De la réunion de vendredi dernier tenue au MEDEF sur les retraites complémentaires, il ne fallait, comme nous l’avions écrit, attendre aucune surprise. Finalement, le plus surprenant a sans doute consisté… dans le dépassement collectif de tous les critères de passivité imaginables jusqu’ici!
A l’issue de la réunion, le MEDEF a en effet tendu deux perches aux partenaires sociaux: le report des mesures proposées par Claude Tendil à 2019 (au lieu de 2017), et l’annonce à mots couverts d’un geste du MEDEF sur les cotisations. Claude Tendil s’est contenté à ce stade d’indiquer que le sujet n’était pas encore à l’ordre du jour. Rappelons les pronostics de BI&T sur le sujet: pour obtenir la signature de FO, le MEDEF consentira à une hausse minime des cotisations, au moins à titre temporaire.
Dans le même temps, la CFDT annonçait proposer la mise en place d’un nouveau régime à partir de 2017. Cette proposition est encore peu documentée, mais on voit bien quel accord final se dessine: des mesures provisoires destinées à parer à l’urgence, en attendant des mesures moins populaires portées par la CFDT pour donner le sentiment d’un accord “gagnant-gagnant”, avec un pari implicite: le retour de la croissance permettra d’adoucir la rigueur imposée par les temps difficiles!
Cette stratégie repose sur deux inconnues.
D’abord le retour de la croissance. Cette idée est bien audacieuse, et elle est très ancrée dans le politiquement correct français. Faisons le dos rond en attendant des temps meilleurs! Cette idée d’économiste peut difficilement être partagée par les politistes: la France de 2019 risque d’être exposée à des risques géopolitiques au moins aussi désagréables que ceux que nous connaissons aujourd’hui. Les inconnues qui se multiplient chaque jour: défaut grec, tensions avec la Russie, tensions religieuses, essoufflement de la Chine, mais aussi montée des radicalités en Europe ou au Japon, déséquilibres sociaux ou alimentaires liés au révhauffement climatique, rendent de moins en moins prévisible l’évolution économique globale.
Ensuite la réaction européenne à cet attentisme. Une fois de plus la France (et cette fois le patronat est le premier responsable) préfère risquer l’avenir pour préserver le confort présent. Une fois de plus les cigales imposent leur loi aux fourmis. Cette logique générale de béatitude contemplative atteint ses limites politiques: les partenaires européens de la France s’en agacent, et rien n’exclut que la France soit mise à l’amende au vu des retards qu’elle prend dans les réformes.
En termes de crédibilité, en tout cas, le MEDEF en prend pour son grade. Après avoir tapé des pieds comme un enfant gâté pour obtenir du gouvernement le maximum de réformes impopulaires, le MEDEF montre sa frilosité à réformer lorsqu’il est aux manettes. Vérité un jour, erreur le lendemain…