Par un arrêt du 16 septembre 2015, la Cour de cassation confirme une jurisprudence désormais bien établie selon laquelle l’inexécution du délai de prévenance ne doit pas conduire le juge à requalifier la rupture de la période d’essai en un licenciement. De surcroit, l’Ordonnance n° 2014-699 du 26 juin 2014 portant simplification et adaptation du droit du travail est venue préciser la sanction encourue.
Les faits de l’espèce
Un salarié est engagé avec une période d’essai de quatre mois par la société Information Builders France à compter du 15 mars 2010, l’employeur prolonge cette période d’essai pour une nouvelle durée de quatre mois, devant s’achever le 14 novembre 2010.
La société informe le salarié par courrier du 13 octobre 2010 qu’elle met fin à la période d’essai et le dispense de l’exécution de son « préavis » qui devait prendre fin le 2 décembre 2010. Estimant que la rupture du contrat s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié a saisi la juridiction prud’homale.
La motivation des juges
Les juges du fond considèrent que la rupture intervenue le 2 décembre 2010 au lieu du 15 novembre s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, compte tenu du dépassement de la période d’essai légale. La cour d’appel de Versailles condamne donc l’employeur à payer au salarié une somme totale de 43418 euros (5 000 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, 34 926 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 3 492 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payé). Un peu lourd pour une « ancienneté » de 8 mois !
La chambre sociale de la Cour de cassation censure les juges, et n’accepte toujours pas de se placer sur le terrain de la requalification en licenciement. La seule constatation que l’employeur avait mis fin à la période d’essai avant son terme aurait dû conduire les juridictions inférieures à faire application de la doctrine précédente.
Conséquences d’une rupture intervenant en méconnaissance du délai de préavis
Depuis la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail, le législateur a fixé des délais de prévenance devant être respectés lors de la rupture d’une période d’essai. Quand elle est à l’initiative de l’employeur, le salarié bénéficie d’un délai variant en fonction de son temps de présence dans l’entreprise : vingt-quatre heures en deçà de huit jours de présence ; quarante-huit heures entre huit jours et un mois de présence ; deux semaines après un mois de présence ; un mois après trois mois de présence.
Pour les Hauts magistrats, rappelons que la rupture d’un contrat de travail se situe à la date où l’employeur a manifesté sa volonté d’y mettre fin, c’est-à-dire au jour de l’envoi de la lettre recommandée avec demande d’avis de réception notifiant la rupture (Soc., 11 mai 2005, n° 03-40.650 et n° 03-40.651 ; D. 2006, p. 701, note B. Reynès). Dès lors, l’émission de la lettre informant le salarié que sa période d’essai est rompue suffit à faire cesser l’essai, peu importe qu’en raison de l’ajout du délai de prévenance, la période d’essai puisse de facto se trouver allongée.
L’Ordonnance n° 2014-699 du 26 juin 2014 est toutefois venue combler un vide en précisant que lorsque le délai de prévenance n’a pas été respecté, son inexécution ouvre droit pour le salarié, sauf s’il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice. Cette indemnité est égale au montant des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s’il avait accompli son travail jusqu’à l’expiration du délai de prévenance, indemnité compensatrice de congés payés comprise.
En conséquence, si l’employeur décide de rompre tardivement une période d’essai, ce dont il résulterait un dépassement de sa durée contractuellement prévue, il devra indemniser le salarié comme si ce dernier avait continué de travailler jusqu’au terme du délai de prévenance (salaire et avantages + indemnité compensatrice de congés payés). Pour autant la rupture ne produira pas les effets d’un licenciement.