Quand le harcèlement moral disqualifie la rupture conventionnelle

Cette publication est initialement parue sur le site du syndicat de salariés CFDT.

Le contexte de harcèlement moral dans lequel a été signée une rupture conventionnelle peut engendrer une situation de violence morale constitutive d’un vice du consentement entraînant la nullité de la rupture. Cass.soc.29.01.20, n°18-24296. 

  • Faits, procédure, prétentions

A son retour de congé de maternité, une vendeuse, responsable de magasin, subit un contexte difficile, propre à caractériser un harcèlement moral (rétrogradation et promotion d’un collègue à ses fonctions de responsable, propos misogynes, expression du souhait de la voir quitter l’entreprise…) et se retrouve en arrêt maladie, suivie par une psychologue du fait de cette situation. 

Finalement, elle signe une rupture conventionnelle avec son employeur et cette rupture est homologuée par la Direccte. 

Puis, considérant que son consentement a été vicié du fait du harcèlement moral qu’elle estime avoir subi, elle saisit la juridiction prud’homale d’une demande en nullité de la rupture conventionnelle pour harcèlement moral. 

La cour d’appel accueille sa demande, condamne l’employeur en raison du harcèlement et annule la rupture, qu’elle requalifie en licenciement nul. 

L’employeur décide alors de se pourvoir en cassation, principalement au motif que le harcèlement moral ne constitue pas en soi une cause de nullité de la rupture conventionnelle. 

  • Une situation de violence morale vicie le consentement à la RC

La Cour de cassation rejette le pourvoi de manière lapidaire. 

La Haute juridiction approuve en effet les juges du fond d’avoir considéré que la rupture conventionnelle est nulle dès lors qu’ils ont relevé qu’à la date de la signature de la convention, « la salariée était dans une situation de violence morale en raison du harcèlement moral et des troubles psychologiques qui en sont découlés ». 

Elle ajoute que les juges ont ainsi « caractérisé un vice du consentement ». 

La rupture conventionnelle met fin au contrat de travail d’un commun accord entre l’employeur et le salarié. Ce mode de rupture est régi par les articles L.1237-11 et suivants du Code du travail, ainsi que par le droit commun des conventions. C’est pourquoi, la RC, qui doit être soumise au Direccte pour homologation, ne peut être contestée devant le juge qu’en raison d’un vice du consentement. Les vices du consentement figurent aux articles 1130 et suivants du Code civil. Ils sont au nombre de trois : erreur, dol et violence. 

Cette solution de bon sens n’est pas nouvelle. 

D’une part, la Haute juridiction a déjà considéré que la violence morale résultant du harcèlement moral peut vicier la RC (1).  

C’est une possibilité, mais ce n’est pas nécessairement le cas. Dans un autre arrêt plus récent, la Cour a considéré qu’« en l’absence de vice du consentement, l’existence de faits de harcèlement moral n’affecte pas en elle-même la validité de la convention de rupture ». Dans cette affaire, la Cour de cassation a censuré la décision des juges du fond pour avoir annulé la RC en se fondant uniquement sur le harcèlement moral, sans constater de vice du consentement (2). 

Il en résulte que ce qui détermine la validité de la RC en contexte de harcèlement moral, ce n’est pas ce contexte, mais la violence morale – constitutive d’un vice du consentement – qu’il peut engendrer. 

D’autre part, l’appréciation de l’existence d’un vice du consentement entachant la validité de la RC relève du pouvoir des juges du fond (3). 

Aussi revient-il aux juges du fond d’apprécier si le harcèlement a généré une situation de violence morale propre à caractériser un vice du consentement. 

 

(1) Cass.soc.30.01.13, n°11-22332. 

(2) Cass.soc.23.01.19, n°17-21550. 

(3) Cass.soc.16.09.15, n°14-13380. 

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