Référencement santé: mais pourquoi le ministère de la Justice déteste-t-il respecter les lois?

On se souvient que, en 2014, le ministère de la Justice avait été épinglé parce qu’il ne payait aucune cotisation sociale sur les rémunérations des collaborateurs de justice. 40.000 personnes environ faisaient ainsi l’objet d’un travail dissimulé qui aurait valu de graves démêlés judiciaires à n’importe quel employeur privé. Mais… il n’y a pas mieux perruqué qu’un juge, et, en matière de justice, il ne faudrait quand même pas confondre les rôles. Vérité au-delà de la barre des prévenus, erreur en-deçà. 

Cette fois, c’est au tour des référencements santé qu’il faut venir. 

Le référencement en protection sociale dans le secteur public est-il constitutionnel?

Compte tenu de la prétendue pauvreté de l’Etat employeur, la fonction publique ne propose pas de contrat collectif à ses collaborateurs. Elle se contente, selon les termes d’un décret de 2007, de référencer les acteurs de la protection sociale complémentaire qui correspondent à un cahier de charges. 

Le décret prévoit la possibilité de référencer “un ou plusieurs” organismes. Cette solution prévoyant un référencement unique est-elle encore conforme au droit, notamment depuis la décision du 13 juin 2013 du Conseil Constitutionnel. Certes, celle-ci ne visait ni le référencement, ni la fonction publique. Il n’en reste pas moins que l’esprit est à la mise en concurrence et que l’on peut douter de la durée de vie d’un décret qui permet le contraire… en cas de contentieux. 

Comment le ministère de la justice fausse ouvertement la concurrence

Dans tous les cas, il serait étrange que le décret de 2007 qui prévoit une mise en concurrence en cas de référencement accepte des pratiques ouvertes et assumées de tricheries dans la comparaison des offres. 

Le ministère de la justice ne s’est pourtant pas gêné pour y recourir. Au nom de l’égalité des justiciables sans doute… 

Ainsi, une étude préalable à l’appel d’offres a-t-elle été lancée à l’automne pour préparer le renouvellement du référencement attribué historiquement à la mutuelle du ministère de la justice (MMJ). La première “désignation” de la MMJ, pour reprendre les termes du site Internet de cet organisme, date de 2009…. 

C’est le cabinet Fixage qui s’est livré à l’ingénierie de la procédure, produisant quelques documents de derrière les fagots. 

Ainsi, dès le 13 septembre 2016, c’est-à-dire au tout début de la procédure, Fixage écrit ceci: 

 

Un double référencement est présenté comme une menace pour la pérennité de la MMJ, et le courtier conseil explique donc qu’il vaut mieux référencer la mutuelle du ministère quoiqu’il arrive. Fermez le ban! on connaît déjà le résultat de l’appel d’offres. 

Encore une opération AG2R…

Au passage, les gens qui ont un peu de mémoire se souviennent que la mutuelle du ministère de la justice avait voulu se rapprocher de divers acteurs de la place, dont Harmonie Mutuelle. Finalement, c’est AG2R qui avait remporté le morceau. On lira avec délectation le récit de cette opération par la FSU: 

Lors de la dernière assemblée générale (AG) de la MMJ des 14 et 15 juin 2012 à Poitiers, les délégués ont
voté pour le principe de l’entrée dans un groupe, et ont clairement retenu trois pistes de rapprochement : 

· Istya 6,3 millions de personnes protégées, qui comprend uniquement des mutuelles de la fonction
publique dont la Mutuelle Générale de l’Education Nationale (MGEN). 

· Harmonie mutuelle, 4,5 millions de personnes protégées, composée de 2 petites mutuelles fonction
publique et 5 mutuelles interprofessionnelles. 

· Interiale 517.000 personnes protégées, comprenant 3 mutuelles fonction publique. 

Mais coup de théâtre en septembre 2012, au mépris du vote de l’AG de juin 2012, la direction de la
MMJ souhaite introduire dans la sélection un quatrième partenaire : AG2R-La Mondiale.
Cette

institution de prévoyance est régie par le code de la sécurité sociale, et non une mutuelle de santé régie
par le code de la mutualité. Il s’agît un groupe assez nébuleux, comprenant de multiples activités qui n’ont
rien à voir avec la santé, comme la retraite, l’épargne ou le cyclisme !
De plus, AG2R-La Mondiale est le seul groupe de protection sociale à faire l’objet d’une notation. Fait plus
inquiétant, selon La Tribune du 2 août 2012, l’agence Standard & Poor’s dégrade la notation de la mutuelle
d’assurance-vie La Mondiale qui passe de A- à BBB+ et la place sous perspective négative, ce qui signifie
qu’elle pourrait encore être abaissée dans les 12 à 24 mois. 

On s’amusera de lire l’agacement des syndicalistes du secteur public face à des pratiques dont leurs homologues du privé ont appris à tirer parti… et profit.  

Encore une fois, le faux nez de la solidarité

Bien entendu, peut-être inspirés par la vulgate barthélémienne, les auteurs de cette forfaiture qu’est le référencement unique et téléguidé de la MMJ ont utilisé l’argument massue pour justifier leur stratégie de défense de leur joujou: la so-li-da-ri-té. 

Voici comment la CGT du ministère de la justice expliquait pourquoi il ne fallait référencer qu’un seul organisme: 

Il a été fait le choix du référencement d’un seul organisme ce à quoi la CGT adhère afin de permettre la meilleure mutualisation, sachant que les principes de solidarité qui doivent prévaloir se situent à plusieurs niveaux : indiciaire, familiale et intergénérationnel. 

Ah ben oui hein! si on favorise les copains, c’est pour truander, c’est pour améliorer la mutualisation. La solidarité quoi! 

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