La Sécu sortie de la Constitution : vers une protection sociale totalement étatisée ?

Dans le cadre de l’examen par l’Assemblée Nationale du projet de loi constitutionnel, le bien connu député de « la République en Marche » Olivier Véran a fait voter par la commission des Lois un amendement supprimant la mention aux « lois de financement de la Sécurité sociale » et la remplaçant par une mention aux « lois de financement de la protection sociale ». Cette évolution lourde de sens pourrait préparer une étatisation totale de la protection sociale. 

La Sécu hors de la Constitution

Comme bien souvent dans ces cas-là, c’est en toute discrétion, par le moyen d’un amendement déposé par l’un des députés les plus acquis à la cause macroniste, M. Véran, que l’exécutif a fait en sorte de supprimer de la Constitution française la mention à la Sécurité Sociale. Plus précisément, la mention qui y est faite aux « lois de financement de la Sécurité sociale » serait remplacée par une mention aux « lois de financement de la protection sociale ». Un peu plus de vingt ans après y avoir eu voix au chapitre avec le plan Juppé, la Sécurité sociale disparaîtrait ainsi de la Constitution. 

Si, au moment de l’adoption du plan Juppé, FO était opposée à la constitutionnalisation du financement de la Sécurité sociale, beaucoup d’eau a coulé sous les points depuis cette époque. Commentant l’amendement de M. Véran, FO n’y va en effet pas de main morte : elle « condamne et s’oppose à cette modification imposée, sans concertation, si lourde de sens et de conséquences ». Pour l’Avenue du Maine, « cette transformation serait une faute historique, ce serait constitutionnaliser la mort de la Sécu ! » Les orientations politiques de M. Macron étant ce qu’elles sont, FO considère que sortir la Sécurité sociale de la Constitution résulte d’une volonté de la liquider purement et simplement. 

Interrogée par l’AFP, la CFDT défend une position proche de celle de FO. Jugean ce changement constitutionnel « pas indispensable » mais « dangereux », Jocelyne Cabanal, dirigeante confédérale de la CFDT assure que sa centrale « s’oppose à cet amendement ». « Un texte constitutionnel ne doit pas laisser la moindre ambiguïté sur le sens des modifications apportées et ce n’est pas du tout le cas des évolutions envisagées » précise-t-elle. 

Le privé sous contrôle constitutionnel

Prenant connaissance de la volonté et de l’amendement gouvernementaux et découvrant ces réactions syndicales indignées, les défenseurs d’une protection sociale laissant plus de marge aux acteurs privés pourraient dans un premier temps être tentés de se féliciter de la nouvelle rédaction constitutionnelle. Il est effectivement indiscutable qu’une marginalisation de la Sécurité sociale dans le système global de la protection sociale française aurait toutes les chances de servir les acteurs privés de la protection sociale. 

Ceci étant dit, dans l’état actuel des choses, une telle interprétation de l’intention gouvernementale ne semble pas fondée. Ce n’est pas en invoquant une volonté de l’Etat de délaisser la Sécurité sociale que le député Olivier Véran a justifié son amendement mais bien plutôt en affirmant que les pouvoirs publics entendent « étendre le champ de la loi de financement en l’étendant à la protection sociale ». Autrement dit : l’Etat entend contrôler l’ensemble des acteurs et formes de financement de la protection sociale de la même manière qu’il contrôlait jusqu’à présent la seule Sécurité sociale. C’est-à-dire de près. 

Alors, certes, certains acteurs et processus de la protection sociale subissent déjà un contrôle étatique strict : que l’on songe à la retraite complémentaire ou aux différents régimes de complémentaire santé. Mais d’autres secteurs échappaient quelque peu, jusqu’alors, à ce contrôle : les secteurs liés aux opérations facultatives de protection sociale. La rédaction floue de l’amendement permettra, à l’avenir, de mettre ces secteurs sous surveillance étatique très étroite. Plus précisément encore, la constitutionnalisation du contrôle étatique du financement de la protection sociale signifierait en réalité non pas simplement la mise sous surveillance étatique de l’ensemble des dispositifs de protection sociale mais la possibilité même d’une gestion étatique de ces dispositifs. 

Tous les acteurs de la protection sociale ont clairement intérêt à se pencher de près sur le projet de réforme de la Constitution promu par le Président de la République. 

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