L’entreprise et la vidéosurveillance : ce qu’il faut savoir

Cet article est issu du site du syndicat de salariés FO.

Big brother est-il parmi nous ? Grande question que les salariés sont de plus en plus amenés à se poser. 

En effet, nombreux sont les employeurs à souhaiter tout contrôler jusqu’aux moindres faits et gestes de leurs salariés. 

La vidéosurveillance est un moyen d’exercer un tel contrôle. Cette technologie n’autorise cependant pas l’employeur à faire tout et n’importe quoi. 

La Commission nationale informatique et libertés (CNIL) est très vigilante sur cette question. 

Tour d’horizon sur ce qu’il est possible de faire et de ne pas faire en matière de vidéosurveillance sur le lieu de travail. 

1 – Dans quels cas l’employeur peut-il mettre en place une vidéosurveillance dans l’entreprise ? 

Un système de vidéosurveillance peut être mis en place à des fins de sécurité des biens et des personnes, elle peut également être utilisée pour contrôler l’activité des salariés (Cass. soc., 10-1-12, n°10-23482). 

La Cnil rappelle toutefois que le système de vidéosurveillance doit nécessairement respecter le principe de proportionnalité. 

Sauf circonstances particulières (ex : surveillance en zone aéroportuaire, travail sur une machine dangereuse…), la Cnil considère que la vidéosurveillance ne peut placer les salariés sous surveillance constante, générale et permanente (Délib. Cnil n°2010-112 du 22-4-10). 

Dans une affaire où l’employeur filmait en permanence des agents installés dans le PC sécurité d’une galerie commerçante, la Cnil a jugé que cette surveillance était disproportionnée, au regard de la finalité de sécurité des biens et des personnes de l’immeuble (Délib. Cnil n°2012-475 du 3-1-13). 

Dans une autre affaire où les caméras étaient installées pour lutter contre le vol de marchandises, la Cnil a considéré que n’était pas justifiée l’installation de caméras dans des locaux où il n’existait aucun risque de vol puisque aucune marchandise n’y était stockée, tels les couloirs, les ateliers de création ou les bureaux administratifs. 

Pour la Cnil, le nombre, l’emplacement, l’orientation, les fonctionnalités et les périodes de fonctionnement des caméras, ou la nature des tâches accomplies par les personnes devant être soumises à la vidéosurveillance, sont autant d’éléments à prendre en compte lors de l’installation du système. Le déploiement d’un dispositif de vidéosurveillance ne doit pas avoir pour seul objectif la mise sous surveillance spécifique d’un employé déterminé ou d’un groupe particulier d’employés. 

L’enregistrement du son associé aux images apparaît disproportionné, sauf justification particulière. 

2 – A quel endroit les caméras peuvent-elles être placées ? 

Selon la Cnil, les caméras peuvent être installées au niveau des entrées et des sorties des bâtiments, des issues de secours, des voies de circulation, mais également dans des zones où sont entreposés des biens de valeur ou de la marchandise (la Cnil consacre un thème à la vidéosurveillance au travail sur son site Internet). 

Sauf circonstances particulières, elles ne peuvent filmer les salariés à leur poste de travail, ceux-ci disposant, même aux temps et au lieu de travail, du droit au respect de leur vie privée. 

Les caméras ne doivent pas non plus filmer les zones de pause ou de repas des salariés, ni les toilettes. Les locaux syndicaux ou des instances représentatives du personnel, ni leur accès lorsqu’il ne mène qu’à ces seuls locaux ne doivent pas non plus être filmés. 

3 – Quelles formalités l’employeur doit-il respecter préalablement à la mise en place d’un système de vidéosurveillance ? 

Lorsque le dispositif était installé dans un lieu privé ou non-ouvert au public et que les images étaient enregistrées ou conservées dans des fichiers informatisés ou des fichiers structurés qui permettaient d’identifier des personnes, ce dispositif devait faire l’objet d’une déclaration à la Cnil. Une déclaration devait être effectuée pour chaque site ou établissement équipé. Si un correspondant informatique et libertés (CIL) avait été désigné dans l’entreprise, aucune formalité n’était nécessaire auprès de la Cnil. Le CIL devait noter ce dispositif sur son registre. 

Depuis le 25 mai 2018, le RGPD supprime les déclarations préalables au profit d’un système d’autocontrôle. 

Le fait de ne pas respecter les formalités préalables à la mise en œuvre des traitements de données à caractère personnel est puni d’une peine de 5 ans d’emprisonnement et d’une amende de 300 000 € (art. 226-16 du code pénal). 

Lorsque le dispositif de vidéosurveillance est installé dans un lieu public, ou ouvert au public, celui-ci doit être autorisé par le préfet du département, ou le préfet de police pour Paris. 

Lorsque le dispositif de vidéosurveillance était installé dans un lieu mixte (lieu ouvert au public comportant des zones privées), si les images étaient enregistrées ou conservées dans un fichier nominatif, une déclaration à la Cnil, en plus d’une autorisation préfectorale, était nécessaire. Les deux formalités semblaient se cumuler. Dorénavant avec le RGPD, l’entreprise est soumise à un système d’autocontrôle continu, à la tenue d’un registre des activités de traitement, à la désignation d’un délégué à la protection des données… 

Lorsque le dispositif vise à contrôler les salariés, l’employeur doit consulter le comité d’entreprise (s’il existe encore) ou le CSE (Cass. soc., 7-6-06, n°04-43866 ; art. L 2312-38 du code du travail) sur le dispositif lui-même et ses fonctionnalités mais également le CHSCT (s’il existe encore). Le CHSCT doit être consulté sur tout projet d’introduction de nouvelles technologies, et sur les conséquences de ce projet sur la santé et la sécurité des travailleurs. Le CHSCT doit également être consulté avant toute décision d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail. 

Le dispositif de vidéosurveillance doit être porté préalablement à la connaissance des salariés (art. L 1222-4 du code du travail). Si le système est utilisé pour contrôler leur activité professionnelle, les salariés doivent en être avertis, une simple information de l’existence d’un système de vidéosurveillance n’étant pas suffisante (Cass. soc., 10-1-12, n°10-23482). 

L’information doit donc porter également sur l’utilisation qui peut être faite du dispositif. La Cour de cassation considère cependant que la vidéosurveillance installée pour assurer la sécurité d’un magasin et qui n’est pas destinée à être utilisée pour contrôler les salariés dans l’exercice de leurs fonctions peut servir à constater une faute grave même si elle n’a pas fait l’objet d’une mise en œuvre dans les conditions prévues par le code du travail (Cass. soc., 2-2-11, n°10-14263 ; Cass. soc., 26-6-13, n°12-16564.). 

A noter que les salariés mis à disposition doivent être informés des caméras placées chez le client, par leur employeur, si celui-ci souhaite utiliser la vidéosurveillance comme mode de preuve. 

Du point de vue de la loi informatique et libertés, l’employeur doit informer au moyen d’un panneau affiché de façon visible, dans les locaux placés sous vidéosurveillance, de l’existence du dispositif, des destinataires des images, ainsi que des modalités concrètes de leur droit d’accès aux enregistrements visuels les concernant. 

En matière pénale, la Cour de cassation considère que des enregistrements vidéos obtenus sans que le salarié n’ait été averti par l’employeur de l’existence d’une vidéosurveillance peuvent servir à la constatation d’un délit : aucune disposition légale ne permet aux juges répressifs d’écarter les moyens de preuve produits au seul motif qu’ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale, qu’il leur appartient seulement d’en apprécier la valeur probante (Cass. crim., 6-4-94, n°93-82717). 

Du point de vue du droit du travail, l’information ne semble pas pouvoir se faire uniquement par voie d’affichage, celle-ci devant se faire de manière individuelle. 

Si l’employeur ne respecte pas l’une de ces deux conditions (information des salariés et consultation du CSE), la preuve obtenue par le dispositif de vidéosurveillance est illicite. L’employeur n’a toutefois pas l’obligation d’informer préalablement les salariés et de consulter le comité d’entreprise lorsque le dispositif de vidéosurveillance est installé dans des locaux où les salariés ne sont pas amenés à se rendre ou à travailler (Cass. soc., 31-1-01, n°98-44290 ; Cass. soc., 19-4-05, n°02-46295 ; Cass. soc., 19-1-10, n°08-45092). 

Caméra installée au domicile d’un particulierLorsqu’un particulier installe des caméras chez lui alors qu’il emploie du personnel (aide à domicile, femme de ménage, garde d’enfant…), ces salariés devront être informés de l’installation de caméras et de leur but. Les caméras ne devront pas filmer les salariés en permanence pendant l’exercice de leur activité professionnelle. 

4 – Qui peut consulter les images enregistrées et combien de temps peuvent-elles être conservées ? 

Seules les personnes habilitées, et dans le cadre de leurs fonctions, peuvent visionner les images enregistrées. 

Dans sa délibération du 22 avril 2012, la Cnil a énoncé que les images captées et enregistrées devaient être suffisamment protégées contre des accès par des tiers non autorisés (Délib. Cnil n°2010-112 du 22-4-10). 

La conservation des images ne doit pas excéder, en principe, un mois. La Cnil indique qu’en règle générale, conserver les images quelques jours suffit à effectuer les vérifications nécessaires en cas d’incident, et permet d’enclencher d’éventuelles procédures disciplinaires ou pénales. Si de telles procédures sont engagées, les images sont alors extraites du dispositif (après consignation de cette opération dans un cahier spécifique) et conservées pour la durée de la procédure. 

5 – Que faire si l’employeur ne respecte pas les règles de mise en œuvre de la vidéosurveillance ? 

Les salariés peuvent saisir le CSE ou les délégués du personnel (s’ils existent encore) qui ont la possibilité d’exercer leur droit d’alerte (art. L 2313-2 ancien du code du travail ; art. L 2312-59 du code du travail). Le CSE ou les délégués du personnel ont la faculté de demander le retrait d’éléments de preuve obtenus par des moyens frauduleux en cas d’atteinte aux droits des personnes et aux libertés individuelles (Cass. soc., 10-12-97, n°95-42661). 

Il peut aussi être utile d’avertir l’inspecteur du travail et de saisir la Cnil en cas de non-respect du principe de proportionnalité, de collecte déloyale ou illicite, de durée de conservation excessive, ou de détournement de la finalité. La Cnil peut notamment prononcer une suspension provisoire du dispositif et demander à l’entreprise de se mettre, dans un certain délai, en conformité avec les prescriptions légales. 

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