L’employeur peut-il forcer un salarié à prendre ses jours du Compte épargne-temps ?

Cet article a initialement été publié par la CFDT.

 

Une entreprise rencontrant des difficultés (techniques ou économiques) temporaires peut-elle imposer la prise de jours affectés par le salarié à son compte épargne-temps (CET)? La Cour de cassation vient de répondre par la négative. Cass. soc.18.03.15, P n°13-19206. 

 

  • Les faits, la procédure et les prétentions des parties

Dans cette affaire, en raison d’une période de chômage technique, l’employeur a voulu imposer à ses salariés non seulement la prise de jours RTT, mais aussi de jours qu’ils avaient affectés à leurs CET. Certains ont contesté ce pouvoir de l’employeur de les contraindre à prendre ces jours et ont, en conséquence, saisi le conseil de prud’hommes de demandes de rappels de salaire. Il faut d’emblée relever que les jours ayant alimenté le CET étaient, à l’origine, des jours de repos de remplacement non pris, dont l’employeur peut normalement imposer la prise. 

Le conseil de prud’hommes ayant condamné l’employeur en dernier ressort, ce dernier a formé un pourvoi devant la Cour de cassation. Saisie de ces questions, la Haute juridiction lui a donné tort. 

  • L’employeur ne peut imposer la prise de jours affectés au CET

Il ne convient pas de s’attarder longuement sur la solution retenue en matière de jours RTT, puisque celle-ci s’appuie incontestablement sur l’interprétation de l’accord collectif mettant en place les jours RTT. En l’espèce, cet accord prévoyait qu’une partie de ces jours devaient être prise avec l’accord du salarié et de l’employeur, en conséquence de quoi, l’employeur ne pouvait, seul, imposer la prise des jours. En la matière donc, tout dépend des prévisions de la convention ou de l’accord collectif. 

En revanche, la solution retenue par la Cour de cassation, en ce qui concerne les jours affectés à un CET, retient l’attention. 

 

L’employeur peut-il décider seul de la prise de jours préalablement affectés par le salarié à son CET ? 

 

Formellement, en l’absence de dispositions conventionnelles spécifiques, le Code du travail est muet sur ce point. Il est donc revenu à la Haute juridiction de se prononcer. Or, en l’espèce, les jours qui avaient été affectés au CET étaient à l’origine des jours de repos de remplacement non pris. C’est pourquoi l’employeur faisait valoir le pouvoir qu’il a d’imposer la prise des repos de remplacement en vertu des dispositions des articles L.3121-24 et D.3121-10 du Code du travail. 

 

Pour autant, selon la Cour de cassation, si l’employeur peut en application de ces textes imposer au salarié « dans le délai maximum d’un an, le ou les jours de prise effective de repos, ces dispositions ne sont pas applicables aux jours de repos compensateur de remplacement affectés à un compte épargne-temps ». 

 

En d’autres mots, dès lors que les jours ont alimenté le CET, ils changent de nature et leur prise ne peut être imposée par l’employeur, sauf disposition conventionnelle en disposant autrement. 

 

La Cour de cassation privilégie ici la protection des droits du salarié sur l’utilisation de ses jours CET. Une solution logique et conforme à l’esprit dans lequel le CET a été institué : un compte dont chaque salarié doit pouvoir disposer individuellement. 

 

A retenir : normalement, c’est la convention ou l’accord collectif instituant le CET qui prévoit les conditions et limites dans lesquelles le CET peut être alimenté en temps ou en argent à l’initiative du salarié ou « pour les heures accomplies au-delà de la durée collective » par l’employeur (article L. 3152-2 du Code du travail), mais aussi « les modalités de gestion » du CET (article L. 3152-3 du Code du travail)

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