Ordonnances : Macron tuera-t-il ou pas la bureaucratie patronale ?

Cette semaine, Antoine Foucher, ancien directeur des relations sociales du MEDEF, reçoit les partenaires sociaux (dont le MEDEF…) pour les premières concertations sur le fond destinées à préparer les ordonnances. Le sujet de cette première batterie d’échanges bilatéraux porte sur l’inversion de la hiérarchie des normes. Autrement dit, le gouvernement entre dans le dur de ce qui a fait la résistance à la loi El-Khomri: une entreprise peut-elle ou non négocier des accords en s’affranchissant du carcan des branches? 

Les branches professionnelles, c’est quoi?

En réalité, ce débat a quelque chose de lunaire, dans la mesure où la notion de branche professionnelle est une sorte de fantôme. Tout le monde en parle, mais elle n’est pas définie par la loi, et son concept même repose sur un flou: tant confondue avec un secteur d’activité, tant confondue avec le champ d’application d’une convention collective, la branche se dérobe aux catégories juridiques. 

Comme on le sait depuis Martine Aubry, quand il y a un flou, c’est qu’il y a un loup. Les branches n’échappent pas à cette maxime.  

Officiellement, les branches sont en effet conçues pour “protéger” les PME et les TPE. Dans la réalité, c’est le contraire qui se produit, avec la complicité d’une bureaucratie patronale qui a bâti sa prospérité sur ce trompe-l’oeil.  

Un instrument pour contrôler les TPE

La première utilité des branches est évidemment d’instaurer des règles qui brident l’activité des très petites entreprises et des petites et moyennes entreprises. Ces règles visent toutes à éviter des excès de concurrence dans des domaines où les plus petites entreprises pour améliorer leur compétitivité par rapport à leurs grandes concurrentes. C’est par exemple le cas dans le domaine du temps de travail, où l’objectif des branches est d’éviter que les TPE et les PME disposent de trop de souplesse.  

Mais le vice de ce système peut aller très loin. Dans de nombreuses branches, par exemple, des accords de complémentaire santé visent à faire financer le déficit des grands comptes par les petites entreprises. C’est le cas dans la restauration où le déficit du contrat Accor est financé par les petits cafetiers du coin.  

Bien entendu, tout le monde prend bien soin de cacher cette poussière sous le tapis.  

Prospérité de la bureaucratie patronale

Une autre utilité cachée des branches consiste bien entendu à faire vivre des mouvements patronaux désertés par les adhérents grâce à des contributions obligatoires imposées par une bureaucratie patronale en expansion permanente.  

C’est par exemple le cas dans la boulangerie, où Jean-Pierre Crouzet, président de la Confédération et accessoirement président en son temps de l’UPA (l’Union des Professions de l’Artisanat, désormais fusionnée avec l’UNAPL dans l’improbable U2P), a organisé un système de financement sur le dos de ses adhérents. Au mépris de la loi, ce membre du Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE) a d’ailleurs bien pris soin de ne publier aucun des comptes de son organisation, pour dissimuler les sommes colossales que son syndicat a tiré des accords en protection sociale complémentaire et en formation professionnelle.  

Macron tuera-t-il enfin la bureaucratie patronale?

Ce qui se joue dans le rôle futur des branches professionnelles, c’est l’avenir de cette bureaucratie construite de toutes pièces sur ces charges inventées par les mouvements patronaux dans les branches professionnelles pour se financer. L’occasion est rêvée de tordre le cou à tous ces freins à l’innovation, et dont la profession de foi est de préserver intact un appareil de production obsolète mais qui les fait vivre.  

Le gouvernement donnera-t-il aux TPE la possibilité de s’extirper des griffes de ces mafias? Souhaitons-le.  

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