Le recours à l’activité partielle en passe d’être assoupli

Cette publication provient du site du syndicat de salariés CFDT.

La Commission nationale de la négociation collective de l’emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP) a été saisie en urgence le 17 mars 2020. L’avis des partenaires sociaux a été sollicité sur un projet de décret relatif à l’activité partielle. Dans l’objectif de limiter les conséquences de la crise sanitaire liée au Covid-19 entraînant une forte baisse d’activité pour les entreprises, le projet de décret prévoit de modifier le dispositif d’activité partielle afin d’en faciliter l’accès et de réduire les montants laissés à la charge des employeurs. 

Faisons le tour des principales modifications qui devraient entrer en vigueur très prochainement… 

  • Une durée maximum de 12 mois

Aujourd’hui, l’autorisation d’activité partielle peut être accordée pour une durée maximum de 6 mois (et renouvelée sous conditions)(1). Le projet de décret prévoit d’augmenter cette durée. Ce dispositif pourrait désormais être accordé pour une durée maximum de 12 mois (renouvelables là encore). 

  • Une ouverture aux salariés en forfait annuel

Aujourd’hui, les salariés au forfait annuel en jours ou en heures ne peuvent bénéficier de l’indemnité d’activité partielle qu’en en cas de fermeture totale de l’établissement ou d’une partie de l’établissement dont ils relèvent(2). Une instruction ministérielle avait étendu ce bénéfice dès la 1ère demi-journée d’inactivité totale de leur établissement, service, équipe projet ou unité de production(3). 

Le projet de décret ouvre totalement le dispositif à ces salariés, qui pourront désormais bénéficier de l’indemnité d’activité partielle dans le cas d’une réduction de l’horaire de travail habituel de l’établissement. 

Cette ouverture est positive, dans la mesure où elle offre une protection supplémentaire aux salariés au forfait. Néanmoins, le texte ne précise pas à ce stade les modalités pratiques d’application de cette ouverture. Nous ne savons pas comment sera calculée l’indemnité d’activité partielle des salariés au forfait jour, pour lesquels la durée de travail n’est pas décomptée en heures, mais en jours… 

  • Un meilleur remboursement pour les entreprises

Aujourd’hui, l’employeur est tenu d’indemniser les salariés à hauteur d’au moins 70 % de leur rémunération brute, et même à 100 % en cas de formation pendant la période d’activité partielle. En revanche, il perçoit de l’Etat une indemnité forfaitaire(4). 

Avec le projet de décret, les employeurs bénéficieraient d’une allocation proportionnelle à la rémunération des salariés en lieu et place de l’allocation forfaitaire à laquelle ils peuvent prétendre aujourd’hui. Celle-ci serait fixée à 70 % de la rémunération horaire brute du salarié concerné (dans la limite de 70 % de 4,5 Smic). Ainsi, l’employeur serait intégralement remboursé de l’indemnisation versée au salarié. 

  • Plus de souplesse pour l’employeur

Le Code du travail prévoit les motifs de recours au dispositif d’activité partielle. L’employeur peut placer les salariés en activité partielle lorsque l’entreprise est contrainte de réduire ou de suspendre temporairement son activité pour l’un des motifs suivants : – la conjoncture économique ; 

– des difficultés d’approvisionnement en matières premières ou en énergie ; 

– un sinistre ou des intempéries de caractère exceptionnel ; 

– la transformation, restructuration ou modernisation de l’entreprise ; 

– toute autre circonstance de caractère exceptionnel.(5) 

En fonction du motif de recours à l’activité partielle, les formalités préalables ne sont pas identiques.  

En principe, l’employeur doit adresser au préfet du département où est implanté l’établissement concerné une demande préalable d’autorisation d’activité partielle (6). La décision d’autorisation ou de refus doit être notifiée à l’employeur dans un délai de 15 jours à compter de la date de réception de la demande. A défaut, la demande est considérée comme acceptée (7). 

Les textes prévoient déjà aujourd’hui une dérogation à cette demande préalable : en cas de suspension d’activité due à un sinistre ou à des intempéries, l’employeur n’est pas soumis à la demande préalable. Il dispose d’un délai de 30 jours pour adresser rétroactivement sa demande par tout moyen conférant date certaine (8). 

Le projet de décret vient assouplir davantage cette procédure de demande d’autorisation. 

Lorsque la demande d’activité partielle concerne plusieurs établissements de la même entreprise : une seule demande sera nécessaire. Elle s’adressera au préfet du département où se situe le siège de l’entreprise (à noter : cette nouvelle disposition ne s’appliquera qu’à compter du 15 avril 2020). 

Le bénéfice du délai de 30 jours (pour demander rétroactivement l’activité partielle) est étendu à la demande d’activité partielle pour circonstances de caractère exceptionnel. Cette extension permet donc en toute logique d’y intégrer le cas de la crise sanitaire que nous vivons actuellement. 

Dans le cadre d’une demande pour circonstance de caractère exceptionnel, le délai d’acceptation implicite de l’administration passe de 15 jours à 2 jours. Dans les circonstances actuelles liées à la crise sanitaire, il est fort probable que les demandes des entreprises ne puissent être traitées si rapidement par les services administratifs. En pratique, les demandes seront donc acceptées de manière implicite… 

  • Suppression du caractère préalable de l’avis du CSE

Aujourd’hui, pour les entreprises d’au moins 50 salariés, la démarche de l’employeur doit être précédée de la consultation du CSE (consultation sur les questions intéressant la marche générale de l’entreprise). La demande d’activité partielle doit nécessairement être accompagnée de l’avis du CSE. 

Au regard de la situation exceptionnelle relative au Covid-19, le Gouvernement a souhaité permettre que l’employeur puisse, en cas d’urgence, prendre des mesures conservatoires d’organisation du travail avant la consultation du CSE. 

C’est ainsi que le projet de décret permet à l’employeur de ne pas accompagner sa demande de l’avis du CSE. Il pourra uniquement préciser la date prévue de consultation du CSE. Dans ce cas, il disposera ensuite d’un délai de 2 mois à compter de la demande pour adresser cet avis. 

Si l’on peut comprendre le caractère d’urgence du recours à l’activité partielle dans le contexte actuel, notamment dans une situation où les annonces gouvernementales interviennent peu de temps avant leur effectivité, nous regrettons néanmoins que cette possibilité d’écarter la consultation préalable du CSE concerne tous les cas de recours au dispositif. 

Seules les situations d’urgence telles que nous en rencontrons aujourd’hui, ou autre évènement exceptionnel, justifient que l’employeur ne recueille pas l’avis préalable du CSE. En effet, les autres motifs de recours à l’activité partielle sont susceptibles d’être anticipés et permettent d’obtenir l’avis préalable. La CFDT n’a pas manqué de le faire savoir dans le cadre de la consultation de la CNNCEFP. 

  • Rien sur les travailleurs à domicile et les travailleurs indépendants !

Malgré les annonces gouvernementales sur l’extension d’un dispositif similaire à l’activité partielle au bénéfice des travailleurs à domicile, des assistantes maternelles ou des travailleurs indépendants, le projet de décret n’introduit rien à ce sujet. La CFDT continue de revendiquer l’ouverture de dispositifs de sécurisation de ces travailleurs. 

Nous pouvions penser que ces modifications, introduites dans un contexte exceptionnel, verraient leur application limitée dans le temps. En fait, il n’en est rien ! Le dispositif d’activité partiel est modifié de manière pérenne. Ces dispositions entrent en vigueur pour les heures chômées depuis le 1er mars 2020 et continueront vraisemblablement à s’appliquer lorsque la situation sera revenue à la normale…  

 

(1) Art. R.5122-9 C.trav. (ancien) 

(2) Art. R.5122-8 C.trav (ancien). 

(3) Documentation technique sur l’activité partielle (version de juillet 2015). 

(4) L’employeur peut prétendre au versement d’une allocation forfaitaire : 7,74 € par heure chômée par salarié pour les entreprises de moins de 250 salariés, 7,23 € pour les entreprises de plus de 250 salariés – art. R.5122-13 C.trav (ancien). 

(5) Art. R.5122-1 C.trav. 

(6) Art. R.5122-2 C.trav. 

(7) Art. R.5122-4 C.trav. 

(8) Art. R.5122-3 C.trav. 

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