La Cour de Justice de l’Union Européenne a rendu une décision importante sur la notion d’exercice normal d’une activité salariée. Elle nous éclaire ainsi sur une notion ambigüe.
C’est sur une affaire impliquant un individu ayant une activité salariée à la fois en Belgique et aux Pays-Bas.
La notion d’activité salariée à clarifier
Au cours de l’année 2009 un travailleur a partagé son temps de travail, pour le même employeur, entre la Belgique, son pays de résidence, et les Pays-Bas où la majorité de l’activité était réalisée dans les locaux de l’entreprise ou chez des clients. En Belgique les missions étaient principalement exécutées au domicile du salarié. Se posait alors la question de la législation sociale applicable à ce travailleur pour l’année 2009.
L’article 13 du Règlement européen relatif à l’application des régimes de sécurité sociale pose le principe selon lequel une personne résidant sur le territoire d’un Etat membre mais travaillant sur le territoire d’un autre Etat doit être soumise à la législation sociale de l’Etat d’emploi. L’article suivant formule quant à lui une exception : la personne travaillant sur le territoire de plusieurs Etats membres doit être soumise à la législation de son Etat de résidence, à condition qu’elle y exerce normalement une activité salariée.
Dans cette affaire, le travailleur n’avait accompli pour l’année 2009 que 6,5% de sa durée totale de travail en Belgique, soit 121 heures sur 1 872, principalement à son domicile et chez des clients, sans que cela ait fait l’objet d’un accord de l’employeur. Dès lors, pouvait-il s’agir de l’exercice normal d’une activité salariée justifiant l’application de la législation belge au lieu de celle des Pays-Bas ?
Cette solution avait été rejetée par les juges néerlandais, l’activité réalisée en Belgique ayant un caractère purement ponctuel selon eux. Par conséquent, le travailleur devait se voir appliquer la législation sociale néerlandaise, conformément à l’article 13 du règlement européen. Le doute persistant malgré tout sur la notion d’exercice normal d’une activité salariée, la Cour suprême des Pays-Bas sollicita l’interprétation de la Cour de Justice de l’Union Européenne.
La CJUE préconise une étude au cas par cas
Loin de donner une définition claire de la notion, la Cour préconise l’appréciation d’éléments factuels tels que la durée des périodes de travail considérées, la nature des missions exécutées, la réalité de ce travail ou encore les dispositions du contrat de travail.
Suivant les conclusions de l’Avocat Général, pour qui l’activité considérée doit être habituelle et les missions accomplies significatives, elle souligne que des missions exercées ponctuellement ne peuvent correspondre à l’exercice normal d’une activité salariée. A titre d’exemple, elle rappelle une solution de 1995 dans laquelle le juge européen avait considéré que l’activité accomplie sur le territoire de l’Etat de résidence du salarié, à hauteur de 10 heures par semaine, correspondait à l’exercice normal d’une activité, en raison de sa régularité et de la nature des missions effectuées.
Or dans cette affaire, l’activité réalisée en Belgique est relativement marginale. Limitée dans sa durée (seulement une année, et pour 6,5% de la durée totale de travail du salarié), dans sa nature (mailing et rendez-vous client) elle n’avait de surcroit pas été envisagée dans le contrat de travail. La Cour considère donc que cette activité ne correspond pas à l’exercice normal d’une activité salariée et, donnant raison aux juridictions des Pays-Bas, confirme l’application de la législation sociale néerlandaise. Elle conclue ainsi que le travailleur ne peut pas être considéré comme exerçant une activité sur le territoire de deux Etats membres.
Il ressort de cette décision que si un travailleur exerce une activité sur le territoire de plusieurs Etats membres, cette seule réalité ne suffit pas à écarter l’application de l’article 13 du règlement européen. Il convient en effet de rester vigilant à la nature de l’activité réalisée, aux périodes de travail ainsi qu’aux dispositions du contrat de travail à ce sujet.