Cet article a été initialement publié sur le site du syndicat CFDT.
Dans un arrêt récent, la Cour de cassation rappelle que l’obligation pour l’employeur de réintégrer un salarié dans l’entreprise à l’issue de son congé sabbatique, ne consiste pas nécessairement à le réintégrer dans son poste initial. A défaut de pouvoir le faire, l’employeur doit lui proposer un emploi similaire. Cass. Soc. 03.06.15, n° 14-12245.
- Les faits
Dès le départ en congé sabbatique de sa salariée, l’employeur a définitivement attribué son poste en interne. À son retour de congé, l’employeur propose donc à la salariée plusieurs emplois similaires qu’elle va tous refuser. Faute de pouvoir la reclasser, l’employeur finit par la licencier.
La salariée conteste son licenciement devant la juridiction prud’homale : d’une part, elle estime que l’employeur n’aurait pas dû définitivement attribuer son poste,mais pallier son absence par un recrutement temporaire. Elle constate d’autre part que les postes qui lui ont été proposés, ne correspondent pas à son profil, ou alors présentent des conditions de travail moins avantageuses. Enfin, le seul poste similaire susceptible de lui convenir ne lui a pas été proposé…
Outre l’éternel débat sur ce qu’est un emploi similaire, la question était ici de savoir si l’employeur pouvait attribuer définitivement le poste de la salariée en congé sabbatique ou bien s’il était tenu de lui réserver jusqu’à son retour.
La Cour de cassation est très claire : dès lors que l’emploi précédemment occupé n’est plus disponible, la seule obligation de l’employeur est de proposer un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente, tel que le prévoit le Code du travail (1). Peu importe alors que l’employeur ait définitivement attribué le poste de la salariée absente.
- L’employeur pouvait-il pourvoir définitivement son poste ?
Pour la salariée, les dispositions légales marquent une priorité : l’employeur est d’abord tenu de réintégrer le salarié de retour de congé à son poste d’origine, et c’est seulement dans l’hypothèse où il est dans l’impossibilité de le faire qu’il doit lui proposer un emploi similaire.L’employeur aurait donc dû démontrer la disparition ou l’indisponibilité de l’emploi précédemment occupé. Or, ici, l’employeur s’est simplement contenté de l’informer que le poste avait été définitivement pourvu par une collègue. La salariée considère que l’employeur a tout bonnement et volontairement rendu le poste indisponible alors qu’il disposait d’autres moyens de la remplacer de façon provisoire (par un recrutement externe temporaire par exemple). En bref, l’employeur aurait dû lui réserver son poste jusqu’à son retour.
La Cour de cassation n’a toutefois pas la même interprétation : « il résulte de l’article L. 3142-95 du Code du travail qu’à l’issue du congé sabbatique, le salarié doit retrouver son précédent emploi ou, à défaut, un emploi similaire ». Pour les juges, peu importent les raisons pour lesquelles le poste a été rendu indisponible et il n’y a pas lieu non plus de vérifier si l’employeur aurait pu avoir recours à du travail temporaire, l’employeur n’a pas à se justifier sur ce point. Sa seule obligation est de proposer au salarié de réintégrer son poste, ou, à défaut, un emploi similaire. S’il décide d’attribuer définitivement le poste de la salariée absente, il doit simplement être en mesure de lui proposer un emploi aux mêmes caractéristiques à son retour. Il n’a en effet, aucune obligation de conserver le poste de la salariée durant son absence (2). Après avoir constaté que l’emploi n’était plus disponible, et que l’employeur avait bien respecté son obligation de reclassement, les juges ont donc considéré que les refus successifs de la salariée d’occuper les postes proposés pourtant similaires constituaient bien une cause réelle et sérieuse de licenciement.
- Qu’entend-on par emploi similaire ?
Cet arrêt confirme la position de la jurisprudence adoptée depuis longtempsen la matière : les caractéristiques du poste proposé doivent être identiques au poste précédent. L’emploi similaire doit notamment correspondre aux fonctions effectivement exercées par le salarié avant son congé (3). Il s’ensuit que les conditions de travail s’en trouvent bien souvent modifiées, ce qui est tout à fait possible au regard du pouvoir d’organisation et de direction dont dispose l’employeur au sein de son entreprise.
En revanche les modifications ne doivent pas porter sur un élément essentiel du contrat de travail, tels que la rémunération (4), la durée du travail (5), ou la qualification. Pour la salariée, les postes proposés en l’espèce présentaient des conditions de travail différentes et beaucoup moins avantageuses que son emploi précédent. Il ne s’agissait donc pas d’emplois similaires.
La Cour de cassation a au contraire considéré que les postes proposés de « responsable logistique France », de « prévisionniste », présentaient des caractéristiques équivalentes à celles de « responsable clients » qu’elle occupait avant son départ en congé. Le licenciement de la salariée qui refuse ces postes était donc justifié.
(1) Art. L. 3142-95 du Code du travail.(2) Cette solution confirme la position de la jurisprudence adoptée pour d’autres congés, Cass. Soc.15.01.03, n°00-45968.(3) Cass. Soc. 12 mars 2002, n°99-43138.(4) Cass. Soc. 26 février 1997, n°94-41071.(5) Cass. Soc. 16 mars 1989, n° 86-42328.