Loi renseignement : les nouvelles modalités de recueil des informations définies par décret

Le décret précisant les modalités d’interception d’informations relatives à la sécurité et relatif à la mise en oeuvre des accès administratifs aux données de connexion a été publié au Journal officiel. Ce texte est pris pour l’application de la loi relative au renseignement du 24 juillet 2015 et entre en vigueur dès le 2 février 2016. Ces dispositions sont censées permettre de rendre plus efficace la lutte anti-terroriste en détectant, préalablement à leur réalisation, les individus susceptibles de commettre des attentats. Même si le dispositif est très encadré, les informations potentiellement recueillies sont très vastes et les modalités de recours quasi-nulles. 

 

Une autorisation individuelle pour recueillir les données

Le décret précise que l’autorisation de mettre en oeuvre les techniques de recueil de renseignement ne peuvent être délivrées qu’à des agents qui sont individuellement désignés et habilités par le ministre. Le directeur dont les agents relèvent peut aussi les désigner et habiliter sur délégation du ministre. 

Pour assurer une traçabilité dans les techniques de recueil des données, le groupement interministériel de contrôle, qui est un service du Premier ministre, centralise notamment toutes les informations relatives aux demandes de mise en oeuvre des techniques de renseignement ou aux autorisations enregistrées. Ce groupement est aussi chargé de participer à la traçabilité de l’exécution des techniques de recueil de renseignement. 

Dans le cadre de la prévention du terrorisme, le décret permet aussi de permettre à des agents d’autres services de mettre en oeuvre les techniques de recueil de renseignement. Il s’agit de certains services placés sous l’autorité du directeur général de la police nationale, d’unités placées sous l’autorité du directeur général de la gendarmerie nationale, de services placés sous l’autorité du préfet de police de Paris, ou encore de services placés sous l’autorité d’emploi du ministre de la défense. 

Le décret permet alors à un nombre important d’individus d’être en mesure de mettre en oeuvre les techniques de recueil de renseignement. Même si ces procédures sont contrôlées et encadrées, cette multiplication des possibilités d’accès au renseignement sont autant d’obstacles à une limitation des dérives qui pourraient avoir lieu. 

 

L’encadrement du recueil des données de connexion

Le décret du 29 janvier 2016 relatif au renseignement donne la liste des données de connexion qui peuvent être recueillies et définit également les conditions d’accès à ces données. 

Les données qui peuvent être recueillies sont toutes les informations permettant d’identifier un utilisateur, les données relatives aux équipements de communication utilisés, les informations relatives à chaque communication (date, heure durée…), ou encore les données qui permettent d’identifier le ou les destinataires de la communication. Les informations recueillis peuvent aussi permettre de localiser l’origine de la communication, mais aussi d’identifier et d’authentifier un utilisateur, une connexion, un réseau ou un service de communication au public en ligne. 

Toutes ces informations sont détenues par les opérateurs de communication et doivent être demandées par les agents individuellement désignés et habilités. Ces demandes doivent préciser la technique mise en oeuvre, le service pour lequel elle est présentée, la finalité poursuivie, le motif des mesures, la durée de validité de l’autorisation et surtout la personne, le lieu ou véhicule concerné. Le décret ajoute plusieurs caractéristiques à la demande de recueil de données de connexion : cette demande doit préciser la nature précise des informations ou documents dont le recueil est demandé et, si nécessaire, la période concernée. 

Le décret ajoute que toutes les informations ou documents recueillis en vertu de cette procédure ne peuvent être exploités aux fins d’accéder au contenu de correspondances échangées ou d’informations consultées sans l’obtention d’autorisations spécifiques. 

 

La compensation financière des fournisseurs des données

Les opérateurs qui détiennent les données de connexion et qui les fournissent à la demande des agents habilités engagent nécessairement des frais afin de rassembler les informations demandées pour les livrer. 

Le décret prévoit donc que tous les frais engagés par les opérateurs et prestataires de services, liés à la mise en oeuvre de la fourniture d’informations, doivent être pris en charge par le budget des services du Premier ministre. Cette prise en charge s’effectue sur la base des frais réellement exposés et justifiés par le fournisseur. 

Dans le même sens, tous les coûts supportés, identifiables et spécifiques, pour mettre en oeuvre les techniques de recueil de renseignement, doivent être remboursées par l’Etat selon les tarifs et modalités fixés par arrêté du Premier ministre. 

 

Une maigre possibilité de recours

La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement est habilitée à contrôler les dispositifs qui permettent d’exécuter les décisions et les autorisations relatives au recueil d’informations. Il est prévu que toute personne peut demander à vérifier qu’aucune mesure de surveillance n’est irrégulièrement mise en oeuvre à son égard. La Commission recueille ce type de réclamation et peut aussi réaliser ces vérifications de sa propre initiative. Une fois les vérifications faites, l’auteur de la réclamation recevra une notification, sans pour autant confirmer qu’il fait ou non l’objet de mesures de surveillance. 

En cas de manquement constaté dans la mise en oeuvre des mesures de surveillance, la Commission adresse une recommandation au Premier ministre. Si aucune suite n’est donnée à cette recommandation, ou que les suites données sont insuffisantes, le décret prévoit que le Président de la Commission, ou 3 de ses membres, peuvent saisir le Conseil d’Etat dans un délai d’un mois. Cette saisine s’effectue alors par une requête contenant l’exposé des faits et les motifs du recours. 

Dans tous les cas, la personne à l’origine de la réclamation ne saura pas si elle fait réellement l’objet d’une surveillance, seule la vérification de la régularité de cette potentielle surveillance lui sera confirmée. 

Ajouter aux articles favoris
Please login to bookmark Close
0 Shares:
Découvrez nos analyses et capsules vidéos
Lancer la vidéo

Le pouls des CCN #1 : le régime santé de la CCN Syntec

Lancer la vidéo

Webinaire Tripalio #3 : les CCN face à l'assurance obsèques de l'enfant de -12 ans

Lancer la vidéo

Le pouls des CCN #2 : le point sur la santé des HCR et la prévoyance des Services à la personne

Lancer la vidéo

PLFSS 2026 : rejet du socle solidaire et responsable par la ministre Amélie de Montchalin

Vous pourriez aussi aimer
Lire plus

La solidarité au cœur du Comptoir des Branches de Malakoff Humanis

Le 2 décembre 2025, Malakoff Humanis a réuni ses partenaires dans un lieu conviviable pour une nouvelle édition du « Comptoir des branches ». Lancé en mai 2021 à l’initiative du groupe de protection sociale Malakoff Humanis, il agit comme un lieu d’échange et de co-construction pour les partenaires sociaux des branches professionnelles autour de la protection sociale. Ce rendez-vous s’est imposé comme un espace d’échange incontournable. À l’occasion des 10 ans du dispositif de solidarité, cette soirée était...
Lire plus

Le socle solidaire et responsable écarté du PLFSS en 2e lecture

C'est sans grande surprise que les députés ont supprimé hier (3 décembre 2025) l'article 6 quater, créant un socle solidaire et responsable, du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2026. Cet article inséré par le Sénat devait permettre de commercialiser des contrats moins généreux en termes de prestations que l'actuel contrat responsable et...

La Mutualité française appelle les français à participer aux Etats généraux de la santé et de la protection sociale

Ce communiqué a été diffusé par la Mutualité française. Comment les Français peuvent-ils se réapproprier leur protection sociale ? En donnant leur avis dans le cadre des Etats généraux de la santé et de la protection sociale, estime Julien Damon, professeur associé à Sciences Po. Il s’est exprimé lors du lancement...

Intériale quitte la Mutualité Française

Plusieurs confrères de la presse spécialisée annoncent, ces dernières heures, la décision prise par Intériale, ayant longtemps joué un rôle central dans l'assurance santé des agents et anciens agents du ministère de l'Intérieur, de quitter la fédération nationale de la mutualité française. Cette décision résulterait notamment des tensions survenues entre opérateurs mutualistes, et dans le cadre de leur représentation, au cours de la mise en œuvre de la réforme...

Avis d’extension d’avenants à la CCN de la production cinématographique

Le ministre du travail et des solidarités, envisage d’étendre, par avis publié le 4 décembre 2025, les dispositions de l’avenant du 26 mars 2025 relatif à la révision des salaires minima et de l'avenant du 26 septembre 2025 relatif à la classification, conclus dans le cadre de la convention collective nationale de la production cinématographique du 19 janvier 2012 (...