Les clauses de désignation reviendront-elles par la magie de la loi de financement de la sécurité sociale? Depuis la révélation, par la Tribune, de la lettre intersyndicale à Marisol Touraine demandant le rétablissement de celles-ci dans le domaine de la prévoyance, l’hypothèse est désormais ouverte et méritera d’être suivie attentivement.
Un faisceau d’indices convergents
L’offensive est globalement assez bien menée.
D’une part, les signaux parlementaires se sont multipliés. C’est tout particulièrement le cas avec le rapport Germain sur le paritarisme. Celui-ci, conforme aux positions habituelles du député frondeur, proche de Martine Aubry et ennemi notoire de la concurrence, plaide en faveur d’une loi autorisant les désignations. Auparavant, des députés de droite avaient déposé un amendement favorable aux désignations dans la loi Travail.
D’autre part, les organisations syndicales se mobilisent après une série de résultats annuels plutôt inquiétants pour les groupes de protection sociale. La généralisation de la complémentaire santé a en effet produit quelques dommages collatéraux. Les groupes souffrent, faute d’une véritable culture commerciale, et faute, souvent, d’un réseau de distribution capable de concurrencer les intermédiaires d’assurance, et tout particulièrement les courtiers.
L’hypothèse de la loi de financement de la sécurité sociale
Il devient donc très plausible que le gouvernement fasse un petit geste pour ses amis syndicalistes, et pour ses amis des groupes de protection sociale.
Pour les syndicalistes, rien ne pourrait être trop beau à l’approche d’une année électorale cruciale. La gauche a beaucoup déçu ses électeurs depuis 2012. Elle a accru le malaise avec la loi Travail. Reconstruire la confiance devient urgent. Quoi de mieux qu’une inflexion sur les désignations pour montrer sa bonne volonté? L’intérêt de ce geste porte aussi sur le financement des organisations syndicales, ce qui est loin d’être neutre. Protéger les groupes de protection sociale contre la concurrence, c’est aussi protéger le financement de centrales souvent exsangues.
Pour les groupes de protection sociale, la mesure serait salvatrice. La chute de la marge de solvabilité d’AG2R en constitue un élément particulièrement illustratif. Malgré l’absorption de Réunica, le groupe voit sa marge s’effondrer. André Renaudin, ancien du cabinet Beregovoy, a bien besoin d’un coup de pouce de la majorité à laquelle il a appartenu pour sauver les meubles.
Politiquement, la préparation de la loi de financement de la sécurité sociale paraît donc le moment idéal pour réintroduire des clauses bien utiles pour ne pas “casser l’outil paritaire” patiemment mis en place au cours des années.
A quoi pourrait ressembler la clause de désignation?
Juridiquement, un retour en arrière pur et simple sur les clauses de désignation en santé paraît compliqué à justifier. Il s’exposerait à une censure du Conseil Constitutionnel. En revanche, il est imaginable que le législateur ouvre la porte à des poly-désignations en santé. Ou bien qu’il oblige les assureurs de chaque entreprise à financer un fonds de branche dont le “recommandé” serait le bénéficiaire.
Le principal risque porte toutefois sur la prévoyance, où le législateur pourrait notamment avoir envie de blinder les clauses de désignation par la mise en place d’une sécurité sociale complémentaire, prônée par Jean-Marc Germain. Rappelons ici que le député Germain, époux d’Anne Hidalgo, a fait capoter la motion de censure, à l’occasion de la loi Travail. Ces bons et loyaux services valent bien une petite récompense.