La DREES a publié aujourd’hui les comptes de la santé pour 2015. Elle s’est fendue d’une note supplémentaire sur la complémentaire santé intitulée: “déclin des solidarités dans les contrats individuels”. Le ton est donné: la santé serait de moins en moins solidaire. Voilà qui sent la levée de “l’impôt révolutionnaire” sur les “non-solidaires” en loi de financement de la sécurité sociale. En prévision de ce nouvel enfumage, un décryptage s’impose.
Comment la gauche tue la solidarité en santé
Rappelons d’abord ce qu’on appelle couramment la solidarité en santé: elle consiste à demander à n’importe qui de cotiser pour n’importe qui d’autre. Certains noteront que cette définition de la solidarité est contestable, et qu’il s’agit plus de mutualisation que de solidarité. Mais qu’importe… reprenons les termes courants et notons deux points.
Premièrement, c’est la gauche qui, à contrecourant de l’universalisme imposé par la solidarité, a commencé à “segmenter” les marchés. La gauche a maintenu le régime étudiant, elle a rendu obligatoire la complémentaire santé collective pour les salariés, et elle a imposé des tarifs par âge pour les retraités (ou est en passe de le faire au nom de la généralisation de la complémentaire santé aux retraités). Bref, la gauche, depuis 2012, impose une démutualisation des contrats, en “pompant” notamment les contrats individuels des actifs vers des contrats collectifs obligatoires.
Deuxièmement, c’est la gauche qui a imposé des restes à charge par sa funeste réforme des contrats solidaires en novembre 2014. Là encore, rappelons la terrible réalité: à ce moment, l’équipe au pouvoir a plafonné les remboursements des actes de spécialité et les remboursements optiques…
Pourquoi se plaindre aujourd’hui d’une réalité qu’on a constituée de toute pièce ?
La généralisation commence à faire sentir ses effets
Ceux qui, à l’époque, imaginaient que la généralisation de la complémentaire santé en entreprise allait leur profiter en sont aujourd’hui pour leur grade. On se souvient de l’intense lobbying mené par les groupes paritaires pour obtenir une généralisation par la mécanique de la désignation, qui s’est transformée en machine infernale. Les chiffres de la DREES le montrent.
Premièrement, les “assureurs privés”, c’est-à-dire les compagnies continuent leur percée sur le marché de la santé, avec 28% de part de marché en 2015 contre 22% en 2006. Les institutions de prévoyance sont, pour leur part, passées de 18 à 19%. Les chouchoutes de la gauche, les mutuelles, ont vu leur part de marché s’effondrer de 60 à 53%. On imagine la rage de ceux qui, à la FNMF, comptent sur leur proximité avec le pouvoir pour obtenir des normes favorables qui les protègent de la concurrence.
Deuxièmement, les remboursements des complémentaires ont légèrement diminué en part de marché, passant à 13,3% de la consommation globale de soins contre 13,7% en 2013. Pourtant, les remboursements augmentent en volume de 1,4% en un an. Mais cette augmentation est mieux maîtrisée que l’augmentation globale de la dépense de santé. Il faut évidemment y voir le signe de l’efficacité des acteurs privés qui se donnent les moyens de gérer le risque et de le réduire, quand la sécurité sociale, par sa technique de transfert de risque, joue à guichets ouverts et recourent aux vieilles méthodes soviétiques pour gérer son système.
L’efficacité, une menace pour la gauche et ses amis
Au total, l’évolution des dépenses de santé montre l’efficacité sociale et économique du marché par rapport au projet de santé administrée que nous propose le gouvernement. Le marché permet de mieux gérer le risque, de mieux allouer les dépenses et de garantir un meilleur accès aux soins. En revanche, il suppose une technicité et un modèle économique que n’ont pas développé les institutions de prévoyance, ni l’immense majorité des mutuelles.
Voilà qui pose un problème majeur pour le pouvoir en année électorale: soit jouer la carte de l’intérêt général en préservant un système qui marche, soit jouer la carte de l’amitié politique en protégeant les rentes des amis contre la montée d’une concurrence socialement productrice d’un plus grand nombre d’externalités positives.
Il suffit de poser la question pour connaître la réponse: l’amitié politique a ses lois que l’efficacité économique et sociale ne comprend pas. La tentation est grande, aujourd’hui, pour la gauche, de sacrifier l’intérêt des salariés sur l’autel de l’amitié politique, surtout au moment où il s’agit de se faire réélire.
Un risque maximal de retour aux désignations
Politiquement, tout plaide donc aujourd’hui pour que la gauche tente le coup de force en loi de financement de la sécurité sociale, c’est-à-dire un retour aux désignations malgré la décision du Conseil Constitutionnel. Cette folie, qui se heurtera sans doute aux Sages en décembre, a une justification toute trouvée: il faut sauver les soldats rocardiens comme André Renaudin, à la tête d’AG2R, dont la suffisance a plongé la solvabilité du groupe dans des abimes suffisamment dangereuses pour que, tôt ou tard, le régulateur, malgré toute l’amitié qu’il lui porte et toute la connivence qui le lie à lui, finisse par mettre son nez dans ses affaires.
Le procès Cahuzac le montre: entre rocardiens, on s’aime et on ne compte pas!
On notera d’ailleurs que toute la galaxie paritaire frétille en ce moment de la queue pour plaider sa cause. AG2R multiplie les provocations façon FLNC canal historique, en imposant des désignations illégales. Schmidt de la Brélie fait le beau avec Libération pour expliquer que le monopole et la combinazione, c’est quand même mieux que la rationalité économique.
Tout ceci respire la reprise des hostilités. Mais cette fois en automne, sous la pluie… Mais on imagine bien que le gouvernement, dans son crépuscule tragique, s’offrirait bien une dernière punition pour ceux qui font tourner le système, et une ultime récompense pour ceux qui en vivent.