Mixité proportionnelle et liberté syndicale : le regard de la CFDT sur la décision de justice

Cette publication est issue du site du syndicat de salariés CFDT.

La mixité proportionnelle, qui tend à promouvoir l’égalité des sexes, est conforme aux textes conventionnels ratifiés par la France en ce qu’ils protègent la liberté syndicale. Cass.soc, 13.02.2019, n°18-17042 

  • Rappel des faits

Des élections au comité d’établissement direction technique se sont déroulées au sein de l’UES Orange. Conformément à ce que prévoit l’article L. 2314-13 du Code du travail, le protocole préélectoral mentionnait la proportion de femmes et d’hommes composant le 3è collège électoral. 

Considérant que les règles relatives à la mixité proportionnelle n’ont pas été respectées par la liste “titulaires” et la liste “suppléants”, présentées par le syndicat CFE-CGC France Télécom Orange, la F3C-CFDT a décidé de saisir le tribunal d’instance. Elle demandait l’annulation des élections de 2 candidates au motif que les listes comportaient 5 candidatures féminines au lieu de 4. 

Le tribunal d’instance de Villejuif a fait droit à la demande en annulant l’élection d’une membre titulaire et d’une membre suppléante du comité d’établissement. 

Le syndicat CFE-CGC France Télécom a alors formé un pourvoi contre cette décision, en invoquant principalement le fait que les dispositions du Code du travail relatives à la mixité proportionnelle seraient contraires à plusieurs Conventions internationales et européennes. 

  • Les arguments du pourvoi : mixité proportionnelle versus liberté de choisir ses représentants

L’argument principal du pourvoi est de dire que les dispositions du Code du travail relatives à la mixité proportionnelle, et plus précisément l’article L. 2324-22-1, sont contraires aux textes internationaux et européens ratifiés par la France en ce qu’elles portent atteinte à la liberté syndicale. 

Il rappelle en effet qu’un certain nombre de conventions internationales et européennes garantissent la liberté syndicale, et explique que celle-ci implique la liberté des organisations syndicales de choisir leurs représentants et d’organiser librement leurs activités. Le pourvoi en déduit que cela signifie que les organisations syndicales sont libres de présenter les candidats de leur choix et que par conséquent les dispositions de l’article L. 2324-22-1 du Code du travail imposant aux organisations syndicales de présenter alternativement jusqu’à épuisement du sexe sous-représenté un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la proportion des deux sexes inscrits sur la liste électorale, seraient contraires aux dispositions conventionnelles. 

Par ailleurs, le pourvoi considère que l’article du Code du travail apporteraient à la liberté de choisir des candidats des restrictions qui ne seraient pas justifiées par des motifs légitimes, comme l’exige l’article 11 de la CESDH. 

C’est à ces arguments que la Cour de cassation a dû répondre dans son arrêt, publié en date du 13 février 2019. 

  • Mixité proportionnelle : conciliation entre liberté syndicale et principe de non-discrimination

La Cour de cassation balaye les arguments du pourvoi : les dispositions relatives à la mixité proportionnelle ont été mises en place afin de promouvoir l’égalité effective des sexes et ne constituent pas une atteinte disproportionnée au principe de liberté syndicale. 

– Un rappel du principe de non-discrimination au niveau européen et international 

Pour commencer, la Cour de cassation rappelle le principe fondamental d’interdiction des discriminations entre les sexes et précise que celui-ci est protégé par des textes internationaux et européens, à savoir :  

– la Charte des droits fondamentaux (articles 21 et 23) et la directive 2002/14/CE, qui protège le principe fondamental d’interdiction de la discrimination fondée sur le sexe ; 

– la CESDH, qui prohibe toute discrimination entre les sexes en matière de conditions de travail ; 

– l’article 1er de la convention n°111 de l’OIT, qui interdit toute distinction, exclusion ou préférence fondée notamment sur le sexe, qui aurait pour effet de détruire ou d’altérer l’égalité des chances ou de traitement en matière d’emploi ou de profession. 

A noter au passage que la Cour de cassation souligne l’effet direct de l’article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. 

– Des dispositions en droit interne relatives à la mixité proportionnelle destinées à promouvoir l’égalité des sexes 

Après avoir rappelé l’importance du principe de non-discrimination en raison du sexe, largement garanti par les textes conventionnels, la Cour de cassation rappelle qu’un des objectifs, qualifié de légitime, ayant guidé la mise en place de la règle relative à la mixité proportionnelle est précisément destiné à répondre à ce principe fondamental : « l’obligation faite aux organisations syndicales de présenter aux élections professionnelles des listes comportant alternativement des candidats des deux sexes à portion de la part de femmes et d’hommes dans le collège électoral concerné répond à l’objectif légitime d’assurer une représentation des salariés qui reflète la réalité du corps électoral et de promouvoir l’égalité effective des sexes »

Des dispositions intervenues dans le respect du principe de la liberté syndicale, en conciliation avec le respect du principe de l’égalité entre les sexes 

La Cour de cassation rappelle ensuite que le choix du législateur s’est porté : 

– sur une proportionnalité des candidatures au nombre de salariés masculins et féminins présents dans le collège électoral considéré au sein de l’entreprise, et non pas sur une parité « abstraite » ; 

– sur une sanction limitée à l’annulation des élus surnuméraires de l’un ou de l’autre sexe, et qu’il est désormais possible d’organiser des élections partielles lorsque l’annulation conduirait à une sous-représentation importante au sein d’un collège. 

Elle retient alors, au regard de ces éléments, que les dispositions en cause « ne constituent pas une atteinte disproportionnée au principe de la liberté syndicale reconnu par les textes européens et internationaux » et que celles-ci « procèdent à une nécessaire et équilibrée conciliation avec le droit fondamental à l’égalité entre les sexes instauré par les dispositions de droit européen et international ». 

Ici, on le comprend, la Cour de cassation retient le fait qu’un juste équilibre ait été trouvé par le législateur entre deux principes fondamentaux mis en balance : non-discrimination et liberté syndicale. 

Juste équilibre lui permettant d’affirmer que l’atteinte à la liberté syndicale, dénoncée par le syndicat CFE-CGC France Télécom, n’est pas disproportionnée aux regard des objectifs poursuivis. 

Les règles relatives à la mixité proportionnelle sont conformes aux textes conventionnels (internationaux et européens) qui garantissent la liberté syndicale. Le principe de la mixité proportionnelle est donc sauf, sage décision de la Cour de cassation… 

 

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