Le préavis consécutif à un départ volontaire à la retraite du salarié peut-il être suspendu ?

Cet article a été initialement publié sur le site du syndicat : CFDT

 

Le préavis de démission ou de licenciement est en principe suspendu en cas de survenance d’un accident du travail. En est-il de même en cas de départ volontaire à la retraite ? Non, répond la Cour de cassation : lorsqu’un salarié a notifié à son employeur son départ à la retraite en respectant un préavis dont il a fixé le terme, le préavis n’est susceptible d’aucun report. Cass. soc. 25.05.16, n° 15-10637. 

  • Les faits

Les faits sont simples : embauché depuis 2007 par une entreprise de transport, le 30 septembre 2010, le salarié notifie à son employeur son intention de partir à la retraite en respectant un préavis dont il fixe le terme au 31 décembre 2010. Les choses se compliquent lorsque, dès le lendemain de cette notification, le salarié est victime d’une rechute d’un accident du travail survenu en 2008 et placé en arrêt de travail. Etant toujours en arrêt au 31 décembre, l’employeur lui fait parvenir ses documents de fin de contrat. Pour ce dernier, la relation de travail a bel et bien pris fin à cette date. Pour le salarié, il en est autrement. L’arrêt de travail aurait dû reporter le terme du préavis. Il saisit la juridiction prud’homale afin de faire juger que la rupture de son contrat de travail produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. 

La cour d’appel va dans le sens du salarié : elle considère que celui-ci n’a pas exécuté son préavis en raison de l’accident de travail et rappelle qu’au regard du Code du travail, quand un salarié démissionnaire est victime d’un accident de travail en cours de préavis, le contrat de travail est suspendu pendant toute la durée de l’arrêt jusqu’à la visite de reprise. Pour elle, l’employeur n’a pas respecté les règles protectrices des salariés accidentés du travail et a tout bonnement mis d’office le salarié à la retraite. La rupture est nulle. La société se pourvoit en cassation. 

La question posée à la Cour est la suivante : un arrêt de travail consécutif à un accident du travail suspend-il le préavis de départ à la retraite ?  

Non, selon la Cour de cassation qui, pour la première fois, refuse l’application des règles protectrices des victimes d’accident du travail et de maladie professionnelle. 

  • Les effets de la maladie sur le préavis

Pour rappel, lorsqu’un salarié souhaite partir à la retrait, il doit respecter un préavis dont la durée est la même que celle prévue dans le cadre d’un licenciement (1). Le principe veut que ce délai soit préfix, autrement dit il ne peut pas, en principe, être interrompu ou suspendu. Que le salarié soit malade, en grève, incarcéré pour des faits sans lien avec sa prestation de travail, le préavis se poursuit normalement jusqu’à son terme, sauf dispositions conventionnelles contraires. Toutefois, comme bien souvent, ce principe souffre d’exceptions : le préavis se poursuit, sauf en cas d’arrêt de travail consécutif à un accident du travail ou une maladie professionnelle. Dans ces hypothèses, le préavis est suspendu et doit être rallongé d’autant.  

En l’espèce, le salarié et la cour d’appel s’appuient sur cette exception pour considérer que le terme du préavis aurait dû être reporté. Quand bien même le salarié aurait émis le souhait, avant l’accident, de partir à la retraite, l’employeur a, en agissant ainsi, unilatéralement résilié le contrat de travail et mis d’office le salarié à la retraite. 

Si la jurisprudence a retenu cette solution dans le cadre d’une démission ou d’un licenciement (2), qu’en est-il dans le cadre d’un départ en retraite ? 

  • Une suspension non retenue, en l’espèce

Pour la Cour de cassation, dès lors qu’ « un salarié a notifié à son employeur son intention de partir à la retraite en respectant un préavis dont il a fixé le terme, le préavis donc l’exécution a été suspendue pendant la durée de l’arrêt de travail consécutif à un accident du travail n’est susceptible d’aucun report ». L’employeur pouvait donc considérer le contrat rompu au terme initialement fixé par le salarié. Après avoir rappelé que la rupture du contrat de travail résultait d’une volonté claire et non équivoque du salarié, la Cour justifie ensuite sa décision en se fondant sur le Code de la Sécurité sociale (3), en vertu duquel le service d’une pension de retraite est subordonné à la rupture de tout lien professionnel avec l’employeur. Autrement dit, la rupture du contrat de travail est une condition indispensable pour que le salarié puisse bénéficier de ses droits à la retraite. C’est donc à ce titre que l’employeur n’avait pas, y compris en cas d’accident du travail, à reporter le terme du préavis de départ à la retraite. 

Par cet arrêt, la Cour de cassation rejette l’application de l’exception au caractère préfix du préavis dans le cadre d’un départ volontaire à la retraite. Elle écarte par la même occasion l’application des dispositions protectrices applicables aux victimes d’accident du travail (4). Cette solution ne semble cependant pas avoir vocation à s’appliquer aux autres modes de rupture, pour lesquels le préavis sera bien suspendu pendant la durée de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle. 

 

 

(1) Art. L. 1237-9 C.trav. (2) Cass. soc. 18.07.96, n°93-43581. (3) Art. L. 161-22 C. Sécurité sociale : « Le service d’une pension de vieillesse prenant effet postérieurement au 31 mars 1983, liquidée au titre d’un régime de retraite de base légalement obligatoire, et dont l’entrée en jouissance intervient à compter d’un âge fixé par décret en Conseil d’Etat, ou ultérieurement, est subordonné à la rupture de tout lien professionnel avec l’employeur ou, pour les assurés exerçant une activité non salariée relevant du ou desdits régimes, à la cessation de cette activité. (…) ». (4) Art. L. 1226-9 C.trav. 

 

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