Décidément, les propos un peu énigmatiques de François Fillon sur la santé et sa nécessaire réforme font long feu. Désormais, c’est le jeu des lobbies qui se donne libre cours pour modifier le contenu d’un projet encore mal défini, et que beaucoup perçoivent comme inquiétants… pour des raisons qui restent à éclaircir.
Fillon est-il le jouet d’Henri de Castries?
Beaucoup ont attribué l’origine du projet Fillon sur la santé à la présence d’Henri de Castries dans son équipe. Ancien président d’Axa, et ancien membre de la promotion Voltaire, Castries ne passe pas inaperçu. À n’en pas douter, il va rapidement devenir un soutien embarrassant pour François Fillon.
Certains prêtaient au vainqueur de la primaire républicaine l’intention de nommer l’héritier du marquis de Sade et héritier du duc de Castries par alliance ministre des Finances. Castries cumule, sur son CV, des titres qui risquent d’être de plus en plus compliqués à gérer dans cette hypothèse. Ancien Young Leader, membre du groupe de Bilderberg, assureur… cela fait beaucoup pour un seul homme.
L’équipe Fillon doit d’ores et déjà se défendre d’accusations sur de possibles conflits d’intérêt. Ainsi, Serge Grouard, ancien maire d’Orléans et responsable du projet, a répondu hier:
«Les petits soins et les consultations lambda chez le médecin généraliste continueront d’être remboursés par la Sécurité sociale comme aujourd’hui, détaille-t-il. Et je n’ai jamais reçu de demandes particulières d’Henri de Castries ou de tout autre patron de compagnies d’assurance pour amender le projet de François Fillon sur ce thème.»
Voilà qui risque de compliquer le jeu dans les mois à venir…
Le lobby des médecins à l’oeuvre
Bernard Accoyer, patron du parti désormais, a demandé à François Fillon d’apporter des précisions sur ce point de programme, en laissant entendre que sa formulation actuelle ne convenait pas:
Il y a nécessité de le modifier dans sa mise en œuvre et dans sa présentation, parce qu’il est mal compris.
Bernard Accoyer est bien connu dans le monde de la protection sociale pour sa compétence sur le sujet. Il est d’ailleurs, avec deux ou trois autres, une sorte de figure d’autorité à droite, sur les questions de PLFSS. Les initiés à ce petit monde savent qu’il ne manque jamais une occasion de défendre les principes de libre concurrence dans la protection sociale… à condition que celle-ci ne touche pas frontalement au régime général et ne remette pas en cause les remboursements de soin.
Il est vrai que Bernard Accoyer est médecin et qu’il défend les intérêts de sa paroisse. Or le remboursement des soins par la sécurité sociale est une sorte de pierre angulaire pour les médecins eux-mêmes. Certes, ils râlent régulièrement sur la lourdeur administrative du système, mais ils redoutent encore plus la mise en place de réseaux de soins pilotés par les assureurs, et qui réduiraient les médecins à des sortes de salariés.
Le processus n’en est qu’à ses débuts
Il semblerait que François Fillon ait l’intention de sortir de l’ambiguïté la semaine prochaine. Il devrait, au cours d’une déclaration ou d’une conférence de presse, préciser sa pensée ou sa vision sur l’assurance maladie. Nul ne sait à ce stade de quel côté la balance va pencher.
Pour l’intérêt général, cette opacité dans les débats en amont est à la fois angoissante et inquiétante. François Fillon, on s’en doute, mettra, à l’approche des présidentielles, de l’eau dans son vin. Après un discours de primaire, il doit désormais adopter un discours de premier tour.
N’empêche… il serait dommage que nous manquions l’occasion d’améliorer le système de santé français en cédant au jeu des couloirs.