L’obligation de reclassement de l’employé passée au moule des Ordonnances

Cette publication provient du site de l’organisation syndicale CFDT

 

L’obligation de reclassement, qui incombe à l’employeur, est une obligation de moyen renforcée primordiale pour s’assurer du caractère objectif du licenciement. Qu’il s’agisse de reclassement à la suite d’une inaptitude ou d’un licenciement pour motif économique, l’obligation de reclassement permet de s’assurer que tous les efforts ont été faits pour conserver le salarié, dont ni l’attitude, ni le travail ne sont en cause, et que, par conséquent, le licenciement est l’ultime mesure. Cette obligation ayant fait l’objet de plusieurs évolutions suite à la loi El Khomri et aux ordonnances Macron, c’est l’occasion dans ces quelques lignes de faire un point sur l’état du droit en la matière. 

  • Le périmètre de reclassement

Le périmètre de reclassement tel qu’initialement défini par la jurisprudence a soulevé quelques difficultés pratiques, en particulier lorsqu’il s’agissait d’un licenciement pour motif économique. Depuis 2015, le législateur est intervenu pour le faire évoluer. 

– Règle d’origine et restriction progressive au périmètre national 

Depuis 1995, la chambre sociale de la Cour de cassation avait décidé que lorsqu’une entreprise appartenait à un groupe, le périmètre de reclassement était celui des entreprises du groupe appartenant au même secteur d’activité et « dont les activités et l’organisation permettaient la permutation de tout ou partie du personnel ». 

Une première évolution a d’abord concerné les modalités de proposition d’une offre de reclassement à l’étranger et la pratique des questionnaires avait été autorisée, de sorte que l’employeur n’était plus tenu de proposer des postes de reclassement à l’étranger à tout le monde, mais seulement aux salariés qui en avaient exprimé le souhait. 

Puis, de l’autorisation de questionnaires préalables adressés par l’employeur à tous les salariés qui devaient se positionner en réaction, on est passé à l’obligation, pour les salariés, de manifester leur souhait de bénéficier des offres à l’étranger sans même être interrogés par l’employeur (loi Macron du 06.08.15). 

– L’ordonnance (1) : poursuite de la réduction du périmètre de reclassement 

La loi Macron de 2015 (2) avait déjà entamé le périmètre de recherche du reclassement en le limitant aux « emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie » (3), autrement dit en le restreignant géographiquement aux entreprises situées en France. Subsistait toutefois une possibilité, pour le salarié, d’exprimer son souhait de reclassement à l’étranger lorsque l’entreprise appartenait à un groupe (4)

Cette possibilité est supprimée : dorénavant, le champ du reclassement ne recouvre que l’hexagone. Pour la CFDT, cette évolution n’est pas la plus préoccupante, dans la mesure où la volonté et la possibilité de se reclasser sont en réalité limitées à une petit nombre de salariés.  

En revanche, le législateur est venu donner au groupe une définition légale restrictive, qui est plus préoccupante. La loi reprend la définition jurisprudentielle du groupe, au sens du droit au reclassement. Il s’agit de celui « dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel » (5). Mais le législateur va plus loin, car il limite le périmètre au groupe entendu dans un sens capitalistique (filiale détenue à majorité par l’entreprise mère) (6).  

L’une des conséquences regrettables de cette évolution est que, dans certains cas dans lesquels l’employeur avait autrefois une obligation de reclassement, cette obligation tombe ! Ainsi en est-il par exemple de l’obligation de reclassement dans les réseaux de franchise (7). 

– Et en cas d’inaptitude ? 

Cette nouvelle définition du groupe au sens capitalistique est également rendue applicable en matière de reclassement des salariés inaptes, que l’inaptitude soit d’origine professionnelle ou non (8). Le périmètre du reclassement y subira donc les mêmes restrictions. 

  • L’emploi de reclassement

– L’emploi de reclassement en cas de licenciement pour motif économique 

L’emploi proposé doit appartenir à la même catégorie professionnelle, ou, à défaut de catégorie inférieure, avec l’accord du salarié (modification du contrat de travail). 

La catégorie professionnelle correspond à l’ensemble des salariés qui exercent au sein de l’entreprise des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune. La notion de catégorie professionnelle est au coeur des débats relatifs à la validité des PSE. 

Avant les ordonnances : jusqu’alors, l’employeur avait l’obligation de rechercher des postes pour le reclassement des salariés. Il devait, selon la Cour de cassation, rechercher s’il existait des possibilités de reclassement, prévues ou non par le plan de sauvegarde de l’emploi, et proposer individuellement ces offres aux salariés dont le licenciement était envisagé (9). 

Après les ordonnances : ce principe semble bien remis en cause. En effet, l’article L.1233-4 du Code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé : « L’employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l’ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret ». 

Il y a donc une équivalence, pour le législateur, entre obligation individuelle et diffusion d’une liste à destination collectiveà l’ensemble des salariés »). 

Si l’employeur se contente de diffuser une liste auprès de l’ensemble des salariés, il reviendra à chaque salarié de se porter volontaire sur telle ou telle offre, s’il pense que celle-ci correspond à ses aptitudes professionnelles et si elle lui convient. Le salarié deviendrait ainsi acteur de son reclassement en se positionnant lui-même sur telle offre plutôt qu’une autre. 

En pratique, le risque n’est pas mince pour les salariés de ne pas bien jauger leurs possibilités réelles de reclassement. Aussi, l’accompagnement par leurs représentants (ou par des professionnels dédiés dont les services seraient obtenus dans le plan de sauvegarde de l’emploi) devient-il un enjeu essentiel. 

– L’emploi de reclassement en cas de licenciement pour inaptitude (10)  

L’employeur doit proposer au salarié déclaré inapte un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté. 

L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles qu’une mutation, des aménagements, des adaptations ou transformations de postes existants ou un aménagement du temps de travail. 

Le rôle fondamental du médecin du travail : la proposition doit prendre en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise. Ainsi, l’avis d’inaptitude émis par le médecin du travail doit être éclairé par des conclusions écrites, assorties d’indications relatives au reclassement du travailleur. 

Le médecin du travail formule également des indications sur l’aptitude du salarié à bénéficier d’une formation destinée à lui proposer un poste adapté. 

La prise en compte des préconisations du médecin du travail : l’employeur étant tenu d’une obligation de sécurité, il doit nécessairement prendre en compte les propositions de mesures individuelles telles que des aménagements, des adaptations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l’âge, à la résistance physique ou à l’état de santé physique et mentale des salariés que le médecin du travail est habilité à faire en application de l’article L.4624-6 du Code du travail. 

La proposition de reclassement : elle doit être précise et consistante, et concerner un emploi compatible avec les capacités réduite du salarié et tenir compte des conclusions du médecin du travail. 

La présomption de respect de l’obligation de reclassement. Depuis le 1er janvier 2017, l’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l’article L.1226-2 (inaptitude d’origine professionnelle) ou L.1226-10 (inaptitude d’origine non professionnelle), en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail. Ainsi, lorsque l’employeur aura proposé un emploi au salarié déclaré inapte, au titre de son obligation de reclassement, il sera considéré comme ayant rempli son obligation. Sous réserve toutefois que le poste proposé prenne en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer une des tâches existantes dans l’entreprise, et soit aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé. 

(1) N°2017-1387.(2) Loi n°2015-499 du 6.08.15.(3) Art. L.1233-4 C.trav., issu de la loi de 2015.(4) Art. L.1233-4-1 C.trav.(5) Art. L.1233-4, alinéa 1er C.trav., modifié.(6) Art. L.1233-4 alinéa 2 C.trav., modifié.(7) Cass.soc.15.01.14, n° 12-22944 et soc.16.11.16, précité.(8) Art. L.1226-2 et L.1226-10 C.trav., modifiés par l’article 7 de l’ordonnance.(9) Cass.soc.06.07.99, Revue de jurisprudence sociale, 1999.767, n°1237.(10) Art. L.1226-2 et L.1226-10 C.trav. 

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