La loi Travail est à peine promulguée que, très vite, diverses de ses dispositions devraient finir devant le Conseil Constitutionnel au titre des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC). Face à un texte touffu et passé à coups de 49-3, les justiciables ne sont évidemment pas au bout de leurs découvertes. Mais une disposition devrait rapidement devenir emblématique des malfaçons d’un texte très critiquable: il s’agit d’une phrase glissée sur le rôle des branches professionnelles, qui semble tirée d’un ouvrage d’un Ancien Régime.
La branche peut-elle réguler la concurrence?
A l’article 24 de la loi, on lira en effet un ajout sybillin au code du Travail, créant un article L 2232-5-1, dont l’alinéa prévoit, dans le rôle des branches, cette mention curieuse:
3° De réguler la concurrence entre les entreprises relevant de son champ d’application
Ah bon? les branches devraient désormais réguler la concurrence entre les entreprises? Mais sur quelle base? selon quels principes? avec quels objectifs?
Bien entendu, cet ajout n’a ni queue, ni tête, ni sens, sauf qu’il peut justifier des accords de branche scélérat au nom de la “régulation de la concurrence”.
Une erreur tactique majeure?
Les rares spécialistes du sujet se régaleront, car cette phrase sortie d’on ne sait quel lobbying, peut être prise en un autre sens. Selon la Constitution, la régulation de la concurrence ne peut relever que de la loi et d’une norme publique. Dès lors qu’un accord de branche peut participer à cette mission, la loi a tranché un sujet qui restait dans le flou: un accord de branche a donc une valeur d’ordre public et relève du droit public.
Nous laissons chacun dérouler la pelote qui s’ensuit. Mais le bon sens pousse à tirer une conséquence de ce principe: les accords de branche doivent obéir aux mêmes règles de transparence et d’impartialité que les normes publiques.
Voici un joli sujet à évoquer devant un juge.