Cet article a été écrit pour Atlantico.
Le gouvernement a démenti aujourd’hui préparer 8 ordonnances comme Le Parisien l’indiquait. Officiellement, il s’agirait de documents de travail préparés durant la campagne, mais que le gouvernement ne reprend pas à son compte. L’affaire donne l’occasion de s’interroger sur l’écart entre les discours et la réalité des projets macroniens.
Vrai raté ou grosse manip ?
Les esprits perfides se demanderont bien entendu si la publication de ces “documents de travail” est un vrai raté ou une manipulation discrète organisée par En Marche pour tester l’opinion publique. Il est en fait très vraisemblable qu’un marcheur mal inspiré ait communiqué des documents de campagne à la presse, en pensant éclairer utilement le débat.
On voit en effet assez mal pourquoi le gouvernement aurait démenti aussi vite s’il avait voulu laisser prospérer le soupçon le temps de “sentir la température” du public. En revanche, il est attesté que très peu des documents de campagne préparés au printemps ont été publiés. L’erreur de document est donc très plausible.
Un éclairage sur le degré de préparation d’En Marche
Au vu des flous maintenus sur son programme et ses propositions par Emmanuel Macron, on pouvait penser que les équipes d’En Marche avaient insuffisamment travaillé pendant la campagne. On découvre aujourd’hui qu’une multitude de scénarios ont été poussés et que le candidat Macron a préféré ne pas tout reprendre à son compte.
Politiquement, les raisons de cette discrétion apparaissent clairement. Certaines des propositions échafaudées par les technocrates en coulisse auraient pu coûter cher dès le premier tour.
Selon nos informations, Le Parisien n’a d’ailleurs pas publié le pire. Dans les cartons se trouvent par exemple des projets de baisse des allocations chômage… ce qui est un peu plus violent qu’une simple réforme de l’organisation du régime. Rien n’exclut qu’ils ne sortent dans les prochaines semaines pour devenir des dispositions légales.
Le rôle de Jean Pisani-Ferry
Au passage, plusieurs rumeurs avaient circulé sur le rôle exact de Jean Pisani-Ferry, le commissaire de France Stratégie devenu responsable de la coordination du programme macronien en début d’année. En contrepartie de sa participation au projet, l’intéressé avait imaginé qu’il deviendrait à 60 ans ministre du Budget. Finalement, le poste est revenu à la droite. Et Pisani n’a plus eu que ses yeux pour pleurer, son poste de commissaire étant revenu à Michel Yahiel, ancien conseiller social de Hollande.
Au vu des documents sortis, on ne reprochera pas à Pisani son manque d’engagement dans les projets.
Des projets d’ordonnance plutôt intelligents
Au demeurant, Pisani-Ferry n’a pas à rougir du travail effectué. Ce que Le Parisien a publié permettait d’accorder du “grain à moudre” aux organisations syndicales en échange de concessions importantes. Un peu de chèque syndical et quelques autres babioles, en contrepartie de dégradations notables des protections accordées aux salariés, permettaient aux syndicats de souscrire sans trop de honte à des textes qui risquent de poser quelques problèmes de fond.
L’ensemble reposait sur des perspectives avec du sens.
Des mesures plus rigides en préparation ?
Reste à savoir si, une fois les élections législatives passées (probablement dans des conditions très positives), le gouvernement continuera sur sa lancée en proposant des réformes plus raides que ce qu’il a annoncé jusqu’ici. Il lui suffirait de déterrer quelques cartons remplis par Pisani-Ferry et ses affidés, pour retrouver des projets qui couperaient l’herbe sous le pied des organisations syndicales.
Politiquement, c’est un risque gérable. Face à la débandade de la droite et à l’anéantissement du Parti Socialiste, En Marche devrait rafler une confortable majorité à l’Assemblée. Cette avance pourrait dissuader les organisations syndicales de réagir, et priver les salariés de toute illusion sur les chances qu’un conflit aboutisse.
Rien n’exclut, donc, de nouvelles surprises dans les semaines à venir.