Maternité : un licenciement préparé durant le congé est nul

Cet article provient du site du syndicat CFDT.

 

Constitue une mesure préparatoire prohibée l’examen avec une salariée pendant son congé maternité, des modalités du licenciement économique à venir. Telle est la solution retenue par la Cour de cassation qui annule dans ce cas le licenciement, même prononcé après l’expiration de la période de protection. Cass.soc.01.02.17, n°15-26.250. 

• Rappel : une protection spéciale de la salariéeL’article L. 1225-4 du Code du travail prévoit une protection spéciale de la salariée contre le licenciement qui couvre toute la grossesse, la durée du congé de maternité et même au-delà du retour du congé de maternité. La protection est alors « absolue » ou « relative », elle varie selon la situation de la salariée :- Durant la période pré et post congé de maternité, la protection est dite « relative », c’est-à-dire qu’il est possible de licencier la salariée enceinte ou au retour de son congé de maternité seulement dans deux hypothèses : en cas de licenciement pour faute grave non liée à son état de grossesse ou, en cas d’impossibilité de maintenir son contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement.Avec la loi Travail de 2016, la durée de la protection relative post congé est passée de 4 à 10 semaines.- Durant la période du congé de maternité (et des congés payés s’ils sont pris juste après le congé maternité(1)), la protection est dite cette fois-ci « absolue ». Il est strictement interdit de licencier la salariée. Toute prise d’effet ou notification de la rupture, et même la mise en œuvre des mesures préparatoires à une telle décision sont interdites. Dans cet arrêt la Cour de cassation vient justement préciser ce qu’il faut entendre par « mesures préparatoires ». 

• Les faits et la procédureUne salariée en congé maternité du 5 juin au 17 décembre 2009 a été licenciée pour motif économique en février 2010. Durant son congé maternité, celle-ci a été informée par l’employeur qu’elle faisait partie d’un projet de licenciement collectif pour motif économique.La salariée a contesté son licenciement devant le Conseil de prud’homme. En appel, les juges du fond ont donné raison à la salariée. L’employeur a alors formé un pourvoi en cassation en avançant deux arguments :- D’une part, le fait que l’interdiction de mesures préparatoires au licenciement durant la période de protection liée à la maternité ne s’applique pas en cas de licenciement collectif pour motif économique ;- D’autre part, les mesures préparatoires interdites correspondent aux mesures concrétisant la décision de l’employeur de licencier la salariée, telle que l’embauche d’un salarié ayant pour objet de pourvoir à son remplacement définitif. Pour l’employeur, la simple information de la salariée, durant son congé maternité, qu’elle fait partie d’un projet de licenciement collectif, ne constitue pas un acte préparatoire.La question posée à la Cour de cassation consiste à savoir si le fait pour l’employeur d’examiner avec une salariée pendant son congé maternité, les modalités de son futur licenciement économique, constituent une mesure préparatoire prohibée ? 

• La reconnaissance des mesures préparatoires prohibées au regard de la jurisprudence de l’Union européennePour rejeter l’argumentation de l’employeur, la Cour de cassation s’appuie sur l’article 10 de la directive européenne 92/82 sur les travailleuses enceintes (2) qui pose l’interdiction de licenciement, tout en se référant à l’interprétation donnée par la Cour de justice de l’Union européenne. Dans un arrêt de 2007, la Cour de justice a précisé que l’interdiction de licencier consacrée à l’article 10 de la directive « interdit non seulement de notifier une décision de licenciement en raison de la grossesse et/ou de la naissance d’un enfant pendant la période de protection [définie par la directive], mais également de prendre des mesures préparatoires à une telle décision avant l’échéance de cette période »(3).La Cour de cassation reprend à peu de choses près la formule des juges européens pour affirmer « qu’il résulte de l’article L. 1225-4 du code du travail, alors applicable, interprété à la lumière de l’article 10 de la Directive 92/85 du 19 octobre 1992,qu’il est interdit à un employeur, non seulement de notifier un licenciement, quel qu’en soit le motif, pendant la période de protection visée à ce texte, mais également de prendre des mesures préparatoires à une telle décision ». 

• Prévoir un licenciement durant cette protection le rend en toute logique nulLa décision rendue par la Cour de cassation est pour nous logique et même souhaitable. Par cette décision, la Cour de cassation se conforme au droit de l’Union européenne. Même si le licenciement est intervenu postérieurement à l’expiration de la période de protection de la salariée, le simple fait d’examiner avec la salariée pendant son congé maternité, des modalités du licenciement à venir, conduit à déclarer nul le licenciement. 

Il est intéressant de relever que la Cour de cassation établit ici une interdiction générale de licencier durant le congé maternité. Ainsi, dès que les mesures préparatoires ont pour objectif le licenciement de la salariée, celles-ci sont prohibées et ce, quel que soit le motif du licenciement (motif personnel ou motif économique).En revanche, si les mesures préparatoires visent un autre objectif que celui du licenciement (par exemple un reclassement de la salariée suite à la suppression de son poste dans le cadre d’un PSE), alors ces mesures ne sont pas prohibées (4). 

________________________________________(1) Depuis la loi Travail.(2) Directive 92/85/CEE du 19 octobre 1992 concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail.(3) CJCE, 11 octobre 2001, aff. C-460/06, § 38.(4) Voir en ce sens l’arrêt Cass.soc.14.09.16, n°15-15.943. 

 

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