La course à la présidence du MEDEF finit son premier tour de chauffe. 8 candidats se sont déclarés, dont 2 sont jugés favoris par les observateurs: Alexandre Saubot, président de l’UIMM, et Geoffroy Roux de Bézieux, actuel vice-président de l’organisation. Mais un cycle de débats doit permettre d’éclaircir la situation et de mieux identifier les “petits candidats”. Trois dossiers-clés seront au coeur des programmes.
L’élection à la présidence du MEDEF aura lieu au tout début juillet. Les candidatures, accompagnées de 50 parrainages, doivent être présentées début mai au plus tard. Huit candidats les briguent: 4 “régionaux” (Patrick Martin, Frédéric Motte, Olivier Klotz et Claude Brajeux), 1 Parisien (Jean-Charles Simon), 2 “fédéraux” (Alexandre Saubot et Geoffroy Roux de Bézieux) et 1 “partenaire”, Fabrice Le Saché. Nul ne sait s’ils les obtiendront.
Tout laisse à penser que cette longue liste de prétendants devra se départager sur trois dossiers majeurs, qui sont au coeur de l’avenir patronal.
L’objet social des entreprises et sa promotion
Très immédiatement, le président du MEDEF devra prendre position sur la loi PACTE et sur la réforme en cours du code civil et de la définition qu’il donne d’une société. Injustement confondu avec celui d’entreprise, ce concept devrait suivre une évolution très marquée par la doctrine sociale de l’église. La question divise fortement les patrons. Les candidats à la présidence ne pourront éviter de prendre parti.
Les plus libéraux pourfendront cette réforme portée par Emmanuel Macron et un écosystème assez hétéroclite de penseurs ou d’observateurs sensibles à la tendance démocratie chrétienne. Les plus “traditionalistes” et les plus réalistes prendront à leur compte cette vision encore nébuleuse, mais qui plaît au pouvoir.
Les débats devraient donc être animés sur ce point, et l’on suivra avec intérêt l’envie ou pas que certains pourraient avoir d’assumer le profit comme objet unique de l’entreprise. En tout cas, il recouvre une fracture fondamentale entre les patrons de “gauche” et de “droite” qui paralyse régulièrement le MEDEF.
Paritarisme de gestion et réforme des retraites
Après sa prise de fonction, le président du MEDEF devra absorber le choc de la réforme systémique qu’Emmanuel Macron a chargé Jean-Paul Delevoye de préparer dans le secteur des retraites. La logique de cette réforme est d’unifier peu ou prou les différents systèmes existants dans un régime unique par points.
Le dossier est épineux, sensible, complexe, et donne déjà lieu à des passes d’armes à fleuret moucheté avec les syndicats. Emmanuel Macron aura besoin d’une aile réformatrice pour bousculer le mur des résistances.
Pour le MEDEF, le sujet est très délicat.
L’idée d’un grand régime de retraite simplifié peut être intéressante pour le MEDEF. La mise en place d’un pilotage à la suédoise peut en effet participer d’une stratégie de maîtrise des coûts sociaux. De manière sous-jacente, le régime par points ou “notionnel” dont rêve le Président de la République porte en lui la minoration de la cotisation employeurs. Il obligera sans doute aussi à normaliser les anomalies dont bénéficient les fonctionnaires.
L’inconvénient de ce projet est qu’il est aussi porteur de risques majeurs pour le monde paritaire. Le MEDEF partage en effet avec les autres partenaires sociaux la gouvernance des fédérations AGIRC-ARRCO et leur cascade de groupes paritaires d’assurance qui financent volontiers les organisations syndicales (MEDEF compris). Mettre le doigt dans la réforme systémique des retraites, c’est aussi accepter à terme la disparition de ses fromages au profit d’une chaîne étatisée unique.
Là encore, le conflit entre les démocrates chrétiens et les libéraux au sein du MEDEF devrait susciter quelques tensions internes. Il est en tout cas très probable que le débat sur le paritarisme de gestion ait lieu.
Faut-il ou non réformer le MEDEF?
L’hypothèse d’un abandon du paritarisme flatte tous ceux qui reprochent au MEDEF d’être trop englué depuis des années dans les problèmes du gestion du système social français, et pas assez présent dans l’influence auprès des gouvernements et de l’opinion. Elle pose de façon aiguë la question de la réforme de l’organisation elle-même.
Ce point somme toute secondaire est volontiers mis en avant par certains candidats qui donnent le sentiment, du même coup, d’être plus dans une course à la direction générale de l’organisation que dans une course à la présidence. On évitera de sombrer dans cette manie en accordant trop d’importance à ces sujets. Toutefois, deux problématiques reviennent assez souvent.
La première porte sur l’autonomie financière du mouvement. Celle-ci bénéficie de plus de 10 millions de financements obligatoires chaque année (grâce à une contribution instaurée par Michel Sapin en 2014). Le MEDEF pourrait faire le choix de renoncer à ces cotisations et de recentrer ses missions sur de l’influence politique.
Ce choix paraît d’autant plus mûr que les ordonnances sur le code du travail décentralisent auprès des entreprises l’essentiel de la norme sociale. L’utilité des grands accords interprofessionnels sur lesquels une partie de l’identité du MEDEF se constitue paraît beaucoup moins prégnante aujourd’hui.
La seconde problématique est celle du droit de vote et de la représentation des territoires. Aujourd’hui, si le MEDEF compte plus de 100.000 adhérents, seuls 560 d’entre eux ont le droit de vote. Ce sujet concerne au premier chef la multitude de PME qui adhérent à un MEDEF territorial et qui ont l’impression de n’avoir aucun poids dans l’organisation.
Dans un contexte de dégagisme et de renouvellement, ces vieilles habitudes font tache…