PLFSS: un cavalier paritaire glissé dans le débat

Les observateurs du PLFSS n’ont pas été étonnés d’apprendre que trois députés de la majorité avaient déposé un amendement de complaisance hostile à la libre concurrence dans le domaine de la protection sociale complémentaire. Ce “cavalier paritaire” vise à réintroduire les “désignations”, c’est-à-dire un assureur monopolistique choisi par la branche en le limitant toutefois aux contrats de prévoyance. 

L’anatomie de ces amendements illustre parfaitement le mal governo français, et les défaillances du système représentatif français. 

Un amendement au PLFSS mal ficelé

Voici le texte de cet amendement à l’article L 921-1 du Code de la Sécurité Sociale, dont une version est déposée par le député socialiste parisien Alexis Bachelay, l’autre (identique) par les députés radicaux de gauche Claireaux (suppléant d’Annick Girardin à Saint-Pierre-et-Miquelon) et Orliac (médecin à Cahors): 

« Les accords peuvent également prévoir la mutualisation de la couverture des risques décès, incapacité, invalidité ou inaptitude. A cette fin, dans le respect des conditions définies au II, ils peuvent organiser la sélection d’au moins deux organismes mentionnés à l’article 1er de la loi n°89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques ou institutions mentionnées à l’article L. 370-1 du code des assurances permettant la mutualisation d’un socle commun de garanties défini par l’accord à travers des contrats de référence. Les entreprises entrant dans le champ d’application de l’accord ont l’obligation de souscrire un des contrats de référence, à l’exception de celles qui ont conclu un accord collectif antérieur de même objet. » 

 

La rédaction de l’amendement évite le terme polémique de “désignation“, censuré par le Conseil Constitutionnel et l’Autorité de la Concurrence, et reprend à son compte le mot de “mutualisation”, qui est en réalité synonyme de contrat d’assurance. 

De ce point de vue, la rédaction de l’amendement laisse pantois, puisqu’elle suggère l’idée qu’un contrat d’entreprise n’est pas un contrat de mutualisation, ce qui constitue bien entendu un non-sens complet. En revanche, cette notion fausse est diffusée depuis plusieurs mois par le lobby des défenseurs du monopole. 

Un texte au service du financement syndical

L’objectif des parlementaires consiste évidemment à donner un coup de pouce aux organisations syndicales (salariales et patronales) qui tirent une part substantielle de leurs revenus de ces contrats de branche désignant les institutions de prévoyance qu’elles administrent. 

L’opération est simple à mener. Les négociateurs de branche désignent une institution de prévoyance administrée par leurs soins comme assureur monopolistique de leur branche. En contrepartie, l’institution de prévoyance verse aux organisations syndicales des rétrocommissions sous forme d’achat de publicité ou de commissions directes. Et le tour est joué! 

À la croisée des chemins juridiques

Formellement, l’amendement respecte l‘avis de l’autorité de la concurrence en date du 29 mars 2013, qui avait ouvert la porte à un système limitant la concurrence à deux acteurs dans un secteur. Le Conseil Constitutionnel lui-même avait suggéré qu’une restriction de cette sorte serait constitutionnelle. 

Sauf que… entretemps, la jurisprudence a évolué, et le Conseil d’Etat a reconnu que la protection sociale complémentaire était un marché concurrentiel. Dans ces conditions, on voit mal quel avenir pourrait avoir ce texte. 

Le mal governo français

On voit une fois de plus comment les maux de la gouvernance en France s’expriment dans cet amendement au PLFSS. 

D’une part, les parlementaires se posent ici comme les serviteurs d’un système désuet de financement des organisations syndicales. Au lieu de montrer la voie de la réforme, les députés se font les défenseurs de la rente. 

D’autre part, les parlementaires se contentent de reprendre une argumentation qui tourne depuis trois ans dans les milieux autorisés, sans tenir compte de l’évolution réelle des textes et des jurisprudences. 

Bref, le Parlement se pose comme le gardien d’un temple de la rente, quand il devrait dynamiser les forces vitales du pays. 

Ajouter aux articles favoris
Please login to bookmark Close
0 Shares:
Vous pourriez aussi aimer

Travail temporaire dans les établissements publics : les plafonds de dépenses sont fixés

Un arrêté publié au Journal officiel d'aujourd'hui, fixe les plafonds des dépenses pour les missions de travail temporaire dans les établissements publics de santé et médico-sociaux. Le plafond est établi à 2 681 € par jour pour un médecin, odontologiste ou pharmacien. Pour les autres professions, il varie entre 54 € et 78 € de l’heure : 54 € pour un infirmier diplômé d’État, 73 € pour un infirmier de bloc ou anesthésiste, 56 € pour un manipulateur en...

Services de prévention et de santé au travail : la composition des dossiers d’agrément est mise à jour

Un arrêté paru au Journal officiel d'aujourd'hui, fixe la nouvelle composition des dossiers de demande ou de renouvellement d’agrément des services de prévention et de santé au travail (SPST). Le texte distingue les pièces à fournir selon qu’il s’agit d’un service autonome, interentreprises ou chargé du suivi des travailleurs temporaires. Il précise notamment les informations relatives aux effectifs suivis, aux médecins et infirmiers recrutés ou à recruter, aux...

Comité national de l’organisation sanitaire et sociale : une nouvelle personnalité qualifiée est nommée

Un arrêté publié au Journal officiel d'aujourd'hui, actualise la composition du Comité national de l’organisation sanitaire et sociale et désigne une nouvelle personnalité qualifiée. À la section sanitaire, siègent notamment :- la Fédération hospitalière de France (4 sièges) ;- les conférences des présidents de CME de CHU, de CH et de CHS (1 siège chacune) ;- la FEHAP (1 siège) et Unicancer (1 siège) ;- la Fédération de l’hospitalisation...

Une nouvelle nomination à l’inspection générale des affaires sociales

Un arrêté publié au Journal officiel d'aujourd'hui acte la nomination d’une nouvelle personne au sein de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS). À compter du 1er octobre 2025, Nadège Grataloup, actuellement directrice d’hôpital, occupera un emploi de groupe II des services d’inspection générale ou de contrôle. Sa nomination est prononcée pour une durée de cinq ans, avec une période probatoire de six mois. ...

Le conseil d’administration de la caisse de retraite de la RATP accueille de nouveaux membres

Un arrêté publié au Journal officiel d'aujourd'hui acte plusieurs nominations au sein du conseil d’administration de la caisse de retraites du personnel de la Régie autonome des transports parisiens (RATP). Sont nommés membres titulaires : Stéphane Bidaud, qui remplace Olivier Galle, et Elisabeth Correia, qui succède à Marc Galliot. Côté suppléants, Magaly Cleuet est désignée en remplacement de Stéphane Bidaud et...