RSI, sécu: l’ambition orwellienne d’Emmanuel Macron

Édouard Philippe devrait annoncer aujourd’hui le plan du gouvernement pour adosser le RSI au régime général. Il s’agit d’un fragment parmi d’autres d’une ambition plus générale qu’Emmanuel Macron qualifie de beveridgienne pour la protection sociale. On préfère la qualifier d’orwellienne. 

Il faut relire l’interview d’Emmanuel Macron au Point pour comprendre qu’il ne s’agit pas d’un hasard. Les réformes d’Emmanuel Macron dans le domaine de la protection sociale, qu’il s’agisse de la CSG, du RSI ou des retraites, ne tombent pas comme un cheveu sur la soupe. Elles obéissent à une vision qui n’est pas clairement exposée.  

Une ambition beveridgienne?

Officiellement, Emmanuel Macron explique qu’il porte une ambition beveridgienne, comme disent les spécialistes des questions de sécurité sociale. L’expression est technique et paraît neutre. En réalité, elle mérite au moins une discussion de fond.  

En effet, l’expression de modèle “beveridgien” fait allusion à la fonction de solidarité des politiques sociales. Dans le plan Beveridge de 1942, l’impôt finance des couvertures minimales pour tous les Britanniques. Il s’oppose ici au modèle de sécurité sociale inventé par Bismarck à a fin du dix-neuvième siècle. Ce dernier avait posé le principe de la contribution: il faut cotiser pour avoir droit. 

L’originalité de Beveridge est double: financer des prestations universelles non contributives (l’impôt paie là où il n’y a pas eu de cotisation) et plafonner ces prestations à un minimum en laissant le “marché” prendre en charge les fractions supérieures des assurances sociales.  

L’apparence beveridgienne de la politique de Macron

En apparence, mais en apparence seulement, le programme d’Emmanuel Macron correspond bien à cette logique.  

Lorsque le Président préconise la nationalisation de fait de l’assurance chômage, ou lorsqu’il propose de remplacer les cotisations salariales par une contribution sociale généralisée, il s’inscrit bien dans une dynamique de fiscalisation. S’il suffisait de fiscaliser la protection sociale pour la qualifier de beveridgienne, alors on pourrait dire qu’effectivement le projet macronien est beveridgien.  

On dira de même de l’adossement du RSI. Créer une grande caisse publique de protection sociale, monopolistique, répond bien à une logique beveridgienne.  

La fiscalisation et la compétitivité

On ira même plus loin en disant du bien de ce projet fiscal. 

De fait, on ne voit plus pourquoi 36% du coût du travail sont plombés pour financer, notamment, la santé des Français de plus de 65 ans. Fiscaliser les recettes de l’assurance-maladie a du sens. C’est à la fois une mesure de justice fiscale et de relèvement de la compétitivité du pays, puisqu’elle débarrassera le travail des poids morts qu’il doit financer aujourd’hui.  

D’un point de vue économique, les choix politiques d’Emmanuel Macron répondent bien à une rationalité économique.  

Fiscalité n’est pas solidarité…

Simplement, la doctrine beveridgienne ne se limite pas à fiscaliser le financement de la protection sociale obligatoire. Il repose aussi sur un principe de solidarité: autrement dit, il vise à financer un minimum et non un maximum de prestations.  

Or, dans le cas du projet macronien, on peine à trouver une trace de cette logique de minimale. Bien au contraire, l’ambition présidentielle vise à assurer une protection monopolistique maximale et, en cela, elle ne peut se revendiquer de Beveridge. 

L’exemple du RSI

Les projets en matière de RSI en sont une bonne illustration. L’objectif d’Emmanuel Macron est de parachever l’intention de 1945 en absorbant les indépendants dans une caisse universelle, essentiellement peuplée de salariés. Dans ce dessein, les assurés devront continuer à apporter 47% de leurs revenus au financement d’un régime qu’ils n’ont pas choisi, et qui se veut monopolistique.  

Or, à y regarder de près, ce régime ne fonctionne pas de façon beveridgienne. D’une part, il n’entend pas se limiter au minimum ou aux cas les moins aisés, puisqu’il couvre tous les risques de tous les assurés. D’autre part, il tend à exclure les moins aisés (et c’est son paradoxe) et multipliant les exclusions de garantie, souvent de façon discriminatoire.  

La question du monopole

Autrement dit, le projet macronien serait beveridgien s’il contre-balançait son ambition universelle par une ouverture à la concurrence sur les garanties les plus élevées. Ainsi, il pourrait décider de ne plus rembourser les lunettes (à un montant symbolique) sauf pour les pathologies graves et laisser chacun s’assurer librement sur ce point. Il pourrait aussi plafonner fortement le montant des retraites et laisser chacun s’assurer là où il le souhaite pour les fractions supérieures à ce plafond.  

Or, ce n’est ni ce qui existe, ni dans les projets du Président. Pour les retraites par exemple, le président Macron rêve d’un système universel par points qui couvrirait l’ensemble du salaire.  

L’ambition orwellienne du président Macron

Le projet qui nous est présenté, et dont l’adossement du RSI sera un élément, est d’une autre nature. Il n’est pas beveridgien, il est orwellien. Son objectif est de concentrer dans les mains de l’État la totalité de l’assurance sociale.  

Premier point orwellien: l’État ne cesse de développer sa mainmise tentaculaire sur la vie privée des Français. Dans aucune démocratie libérale au monde, il n’existe un système monopolistique comparable, qui attribue à l’État autant de connaissances sur les individus et autant de pouvoir d’intervention sur eux. De la naissance à la mort, la projet d’étatisation d’Emmanuel Macron vise bien à mettre l’individu entre les mains de l’État, de façon monopolistique et sans alternative possible.  

Deuxième point orwellien: la totalité des individus est obligée de financer ce choix, en consacrant une part croissante de ses revenus à la constitution de revenus de remplacement dont le montant est uniformisée et non discuté.  

Insistons sur le fait que cette big mother (à la différence de big brother, la sécurité sociale prétend protéger de façon quasi maternante) entend bien ne laisser aucune alternative à son règne. Elle écarte systématiquement tous les acteurs qui pourraient lui faire de l’ombre. 

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