Rencontres de l’U2P : le discours du président Alain Griset

Cette publication provient du site de l’organisation d’employeurs U2P.

« Monsieur le Ministre, Mesdames, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, chers collègues, 

Un grand merci Monsieur le Ministre, d’avoir accepté d’ouvrir « les premières Rencontres de l’U2P ». Il s’agit d’un moment important pour notre organisation. C’est en effet le premier rassemblement depuis notre regroupement UPA-UNAPL qui a donné lieu à la création de l’U2P, l’Union des Entreprises de Proximité. 

Vous l’aurez sans doute remarqué Monsieur le Ministre, pas de loi, pas de contrainte, pour aboutir à ce regroupement mais une volonté politique majeure des représentants de nos professions qui ont bien compris la nécessité de se regrouper. Vous avez donc devant vous les représentants des 2 300 000 entreprises de l’artisanat, du commerce de proximité et des professions libérales de métropoles et d’Outre-mer. Nos entreprises participent à l’aménagement et au développement économique du territoire et sont sans aucun doute celles qui permettront de façon majeure de résoudre la question cruciale du chômage. Pour se faire, il est urgent de mettre en place un environnement fiscal, social et réglementaire adapté à la taille de nos entreprises. 

Dans le cadre du lancement des consultations pour le plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises, vous avez indiqué que nos entreprises créent trop peu d’emplois et que leur parcours de croissance reste encore faible. Or c’est l’environnement législatif et règlementaire de nos entreprises qui les freine dans leur développement. 

A titre d’exemple, et même si une des ordonnances améliore le passage de 11 salariés en matière de droit du travail, ce n’est pas le cas sur le plan fiscal. Le franchissement des seuils de 11 et même de 20 salariés représente un alourdissement systématique des coûts. De nombreuses entreprises, en particulier dans l’artisanat, peuvent se voir requalifiées en activité industrielle au seul prétexte qu’elles ont investi dans du matériel pour se développer. Dans ce cas, la sanction est brutale, c’est l’augmentation sensible de la contribution économique territoriale. Alors qu’un certain nombre de nos entreprises pourrait exporter des produits, la BPI refuse de les accompagner au prétexte qu’elles sont trop petites. 

Je ne vais pas faire la liste de tous les freins au développement de nos entreprises car elle serait trop longue. Nous comptons donc sur vous pour que le projet de loi que vous allez élaborer lève véritablement ces freins. C’est une évidence et c’est la raison pour laquelle nous alertons les gouvernements successifs sur ces points depuis de nombreuses années. 

Par ailleurs, sous votre autorité, il faut qu’enfin les services de Bercy comprennent que la très grande majorité des entreprises de l’artisanat, du commerce de proximité et des professions libérales sont des entreprises qui ne sont pas sous la forme sociétaire ou lorsqu’elles le sont, le chef d’entreprise est toujours un travailleur relevant du régime sociale des indépendants assujetti à l’impôt sur le revenu. 

De fait, et même si nous approuvons la baisse de l’impôt sur les sociétés, celle-ci ne peut être présentée comme une mesure de soutien à toutes les entreprises. C’est la raison pour laquelle nous vous demandons de rouvrir le chantier des entreprises individuelles et plus globalement des entreprises qui ne relèvent pas de l’impôt sur les sociétés. 

Nous ne partons pas de rien. Il existe déjà l’entreprise individuelle à responsabilité limitée, l’EIRL. Nous ferions déjà des progrès considérables si l’EIRL, qui nécessite un travail de simplification important, devenait le statut par défaut lors de la création ou la reprise d’une entreprise. Ceci ne ferait d’ailleurs pas obstacle au choix d’un autre statut. Par contre, ceci permettrait de garantir une protection minimale à tous ceux qui veulent entreprendre, en particulier sur le patrimoine. Cette mesure permettrait également de faire en sorte que seule la rémunération du chef d’entreprise soit assujettie à cotisation sociale et à l’impôt sur le revenu, comme l’ont préconisé de nombreux rapports (notamment le rapport Grandguillaume – recommandation n° 10). Il est en effet totalement antiéconomique que ces entreprises qui ne relèvent pas de l’impôt sur les sociétés subissent l’impôt sur le revenu et surtout des charges sociales sur l’intégralité de leur bénéfice. De même, il conviendrait que le statut de conjoint collaborateur soit accordé par défaut lors de la création ou la reprise d’une entreprise. Bien entendu, s’il s’avère que le conjoint exerce lui-même une activité ou ne participe pas à l’entreprise, il n’aurait pas ce statut. En revanche, ceci éviterait des drames en permettant d’assurer un minimum de protection pour ces personnes. 

Deux mots également sur le régime fiscal et social de la micro-entreprise. Vous nous avez entendus puisque vous n’avez pas augmenté les seuils de chiffre d’affaires donnant droit à la franchise de TVA. Ainsi, est écarté le principal risque de concurrence déloyale entre les différents régimes. Par contre, vous avez élargi à plus de travailleurs indépendants la possibilité d’opter pour une simplification de leurs prélèvements fiscaux et sociaux. Nous avons approuvé cette démarche mais pour sortir de la confusion actuelle entre statut d’entreprise, régime fiscal et social, il serait opportun également de transformer le nom même de la micro-entreprise en régime fiscal et social simplifié (ça ne coûte rien). 

La question du financement de nos entreprises reste également un sujet qui n’est pas résolu. Vous avez d’ailleurs demandé au Président de la Poste de vous faire des propositions très concrètes pour financer les besoins des plus petites entreprises. Ce financement doit concerner à la fois des prêts, la question des découverts, le coût de traitement et la rapidité des décisions. 

Dans le même objectif, nous demandons la création d’un fonds national dédié à la création, la reprise et la modernisation des entreprises artisanales, commerciales et libérales. Un tel fonds permettrait d’emprunter à taux zéro, grâce à un système d’avances remboursables et sans avoir à présenter des garanties inaccessibles, telles qu’elles sont trop souvent exigées par les banques. La mise initiale du fonds pourrait être alimentée par un abondement initial des pouvoirs publics pour l’amorce, et reconstitué par les remboursements périodiques des emprunteurs. BPIFRANCE et la Caisse des dépôts et Consignations devraient participer à un tel projet. 

Beaucoup d’entreprises doivent moderniser leurs locaux afin de se maintenir et d’attirer la clientèle. Ces travaux de modernisation sont également importants pour conserver l’attractivité commerciale d’un quartier. Il est d’ailleurs primordial que le gouvernement mène une politique volontariste pour revitaliser les centres villes et les centres bourgs. Il faut réinventer l’urbanisme économique en incitant les collectivités territoriales à développer le tissu des entreprises artisanales, commerciales et libérales dans tous les projets d’aménagement ou de réaménagement urbain. 

Un autre sujet de préoccupation est le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu. Nous avons salué la décision du gouvernement de reporter d’un an l’entrée en vigueur de cette mesure. Mais les annonces récentes ne sont pas de nature à nous rassurer. L’U2P partage l’objectif de prélever sur des revenus contemporains par contre ceci ne doit pas être supporté par les entreprises. 

En effet, tel que le projet a été conçu, il va imposer aux entreprises, et en particulier les plus petites, de la complexité, des coûts supplémentaires, des risques de contentieux et de conflits au sein même de l’entreprise. La collecte de l’impôt sur le revenu constitue une mission régalienne de l’Etat. C’est pourquoi, Monsieur le Ministre, nous vous demandons avec insistance de travailler sur d’autres pistes telles que la généralisation du prélèvement mensuel. 

Je souhaite également aborder devant vous trois autres sujets qui concernent plus spécifiquement l’artisanat et j’espère que nos représentants du commerce et des professions libérales ne m’en voudront pas. 

Tout d’abord, le Fond d’Assurance Formation des Chefs d’Entreprise de l’Artisanat – FAFCEA. Quelle ne fut pas notre surprise de constater que le projet de loi de finances pour 2018 prévoyait de réintégrer le FAFCEA comme opérateur de l’Etat et de le re-plafonner. Une telle mesure est totalement incompréhensible au moment où nos chefs d’entreprise ont besoin de se former pour faire face à la transition numérique et pour répondre aux nouveaux marchés liés au développement durable. 

De même, nos entreprises ne peuvent accéder aux grands moyens de communication contrairement aux plus grandes. Nous avons eu l’occasion de vous confirmer que nous étions prêts à faire évoluer le dispositif de communication de l’artisanat. Pour autant, comment voulez-vous que nous acceptions sa suppression dans le cadre de la loi de finances alors que le dispositif alternatif n’est pas prêt. 

Enfin, concernant les réseaux consulaires, comme vous le savez nous restons attachés à celui des Chambres de Métiers et de l’Artisanat et ce pour une raison très simple. Alors que la France compte 98% d’entreprise de moins de 50 salariés, les politiques économiques et sociales sont le plus souvent ciblées sur les 2% restant, voire sur celles qui emploient plus de 500 salariés. Une fusion des réseaux consulaires ne pourrait qu’aggraver cette tendance. Par contre, il faut que les réseaux consulaires, et en particulier celui de l’artisanat, poursuivent dans les démarches de mutualisation de leurs moyens et de structuration régionale. Sachez d’ailleurs Monsieur le Ministre que comme vous, nous souhaitons la réduction des déficits publics car c’est une des conditions de diminution des prélèvements sur nos entreprises que nous appelons de nos vœux. 

Pour conclure, permettez-moi d’insister sur la nécessité pour notre pays de s’appuyer sur son tissu d’entreprises artisanales, commerciales et libérales. Nos entreprises sont des entreprises citoyennes, elles forment des jeunes, elles participent à l’animation de nos villes et de nos villages et contribuent à créer du lien social. C’est dans nos entreprises que l’emploi pourra se créer. Dans les ordonnances travail qui constituent les premières mesures concrètes de son quinquennat, le Président de la République a clairement pris en compte nos entreprises. 

Nous le prenons comme un signe fort mais qui doit se poursuivre dans toutes les politiques économiques et sociales que conduira le gouvernement. 

Monsieur le Ministre, Mesdames, Messieurs, Chers collègues, 

Je vous remercie. » 

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