent très vite. On apprend d’abord que le sondage a été réalisé sur… Facebook. Soyons rassurés : les “17524” personnes interrogées sont “représentatives de la population nationale française”. A n’en pas douter… Ensuite, on note que le sondage mélange joyeusement les notions, recourant indifféremment à celles de “discrimination” et de “ségrégation”. Quand on aime, on ne compte pas ! Enfin, on constate que les avis subjectifs sont solidifiés en constats objectifs : les sondés estimant avoir subi des disciminations sont déclarés victimes de discrimination. En bref : quand il est question de “discriminations”, inutile de s’embarrasser des rigueurs scientifiques usuelles. 

L’ère de la discrimination permanente

A la lecture des chiffres contenus dans le sondage, il est difficile de ne pas sombrer dans une profonde crise de paranoïa. En matière d’emploi, notre beau pays serait un havre de prospérité pour la Discrimination. Entre 58 et 67 % des sondés déclarent avoir subi des discriminations au travail et la moitié des personnes interrogées affirme avoir été témoin de discriminations au travail. En cause ? En tout premier lieu : les discriminations liées au sexe, massivement citées par les femmes, et celles liées à “la race ou à l’origine ethnique”, surtout citées par les hommes. Vient ensuite le cortège des discriminations liées à l’âge, au handicap, à la religion, aux orientations sexuelles… Manquent, certes, à l’appel : les discriminations liées à la mocheté et à la couleur de cheveux. 

Comme on pouvait s’y attendre, le sondage montre que les personnes concernées par ces discriminations sont lourdement handicapées sur le marché du travail. Refus d’embauche, absence d’évolution professionnelle, dénigrements ou harcèlements sont les maux les plus souvent cités par sondés. Les discriminations seraient la cause de nombreux dysfonctionnements observés sur le marché du travail. Face à elles, les sondés assurent n’avoir bien souvent eu que deux choix : soit se taire, soit démissionner. La discrimination au travail sévirait comme un mal sourd et muet, quasi-indéfinissable et difficile à objectiver. A toute chose malheur est, certes, bon : ceux qui s’estiment discriminés ont, du moins, une bonne raison d’estimer que la société les a lésés… 

Vers un communautarisme totalitaire ?

Comme tous les sondages relatifs aux “discriminations”, le sondage de qapa.fr repose sur des présupposés qui ne sont jamais explicités mais qui n’en demeurent pas moins problématiques. D’une part, en questionnant des membres de Facebook sur des supposées discriminations dont ils auraient victimes ou témoins, l’étude propose une grille de lecture très singulière du monde social. Dans la mesure où elle insiste sur les appartenances dites “communautaires” de chacun : ethnie, genre, religion, etc. et sur la manière d’accommoder ces appartenances, elle peut être qualifiée de communautariste. Importée des Etats-Unis et l’emportant tendanciellement dans le débat public, cette grille de lecture contribue à l’effritement du lien social et national. 

En outre, et bien que née outre-Atlantique, l’analyse en termes de “discriminations” suppose un effacement total de la faculté de jugement de chacun. En dénonçant les “discriminations” dont certains seraient victimes, les tenants de cette analyse remettent en question, dans le même mouvement, les critères à partir desquels les discriminateurs font leur choix. Derrière les bons sentiments dont il semble être le résultat, ce raisonnement est loin d’être anodin : il suppose en effet de nier aux individus leur faculté d’avoir telle ou telle préférence, selon des critères qui leur sont personnels. C’est ainsi que peu à peu, et sous couvert de bonne morale, la pensée communautariste censure toute forme de liberté de jugement et de raisonnement. 

Dans de telles conditions, les actions collectives syndicales et patronales risquent fort, à l’avenir, d’être de plus en plus difficiles à mener à bien.  

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