Un PSE est valable même si le CSE rend son avis en retard

Cette publication provient du site du syndicat de salariés CFDT

 

Pour le Conseil d’Etat cela ne fait pas de doute. Lorsque la demande d’homologation du document unilatéral fixant le contenu du PSE est accompagnée des avis rendus par le CE/CSE, la circonstance que ces avis aient été rendus après l’expiration du délai préfix est sans incidence sur la validité de la décision d’homologation. Par ailleurs, l’administration peut homologuer un PSE en l’absence d’avis, sous réserve de respecter certaines conditions. C.E, 22 mai 2019, n°420780, British Airways, publié au Lebon. 

Au fil du temps, le Conseil d’Etat a forgé sa conception du contrôle que les juges doivent opérer sur les décisions d’homologation ou de validation des PSE. La présente affaire en est une des dernières illustrations et porte plus particulièrement sur le type de contrôle opéré sur la régularité de la procédure d’information-consultation du CE/CSE. 

  • Faits, procédure, prétentions

En conséquence de la réorganisation du groupe auquel elle appartient, la société British Airways a décidé fin 2016 de supprimer 41 emplois sur 71. En juillet 2017, l’administration a homologué le document unilatéral par lequel cette société a fixé le contenu du PSE. 

A la suite de cette décision, le comité d’entreprise a saisi la juridiction administrative afin de contester la validité de l’homologation au regard du déroulement de la procédure d’information-consultation. 

Il fait valoir, en particulier, que l’administration ne pouvait pas homologuer le document unilatéral fixant le PSE dès lors que les avis du CE/CSE avaient été rendus après l’expiration du délai préfix dont celui-ci dispose, dans toute procédure de licenciement collectif, pour se prononcer. 

Depuis la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013, l’article L.1233-30 du Code du travail accorde au CE/CSE un délai qui varie entre 2 et 4 mois, selon le nombre de licenciements. Ce délai court à compter de la première réunion de consultation pour rendre ses avis (l’un sur l’opération projetée et ses modalités d’application, l’autre sur le projet de licenciement collectif proprement dit- nombre de suppressions d’emplois, catégories professionnelles…). Dans son dernier alinéa, ce texte prévoit que : « En l’absence d’avis du comité social et économique dans ces délais, celui-ci est réputé avoir été consulté ». C’est pourquoi l’on parle de délais préfix : au terme de ceux-ci, l’employeur peut poursuivre son projet, même si les représentants du personnel ne se sont pas prononcés. 

En première instance, le comité obtient gain de cause, puis il est débouté en appel. Il décide donc de se pourvoir en cassation devant le Conseil d’Etat. 

  • Une appréciation globale de la régularité de la procédure d’information-consultation

La question posée est presque à front renversé puisqu’il s’agissait de savoir si, lorsque la procédure d’information-consultation a été prolongée par l’employeur et que le comité a rendu ses avis après l’expiration du délai préfix, l’administration peut homologuer le document unilatéral transmis, dûment accompagné des avis. Formellement en effet, le délai préfix n’avait pas été respecté. 

Pour autant, le Conseil d’Etat ne s’arrête pas à cette considération. Il évalue la régularité de la procédure d’information-consultation, que la Direccte doit vérifier à l’occasion de l’homologation, de manière globale.  

C’est pourquoi, au terme de l’examen des dispositions légales à la lumière des travaux préparatoires à la loi de 2013, il décide que : « la circonstance que le comité d’entreprise ou, désormais, le comité social et économique ait rendu ses avis au-delà des délais qu’elles prévoient est par elle-même sans incidence sur la régularité de la procédure d’information et de consultation du comité ». 

Autrement dit, pour le Conseil d’Etat, il faut tenir compte de l’ensemble du déroulement de la procédure et aucune irrégularité ne conduit nécessairement et en soi à une irrégularité de l’ensemble de celle-ci. Cette démarche du Conseil d’Etat n’est d’ailleurs pas sans évoquer celle qu’il a adoptée pour évaluer le contenu même du PSE. 

Par ailleurs, le Conseil d’Etat donne la ligne à suivre en l’absence d’avis du CE/ CSE. Ainsi ajoute-t-il que, dans ce cas, l’administration ne peut homologuer le PSE qui lui est transmis qu’à 2 conditions

– Tout d’abord que le délai ait bien expiré à la date de la transmission ; 

– Ensuite, que le comité d’entreprise (ou CSE) ait été mis à même, avant la transmission, de rendre ses deux avis « en toute connaissance de cause ». 

Ainsi, ce qui semble guider l’appréciation du Conseil d’Etat n’est pas le respect formel de la procédure telle qu’elle ressort des textes, mais la capacité réelle du CE/CSE à se prononcer sur le projet et les licenciements. 

Se pose dès lors la question de savoir comment apprécier cette capacité du CE/CSE à rendre un avis « en toute connaissance de cause » ? 

  • Une information suffisante et une consultation loyale : gages de la régularité de la procédure ?

A ce titre, le Conseil rappelle qu’« il appartient à l’administration de s’assurer que l’employeur a adressé au comité tous les éléments utiles pour qu’il formule ses deux avis en toute connaissance de cause, dans des conditions qui ne sont pas susceptibles d’avoir faussé sa consultation ». 

En l’espèce, le Conseil constate que le comité a pu rendre ses avis « en toute connaissance de cause » et que la poursuite de la consultation au-delà du délai de 2 mois n’a pas « faussé les conditions de sa consultation ». Il relève de surcroît « le caractère suffisant de l’information dont il disposait à la date de ces avis ». 

Une précision d’importance quand on sait quels ont été les débats sur l’articulation entre ces délais préfix et la nécessité d’avoir accès aux informations pour que le CE/ CSE puisse se prononcer. 

Pour rappel la combinaison des délais préfix et de l’absence d’interruption de ceux-ci par la saisine du juge aux fins d’obtenir les informations nécessaires à la consultation a donné lieu à une QPC dans une affaire Markem Imaje, portée par les équipes CFDT. Malheureusement, le Conseil constitutionnel a considéré que les garanties du principe de participation et du droit à un recours effectif étaient assurées (1). Cette décision décevante a heureusement été suivie d’une solution de la Cour de cassation permettant d’y apporter un tempérament appréciable. Celle-ci a décidé que si, à l’expiration du délai, le comité est réputé avoir été consulté, encore faut-il que le délai ait commencé à courir, ce qui n’est pas le cas en l’absence de BDES (2). 

 

(1) Décision QPC n°2017-652 du 4 août 2017. 

(2) Cass.soc.28.03.18, n°1713081. 

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