Cette publication est issue du site du syndicat de salariés CFDT.
- La CFDT était reçue le 5 septembre à Matignon par le Premier ministre, la ministre de la Santé et le haut-commissaire chargé de la réforme.
- Le gouvernement devrait annoncer un calendrier et une méthode de travail la semaine prochaine.
C’est parti ! La réforme des retraites, l’une des mesures phares du candidat Macron à la présidentielle, passe à la vitesse supérieure. Après dix-huit mois de concertation avec les partenaires sociaux sous la houlette du haut-commissaire Jean-Paul Delevoye, l’exécutif a choisi de faire de cette réforme le sujet majeur de la rentrée sociale. En quelques jours, les annonces se sont enchaînées. Le 3 septembre, Jean-Paul Delevoye est entré au gouvernement. À 72 ans, ce politique expérimenté se voit récompensé du travail de fond qu’il a mené avec les organisations syndicales et patronales ces derniers mois. Il aura la tâche de poursuivre ce dialogue tout en menant en parallèle une grande consultation citoyenne. Il sera ensuite en première ligne pour défendre le projet de loi à l’Assemblée nationale.
Une seconde concertation
Les 5 et 6 septembre, c’était au tour du Premier ministre de monter dans le train de cette réforme en recevant pendant deux jours l’ensemble des partenaires sociaux en présence d’Agnès Buzyn, ministre de Santé et des Affaires sociales, qui a conservé officiellement ce dossier, et de son tout nouveau haut-commissaire chargé de cette réforme. Et dans quelques jours (à l’heure où nous mettons sous presse, aucune date n’a été communiquée), le Premier ministre doit présenter une feuille de route plus précise en matière de calendrier et de méthode afin d’aboutir à une loi probablement après les élections municipales de mars 2020. « Les discussions s’annoncent longues car de nombreux sujets restent à traiter. Il n’y a pas lieu de se précipiter », a réagi Laurent Berger en sortant de Matignon. Les dix-huit mois de concertation ont en effet permis d’avoir une vision plus claire de ce qu’envisage l’exécutif, mais de nombreux sujets n’ont encore été qu’effleurés. À ce stade, la CFDT s’est donc félicitée que le nouveau système envisagé soit bien fondé sur la répartition (les actifs paient les pensions des retraités) afin de garantir sa solidité financière et d’assurer une solidarité entre les générations, que soit envisagée une règle de calcul (sous forme de points) identique pour l’ensemble des salariés (gage d’équité) et que soit conservé un haut niveau de solidarité (minimum de pension, droits familiaux, carrières longues, etc.). Mais si essentiels soient-ils, ces grands principes ne font pas à eux seuls une réforme ambitieuse de notre système de retraite. La CFDT a d’ailleurs fait savoir sa vive opposition à plusieurs pistes de réflexion du gouvernement comme l’instauration d’un âge d’équilibre à 64 ans, qui pénaliserait les retraités souhaitant partir à 62 ans ou même avant (dans le cadre du dispositif « carrière longue »).
Des points en suspens
Cette rencontre à Matignon a surtout permis de mettre en lumière tous les sujets qui n’ont pas encore été traités pendant la première phase de concertation et qui n’apparaissent pas ou pas assez dans les premières préconisations du gouvernement. Les questions fondamentales comme la prise en compte de la pénibilité, la possibilité de mettre en place des retraites progressives ou les mesures spécifiques en direction des basses pensions restent encore largement en suspens. « Il y a dans le système actuel des injustices à réparer et des aspirations nouvelles à satisfaire. Cette réforme doit être l’occasion d’apporter des réponses nouvelles. Le nouveau système ne pourra être compris et accepté que s’il apporte de vraies avancées », a martelé Laurent Berger.
La gouvernance du nouveau système fait également partie des sujets qui restent controversés. Alors qu’aujourd’hui il y a une forme de partage des rôles entre l’État (régime général et fonction publique) et les partenaires sociaux (régimes complémentaires public et privé), quid de ce partage des responsabilités dans le nouveau système ? Cette question de la gouvernance peut paraître anecdotique à première vue ; elle est pourtant essentielle.
Un fort enjeu de société
La question des retraites est en effet fortement corrélée à la question du travail, d’où la nécessité de maintenir une place importante aux organisations syndicales et patronales dans le système. « Nous ne souhaitons pas un système nationalisé qui laisse l’État seul décideur, indique le secrétaire national CFDT Frédéric Sève. Le financement des retraites est assuré en grande partie par des cotisations salariales et patronales. Il est non seulement logique mais surtout souhaitable que les partenaires sociaux soient partie prenante de la gouvernance du futur système. C’est en partageant le pouvoir et les responsabilités que le régime universel pourra être crédible aux yeux des Français. » Alors qu’aujourd’hui nombre d’actifs ne sont plus en emploi au moment de faire valoir leurs droits à la retraite, on voit tout l’enjeu qu’il y a à impliquer le patronat et le mettre face à ses responsabilités. Pénibilité, égalité hommes-femmes, emplois des seniors, qualité de vie dans l’entreprise, coût du travail… : les sujets sur lesquels il est urgent d’avancer ne manquent pas. Dans le même ordre d’idée, l’État en tant qu’employeur doit également être partie prenante. La CFDT a d’ailleurs souligné de manière positive les annonces du gouvernement concernant la prise en compte des primes des fonctionnaires dans le nouveau système et l’ouverture d’un chantier plus vaste portant sur les rémunérations dans les trois versants de la fonction publique. Preuve, s’il en est besoin, que la question des retraites est loin de se limiter à un débat sur un mode de calcul. Créer un nouveau système est un projet de société à part entière qui engage le pays sur plusieurs générations.