Dans le petit jeu de l’influence et du lobbying auquel la réforme du droit du travail donne lieu, on décernera sans conteste la palme d’or au cabinet Barthélémy, le grand ami des branches professionnelles, qui a habilement planté ses banderilles dans l’encolure d’un taureau trop menaçant. Pour ce faire, les adeptes du gourou n’ont pas lésiné sur les moyens en noyautant l’ensemble des travaux menés sur le sujet.
Le noyautage de la commission Combrexelle
Le coup de maître de Barthélémy a sans doute consisté à s’immiscer au coeur du réacteur nucléaire, dans la commission Combrexelle. C’est Paul-Henri Antonmattei qui siégeait pour le cabinet, également présenté sous son autre titre de professeur d’université. Cet agrégé des facultés de droit est également membre du conseil scientifique de la revue Droit social. Scientifiquement incontestable, il avait participé en 2004 à la Commission Virville qui avait rendu un rapport “Pour un code du travail plus efficace”. Il avait par ailleurs rédigé en 2007 avec Philippe Vivien un rapport intitulé “Chartes d’éthique, alerte professionnelle et droit du travail français : état des lieux et perspectives”. Chacun aura noté que Philippe Vivien est devenu depuis cette date le directeur général du cabinet de Raymond Soubie Alixio, spécialisé dans la restructuration des entreprises en difficulté.
Le noyautage du rapport de l’institut Montaigne
Parallèlement à ce travail officiel, le cabinet Barthélémy a eu l’intelligence de placer ses pions à l’institut Montaigne qui préparait dans son coin un rapport sur le même sujet (évoqué dans nos colonnes). C’est un jeune avocat (entré au cabinet en 2008), Gwennhaël François, par ailleurs enseignant à l’université de Clermont-Ferrand, qui a veillé au grain en qualité de co-rapporteur, auprès du think tank financé par Axa et présidé par Henri de Castries. Cette présence a permis de diluer les éventuels dérapages d’un groupe qui comptait par ailleurs des “conservateurs” en son sein.
Le noyautage de Terra Nova
L’opération la plus spectaculaire du cabinet Barthélémy reste toutefois la publication du rapport de Terra Nova sur la réforme, sous la signature de Jacques Barthélémy lui-même. On n’est jamais mieux servi que par soi-même. On lira donc ce rapport avec attention, dans la mesure où il exprime sans doute à l’état le plus pur la pensée du gourou et les conceptions reprises par ses fidèles collaborateurs ou associés.
Pour l’essentiel chacun en connaît le contenu, tant le gourou répète ses antiennes dans toutes les enceintes qui lui tendent un micro: vive la solidarité qui passe forcément par des accords de branche et non à une concurrence libre et parfaite qui permettrait aux entreprises de s’affronter sur le terrain du contrat de travail. Sans surprise, donc, la loi de 2016 sur le code du travail devrait faire écho à cette vision passéiste qui contribuera à plomber un peu plus la compétitivité des entreprises françaises.