Ratification des ordonnances : devant les députés, les syndicats unis dans la critique

Dans le cadre du processus de ratification par le Parlement des ordonnances portant réforme du Code du Travail, les responsables des organisations syndicales représentatives des salariés étaient auditionnées hier à l’Assemblée Nationale. Afin de se faire entendre des députés, ils ont, dans une relative unité, insisté sur certaines des probables et très concrètes conséquences de la réforme. 

 

Les ordonnances contre les seniors et les femmes

Afin de s’attaquer à la nouvelle procédure de rupture conventionnelle collective, permettant aux employeurs de réaliser des plans de départs volontaires de manière beaucoup plus souple que par le moyen d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), les dirigeants confédéraux se sont inquiétés de ses potentiels effets néfastes sur l’emploi des seniors. Véronique Descacq, pour la CFDT, a ainsi assuré que “les DRH s’en cachent à peine: il y a pour eux une opportunité très forte de gestion des effectifs extrêmement souple dont les premières cibles seront les salariés de plus de 50 ans”. De la même Manière, Michel Beaugas (FO), a assuré que cette mesure était un “grand danger”, dans la mesure où elle “va permettre de gérer la pyramide des âges”. L’emploi des seniors : un thème porteur ! 

Recourant au même procédé d’argumentation, les représentants syndicaux ont voulu montrer que les femmes risquaient fort de compter parmi les grands perdants des ordonnances. Selon Fabrice Angei, de la CGT, déposséder les branches des négociations sur les éléments de rémunération hors minima devrait renforcer, dans les entreprises, les inégalités salariales hommes-femmes. Il a considéré, en outre, que la disparition du CHSCT pourrait tout à fait favoriser les discriminations et le harcèlement à l’encontre des femmes, dans la mesure où c’est cette instance qui, actuellement, est saisie de ce genre de problèmes. Un raisonnement appuyé par Michel Beaugas. L’argument interpelait plusieurs des députés présents, qui demandaient des précisions à Fabrice Angéi, ravi d’en donner. 

Les ordonnances contre le dialogue social

S’il est un autre thème sans cesse rebattu dans le débat public, et que le gouvernement prétend d’ailleurs vouloir favoriser avec les ordonnances, c’est celui du dialogue social. Là encore, les dirigeants syndicaux se sont efforcés de montrer que les ordonnances étaient contraires à un bon dialogue social. Véronique Descacq a notamment rappelé que la baisse importante du nombre des représentants du personnel impliquée par les ordonnances signifiera dans les faits une diminution du nombre des salariés bien informés du droit social et des problématiques de l’entreprise, et par conséquent à même de négocier des accords. En soi, ceci constitue d’après elle “une marque de défiance à l’égard du dialogue social”. Quand la CFDT en vient à ce genre de propos, il convient d’être attentif… 

Michel Beaugas a défendu la même position de fond que Mme Descacq à propos de la possibilité offerte aux dirigeants des entreprises de moins de 20 salariés de négocier directement avec le salarié de leur choix. “On sort une majorité des entreprises de notre pays – 80% ont moins de 20 salariés – du champ du dialogue social, ce qui est regrettable pour des ordonnances qui veulent renforcer le dialogue social dans l’entreprise” a-t-il en effet ironisé. Ces critiques unanimes n’ébranlaient pas le moins du monde Dominique da Silva, député “La République en Marche” du Val-d’Oise, qui jugeait que “bien informés”, les salariés sont capables de “s’opposer” à leur employeur. M. da Silva en profitait même pour tacler les syndicalistes sur leur manque de représentativité dans les TPE. 

Les ordonnances contre la démocratie

Il n’en fallait pas plus à la représentante de la CFDT pour donner une petite leçon de démocratie au député de la majorité et à ceux d’entre ses collègues qui, sans le dire, en seraient toutefosi venus à partager la même opinion des syndicats de salariés. Mettant en avant “le lien de subordination” qui existe entre l’employeur et son salarié, Véronique Descacq a fait une distinction entre les “relations sociales” qui peuvent exister entre un petit patron et les salariés de son entreprise, qui désignent les discussions qui peuvent se nouer entre eux autour d’un café, et un véritable “dialogue social”, qui suppose que chaque partie parle d’égal à égal avec l’autre. Pour les dirigeants syndicaux, seule une intermédiation syndicale assure au négociateur salarié une telle évolution de leur rôle. 

A l’heure où la majorité présidentielle affirme vouloir rénover la démocratie française, notamment par le lancement d’une “consultation citoyenne sur la participation des citoyens à l’élaboration et à l’application de la loi” et par une réforme du Parlement, le propos des syndicalistes tombait à point nommé. Ne percevant probablement pas toute l’importance de cette argumentation, les élus de la majorité feraient pourtant mieux de bien y réfléchir. Bien que les représentants des salariés ne fussent pas allés si loin dans leur argumentation, il est en effet tentant de penser qu’en ces temps de défiance à l’égard des hiérarques de tous horizons, la remise en cause de la légitimité des représentants syndicaux par les représentants politiques pourrait bien finir par faire tache d’huile… 

“On nous accuse de faillite collective parce que nous ne serions pas capables de représenter les salariés dans les TPE. C’est vraiment ne pas bien connaître ce qui se joue dans les entreprises, je suis désolée de vous le dire, même si on peut toujours citer une entreprise de deux ou trois où ça se passe bien, bien sûr… Mais globalement, pourquoi la négociation sans intermédiation, ce n’est pas une négociation, c’est de la relation sociale entre un employeur et ses salariés et parfois ça se passe bien, parfois ça se passe mal ? Tout simplement parce qu’il y a le lien de subordination et qu’un salarié n’a pas le choix de dire à son patron : “Eh bien non, ce que tu me proposes sur les heures sup’…”, même s’ils se tutoient par ailleurs et qu’ils vont boire un pot au café d’en face, “non, ce que tu me proposes sur la moindre bonification de mes heures sup’ ou sur la modification de mes horaires de travail, ça ne me convient pas !” L’intermédiation, ça sert à ça.” (Véronique Descacq) 

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