Cet article a été initialement publié sur le site du syndicat de salariés CFDT.
L’employeur est responsable du repos de ses salariés et doit les mettre en mesure d’exercer effectivement ce droit. À défaut de congés payés effectivement pris, l’employeur est présumé responsable, jusqu’à preuve du contraire. C’est cette règle d’aménagement de la preuve que la Cour de cassation est venue rappeler dans un récent arrêt, rendu à la veille des congés de Noël. Cass. soc., 16 décembre 2015, n°14-11.294, publié
Les congés payés sont des périodes de repos impératives (à raison de 2,5 jours par mois de travail effectif chez le même employeur) sur lesquelles il n’est pas possible de transiger entre employeur et salarié. Il s’agit de dispositions d’ordre public absolu, auxquelles il n’est pas possible de renoncer en échange de contrepartie en terme de rémunération, même très importante (du moins pour les 4 premières semaines).
À noter que pour ce qui est de la 5e semaine légale, l’ordre public n’est plus aussi absolu, puisqu’elle peut être stockée sur un compte épargne temps afin d’être utilisée à un autre moment (tout dépend de ce que prévoit l’accord mettant en place le CET).
- Congés payés : droit pour le salarié, obligation pour l’employeur
L’obligation d’octroyer des congés payés s’impose donc à l’employeur qui doit mettre le salarié en mesure de prendre ses congés. C’est à lui de prendre l’initiative de fixer les dates de congé (après consultation des représentants du personnel) (1). Ce qui implique qu’un salarié qui partirait en congé sans l’accord de son employeur, ou à une autre période que celle fixée par lui, se mettrait en faute. Cela constituerait en effet un acte de désinvolture manifeste et préjudiciable et justifierait un licenciement pour motif réel et sérieux. (2).
Que se passe-t-il en cas de défaillance de l’employeur ?
Lorsqu’il ne fixe pas la date de départ en congé et que, de ce fait, le salarié ne prend pas les jours de repos impératifs auxquels il a droit, comment peut-il s’exonérer de sa responsabilité ?
Dans l’affaire jugée par la Cour de cassation, il s’agit d’un médecin chef employé d’un centre hospitalier (le même que pour l’affaire concernant l’égalité de traitement). Ce salarié n’avait pas été en mesure de prendre l’intégralité de ses congés 5 années durant. Il saisit le conseil de prud’hommes pour réclamer le paiement de ces congés payés.
La Cour de cassation a profité de cette affaire pour rappeler la règle concernant la charge de la preuve et les possibilités pour l’employeur de s’exonérer de sa responsabilité en cas de congés payés non pris par un salarié.
- La charge de la preuve repose sur l’employeur
La cour d’appel avait dans un premier temps débouté le salarié au motif : « qu’il ne démontre pas avoir demandé à bénéficier du solde de ses congés non pris, ni s’être heurté à une quelconque opposition de la part du centre hospitalier qui les lui aurait refusés, ou l’aurait seulement dissuadé de les prendre ».
Une motivation qui revenait à faire peser sur le salarié la charge de la preuve du défaut de l’employeur. Ce qui est, en pratique, bien compliqué à établir pour un salarié face à son employeur surtout plusieurs années après (comme dans le cas d’espèce).
Dans un souci de protection de la santé et de la sécurité du salarié, et afin de préserver le droit au repos effectif du salarié, la Cour de cassation rappelle que c’est à l’employeur «de prouver qu’il a accompli les diligences qui lui incombent légalement » (3) Il est donc présumé responsable de la non prise de congés payés. Présomption simple, dont la preuve contraire peut toujours être apportée.
Cette interprétation a été confirmée par la Cour de cassation dans cet arrêt, en prenant appui sur une norme supra nationale : la Directive du 4 novembre 2003 (4), concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail et rappelle « qu’il appartient à l’employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé ».
(1) Article L. 3141-12 et L. 3141-14 du Code du travail
(2) Cass.soc. 31.05.78 Bull Civ. n°132
(3) Cass. soc., 13 juin 2012, n° 11-10 929
(4) Directive 2003/88/CE