Le Conseil constitutionnel a rendu une décision QPC n° 2015-485, le 25 septembre 2015, relative au délicat sujet du travail en prison.
Le droit du travail en prison est dérogatoire, le détenu peut exercer une activité professionnelle pendant son incarcération mais ne pourra pas le faire dans le cadre d’un contrat de travail. Cette absence de contrat de travail a été jugée constitutionnelle par le Conseil des sages dans une décision QPC du 14 juin 2013. Le travail en prison est alors pratiqué selon les termes d’acte d’engagement signé entre le détenu et l’établissement pénitentiaire. Cet acte fait aujourd’hui l’objet d’un examen par le Conseil.
Un litige sur un déclassement en prison aboutissant toujours à la même question
En l’espèce, le requérant est un détenu de prison au sein de laquelle il exerce un emploi d’opérateur pour les ateliers de production de l’établissement pénitentiaire. Le litige initial portait sur la demande d’annulation pour excès de pouvoir de Monsieur A., à l’encontre de la décision du 30 janvier 2013, par laquelle le directeur du centre pénitentiaire, déclasse le requérant de son poste d’opérateur.
Avant même que le Tribunal administratif compétent ait pu statuer sur la requête, la juridiction de 1er ressort a décidé de transmettre au Conseil d’Etat, la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par l’exposant.
Le Conseil constitutionnel est alors saisi d’un renvoi du Conseil d’Etat sur l’examen de l’article 33 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009. Le requérant incluait dans sa question, le dernier alinéa de l’article 717-3 du code de procédure pénale, mais le Conseil d’Etat ne l’a pas transmise au motif que cette disposition n’est pas applicable au litige. En effet, cette dernière garantie l’accès à une activité professionnelle pour les personnes en détention qui en font la demande.
L’article contesté concerne l’établissement d’un acte d’engagement entre la prison et le détenu. Cet acte relatif à l’organisation de l’activité professionnelle permet d’énoncer les droits et obligations professionnels ainsi que les conditions de travail et sa rémunération. Comme les relations professionnelles en prison ne peuvent être assimilées à un contrat de travail, seul l’établissement pénitentiaire est décisionnaire. Cela implique que les détenus ne peuvent bénéficier des droits liés au contrat de travail comme le SMIC ou les congés payés etc.
Il est alors question de savoir si cet article est conforme aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment au droit à l’emploi, à la liberté syndicale, au droit de grève et au principe de participation des travailleurs, respectivement garantis par les alinéas 5, 6, 7 et 8 du Préambule de la Constitution de 1946.
Le détenu soutenait notamment, qu’en n’organisant pas un encadrement légal du travail en prison, puisque l’établissement pénitentiaire est seul décideur de cet acte d’engagement, le législateur n’a pas entendu garantir aux détenus, les garanties prévues par le préambule de 1946.
La position inchangée du Conseil constitutionnel : pas de droit du travail en prison
Perdurant dans sa jurisprudence antérieure, le Conseil des sages écarte les moyens du requérant et juge conforme à la Constitution, les dispositions contestées. Pour les juges de la rue Montpensier, l’acte d’engagement, qui doit respecter les dispositions de la loi du 24 novembre 2009 et le contrôle du juge administratif, ne prive pas de garanties légales les principes énoncés par les cinquième à huitième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946. Il laisse tout de même la possibilité au législateur de venir modifier le cadre légal du travail en prison s’il souhaite renforcer la protection des détenus.
Le Conseil constitutionnel reste donc en retrait sur le statut des travailleurs incarcérés, et n’oblige pas le législateur à voter un nouveau texte pour encadrer le travail en milieu carcéral alors même que le contrôleur général des lieux de privation de liberté l’attendait fermement. L’opinion publique se questionne maintenant sur la nécessité d’appliquer le droit du travail en prison, le Conseil constitutionnel lui laisse le législateur donner son avis. La mobilisation des universitaires, des acteurs du monde carcéral comme des avocats, magistrats, défenseur des droits, n’a pas su influencer le Conseil.