Cet article a été initialement publié sur le site de la CFDT.
L’employeur peut-il user de son pouvoir disciplinaire concomitamment à la signature de la convention de rupture conventionnelle ? Fort heureusement, la Cour de cassation semble dire que non. Elle approuve la cour d’appel d’avoir jugé qu’une rupture conventionnelle, signée le jour de la réception d’une convocation à un entretien préalable à un licenciement, devait être annulée, car signée sous la contrainte. Cass. Soc. 16.09.15, n° 14-13830
Dans cette affaire, l’employeur avait exercé son pouvoir disciplinaire juste avant la signature de la convention de rupture avec son salarié. Il avait refusé de lui accorder ses congés et lui avait adressé plusieurs courriers le mettant en demeure de reprendre son poste. Le jour même de la signature de la convention de rupture conventionnelle, l’employeur l’avait mis à pied à titre conservatoire avec convocation à un entretien préalable à son licenciement.
- Sanctionner un salarié le jour de la signature peut constituer un vice du consentement
Bon à savoir : La signature de la convention de rupture conventionnelle ne doit pas être imposée par l’employeur au salarié qui doit donner un consentement libre et éclairé sur le contenu et les conséquences de cette convention. En cas de vice du consentement, la rupture conventionnelle est nulle (1).
Pour la cour d’appel, ces faits démontrent que les discussions préalables à la rupture conventionnelle « se déroulaient dans un climat de tension professionnelle ». Elle considère que le salarié avait pour seule alternative au licenciement l’acceptation de la rupture conventionnelle. En d’autres termes, le salarié n’avait plus le choix. En outre, les juges relèvent que la convention comportait une « indemnité de départ inférieure de moitié à celle envisagée dans le cadre des pourparlers initiaux ». De l’ensemble de ces circonstances, la cour d’appel déduit l’absence de libre consentement du salarié et décide l’annulation de la rupture conventionnelle.
- Renvoi au juge du fond l’appréciation de la réalité du vice du consentement
L’employeur conteste cette décision en arguant que « le seul exercice par l’employeur de son pouvoir disciplinaire, créant un climat conflictuel, avant la signature d’une rupture amiable, n’affecte pas en lui-même la validité de la convention de rupture conventionnelle conclue par les parties ». Il ajoute que, dans ce contexte, seul l’abus par l’employeur de son pouvoir disciplinaire dans le but de contraindre le salarié à conclure une rupture amiable aurait pour conséquence de vicier son consentement.
L’argumentaire de l’employeur semble s’appuyer ici sur la jurisprudence récente de la Cour de cassation dans le cadre des ruptures conventionnelles en cas de situations conflictuelles entre employeur et salarié. En effet, la haute Juridiction avait pu juger dans une série d’arrêts(2) que l’existence d’un différend entre les parties préalablement à la signature de la convention n’entachait pas en soi sa validité dès lors que la rupture avait été consentie librement.
Dans cet arrêt, la Cour de cassation confirme fort heureusement l’arrêt de la cour d’appel. Selon la haute juridiction, la cour d’appel n’avait pas à davantage motiver sa décision. Elle pouvait apprécier souverainement que le comportement de l’employeur en l’espèce était constitutif d’un vice de consentement.
Cette décision, positive pour le salarié, vient illustrer le contexte dans lequel un salarié et un employeur peuvent conclure une rupture conventionnelle, et excluant les cas les plus « suspects », où le pouvoir disciplinaire est utilisé de manière flagrante comme une pression exercée contre le salarié afin de le contraindre à rompre le contrat.
(1)Cass. soc. 09.06.2015, n° 14-10192
(2)Cass. soc. 23.05.2013, n° 12-13865