Cette publication provient du site du syndicat de salariés CFDT
La Cour de cassation vient de rappeler que la contrepartie financière obligatoire, versée en de respect d’une clause de non concurrence, est due, quel que soit le mode de rupture du contrat de travail. Cass.soc., 18.01.18, n°15-24002
- Rappel des faits
Cette affaire concerne une salarié, assistante juridique, dont le contrat de travail prévoyait une clause de respect de clientèle. Cette clause interdisait à la salariée, pendant 36 mois suivant la fin du contrat, de s’intéresser aux clients du groupe pour lequel elle travaillait. La convention collective alors applicable contenait quant à elle des dispositions relatives aux modalités de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence en cas de démission et de licenciement.
Une rupture conventionnelle fut signée entre la salarié et l’employeur. Ce dernier, fort des dispositions de la convention collective, et dans le silence du contrat de travail, refusa tout simplement de verser la contrepartie financière conventionnelle à la clause de respect de clientèle.
La salariée décida de saisir le conseil de prud’hommes pour en obtenir le paiement, considérant :
– à la fois que cette clause de clientèle devait être qualifiée de clause de non-concurrence,
– et que la rupture conventionnelle n’était pas un motif d’exonération du versement de la contrepartie financière.
- La Cour d’appel : l’indemnisation du respect d’une clause illicite via les dommages et intérêts
La cour d’appel a répondu positivement à la première demande de la salariée : elle considère que la clause de respect de clientèle doit s’assimiler à une clause de non-concurrence illicite. De fait, elle condamne l’employeur à verser à la salariée des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du respect de cette clause.
Mais elle refuse d’octroyer à la salariée le versement de la clause prévu conventionnellement. La cour d’appel rappelle que les dispositions de la convention collective relative à la clause de non-concurrence était bien applicable aux parties. Mais, ajoute-t-elle, dès lors que seules les hypothèses de licenciement et de démission étaient envisagées, la salariée ne pouvait prétendre au versement de la contrepartie financière prévue conventionnellement.
La salariée décida alors de se pourvoir en cassation.
- Une seule et unique contrepartie, quelque soient les circonstances de la rupture
Fidèle à sa jurisprudence désormais bien établie, la Cour de cassation censure l’arrêt de la Cour d’appel, au visa du principe fondamental du libre exercice d’une activité professionnelle et du principe de proportionnalité prévu à l’article L 1121-1 du code du travail.
Pour mémoire, la Cour de cassation considère que la clause ne prévoyant la contrepartie financière qu’en cas de rupture du contrat à l’initiative de l’employeur est nulle (Cass.soc., 31.05.06, n°04-44598).
Par ailleurs, au sujet des clauses de non-concurrence prévoyant une minoration du montant de la contrepartie en fonction des circonstances de la rupture, la Cour de cassation a posé le principe selon lequel (Cass.soc., 25.01.12, n°10-11590) :
– La clause de non-concurrence n’encourrait pas la nullité,
– Et qu’en revanche, devaient être réputées non écrites les dispositions minorant le montant de la contrepartie.
En l’espèce, reprenant sa jurisprudence, la Cour de cassation rappelle tout d’abord « que le montant de la contrepartie financière à une clause de non-concurrence » ne peut « être minorée en fonction des circonstances de la rupture ». Puis elle en déduit que la contrepartie que était prévu par la convention collective était applicable en l’espèce.
Autrement dit, la contrepartie qui n’était prévu conventionnellement qu’en cas de licenciement et de démission, était également due, sur le fondement de la liberté d’exercice d’une activité professionnelle et du principe de proportionnalité, en cas de rupture conventionnelle.
La clause de non-concurrence de la convention collective en question n’est donc pas considérée comme étant nulle par la Cour de cassation puisqu’elle n’excluait pas expressément certaines ruptures du bénéfice de la contrepartie financière. C’est seulement la disposition limitant le versement en cas de licenciement et de démission qui est privée d’effet.
- La liberté d’exercice d’une activité professionnelle à préserver
Un juste équilibre est ici trouvé par la Cour de cassation entre :
– la nécessité de préserver la liberté de travailler compensée par le versement d’une contrepartie financière quelque soient les raisons et les circonstances de la rupture,
– et la nécessité de veiller à ne pas annuler des clauses de non-concurrence conventionnelle qui ont pu être écrites avant la création de la rupture conventionnelle.
Les négociateurs de branche devront néanmoins être attentifs au contenu de leur convention sur le sujet et veiller à le faire évoluer en cas de dispositions malheureuses ne prévoyant de compensation financière que dans certaines situations.
Ils devront bien garder à l’esprit que la clause de non-concurrence, quelque que soient les raisons qui conduisent à la rupture, et quel que soit le mode de rupture utilisé, interdit au salarié le plein exercice de sa liberté de travailler : la contrepartie financière, d’un montant adéquat, est donc incontournable, quel que soit la situation, pour compenser cette restriction à la liberté de travailler.