Le conseil, laboratoire d’un dialogue social version “Lois Travail”

Dans le conseil, on met un point d’honneur à ne pas être en retard d’une innovation. Aussi, lorsqu’il s’agit d’adapter les conditions du dialogue social de branche à la loi El Khomri ainsi qu’à la future loi Travail, on n’hésite pas à faire preuve d’audace et d’anticipation. De fait, la branche s’impose comme un laboratoire d’un dialogue social plutôt rugueux et, dans l’ensemble, peu productif. 

Un accord salaires mal né

A première vue, l’accord de revalorisation des minima salariaux qui vient d’être signé dans le conseil semble généreux. Un premier coefficient revalorisé de 3,8 %, des hausses de 2 % pour les coefficiens ETAM et de 1,5 % pour les coefficients cadres et ingénieurs : peu de branches peuvent s’enorgueillir de tels taux ! Encore faut-il, certes, préciser, que ces hausses font suite à trois années sans accord salarial. Surtout, si la hausse du premier coefficient ETAM lui permet de se distinguer quelque peu du SMIC, en revanche, le premier coefficient cadre continue pour sa part de s’éloigner du PMSS. Ainsi, d’après les calculs de la CGT, “en 2008, le salaire minimum IC représente 65,22% du PMSS et en 2017, il n’est plus qu’à 59,6 %”. La CGT parle ici de “cadres low cost”. 

Ces différents éléments expliquent sans doute que l’accord salarial proposé par les représentants patronaux n’a guère suscité l’enthousiasme des représentants des salariés. Seules la CFDT et la CFTC l’ont signé. FO, traditionnellement peu turbulente dans le conseil, mais également la CFE-CGC, ont adopté la même ligne que la CGT, critiquant le projet patronal et refusant de le signer. En d’autres termes, la négociation sur les salaires, censée relancer la branche après les développements paritaires malheureux – évoqués dans nos colonnes – relatifs au forfait-jours et au forfait-hebdomadaires, n’a pas précisément atteint son objectif. Au contraire, elle n’a pas rassuré les représentants des salariés quant à la manière dont le Syntec et le Cinov conçoivent la branche. 

Des discussions vagues

Leur sentiment est renforcé par la manière dont sont menées les autres discussions qui mobilisent actuellement les négociateurs du conseil. Ainsi, comme toutes les branches qui entendent se maintenir comme lieux de négociations paritaire, les bureaux d’études doivent instituer une commission paritaire de négociation et d’interprétation, ainsi qu’un ordre public conventionnel. Or, d’après la CGT, le Syntec et le Cinov ne sont pas particulièrement pressés de le faire : sans cesse reportée, la négociation d’un tel accord pourrait n’avoir lieu qu’à la fin de l’année. De la même manière, les négociateurs de branche viennent de décider de se saisir à nouveau de l’enjeu des risques psycho-sociaux. S’il avait donné lieu à un accord signé en 2013, il n’avait été appliqué qu’avec grande modération. 

Afin de resserrer les boulons mal vissés de leur partenariat social, les représentants de la branche ont été invités par le Syntec et le Cinov à participer, prochainement, à un “séminaire de branche”, d’après les termes de la CGT. Y seront évoqués divers sujets liés à l’avenir de la profession et de la branche. Entre autres débats, celui des rapprochements de la branche du conseil avec d’autres branches devrait être abordé. Or, d’après nos informations, les représentants patronaux ont avancé des pistes de branches pouvant être rapprochées de celle du conseil qui ont laissé perplexes les représentants des salariés. “On nous a parlé des cabinets d’études et de l’événementiel, qui sont déjà dans la CCN Syntec, et de la publicité, qui est une grosse branche ayant sa dynamique propre” s’étonne franchement l’un d’entre eux. 

Une branche débranchée ?

Dans le cas d’une branche de quelques milliers de salariés, ces faits divers paritaires ne porteraient guère à conséquences. Ils pourraient même, pour les initiés, constituer un sujet d’amusement relatif. Hélas, la branche du conseil ne fait pas partie de ces petites branches amenées, en l’occurrence au bénéfice des salariés, à être fusionnées à d’autres par la DGT. Rappelons qu’en France, les cabinets d’études et sociétés de conseils emploient plus de 800000 salariés et forment donc une branche d’activité majeure. L’orientation actuelle de son dialogue social de branche doit dès lors retenir l’attention, dans la mesure où il est plausible qu’elle crédibilise et encourage une redéfinition version “lois Travail” des prérogatives et du mode de fonctionnement de nombreuses branches d’activité.  

Du point de vue des responsables du Syntec et du Cinov, un tel débranchement de la branche présente l’avantage de leur permettre de s’ériger en porte-paroles, sinon en exemples, d’un patronat ouvertement libéral, ayant su se dégager de certains de ses engagements sociaux les plus contraignants. Lorsque l’on entend peser dans les débats internes au Medef, ceci est loin d’être négligeable. Dans une telle configuration, tout indique que les salariés du conseil ne sont pas près de pouvoir compter sur les fruits du dialogue social qui se tient au niveau de la branche. 

Ajouter aux articles favoris

Conformité CCN en santé

Pour vous aider à gérer la conformité CCN de vos offres "santé standard", profitez de notre outil en marque blanche gratuitement en 2023. L'outil vous permettra de savoir, en un clic, le niveau de votre offre compatible avec la CCN que vous aurez sélectionnée. L'outil en marque blanche est relié à la base de données CCN de Tripalio, juridiquement certifiée et mise à jour en temps réel. Il bénéficie de notre algorithme de comparaison qui détecte les non-conformités du contrat santé standard.
Demandez votre outil
0 Shares:
Vous pourriez aussi aimer
Lire plus

ACPR : en 2023 le ratio combiné de l’assurance santé diminue

L'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) publie son étude sur la situation des organismes d'assurance soumis à la directive Solvabilité II en 2023. La situation a tendance à être favorable en général mais un focus sur la couverture santé montre que cette activité reste sur la corde raide après quelques années très compliquées depuis la crise sanitaire. ...
Lire plus

Esat : le décret tant attendu reste absent du dernier JO du gouvernement Attal

Les organismes complémentaires d'assurance maladie (Ocam) qui proposent des contrats d'assurance santé aux établissements ou services d'aide par le travail (Esat) vont être déçus. Le décret censé préciser les derniers détails de la complémentaire santé collective en faveur des travailleurs handicapés est absent du dernier Journal officiel du gouvernement Attal. ...

Le Groupe VYV remporte l’appel d’offres d’Erasmus+

L'agence Erasmus+ France vient de retenir la proposition du Groupe VYV, parmi un total de 6 dossiers reçus, pour assurer sa complémentaire santé collective. D'une valeur de près de 3 M€, le marché a été conclu le 13 juin 2024. Sa durée prévisible est de 6 ans avec une entrée en vigueur rétroactive au 1er juin 2024 d'après l'appel d'offres initial. Retrouvez l'...
Lire plus

Les garanties santé dynamiques de la nouvelle CCN de l’évènementiel

La toute jeune convention collective nationale (CCN) unifiée des entreprises au service de la création et de l'évènement améliore significativement les garanties santé au bénéfice des salariés. Toujours identifiée sous l'IDCC 2717, cette convention rassemble également les entreprises couvertes initialement par les CCN relevant des IDCC ...
habillement et mercerie
Lire plus

Frais de santé : le commerce de gros de l’habillement, mercerie et jouet rehausse ses cotisations

Il y a quelques jours, nous faisions état de la parution d'un avis d'extension d'un avenant frais de santé récemment signé dans la CCN du commerces de gros de l'habillement, mercerie, chaussure et jouet. Comme nos lecteurs pourront le constater en prenant connaissance de cet avenant, reproduit en fin d'article, il porte sur une hausse des cotisations au régime conventionnel...

Les Affaires Sociales veulent étudier le rapport des retraités à la CSS

Le ministère du Travail, de la Santé et des Solidarités, ainsi que le ministère des Sports et des Jeux Olympiques et Paralympiques viennent de lancer un appel d'offres portant sur la réalisation d'une étude relative au rapport que les retraités à faibles ressources entretiennent avec la complémentaire santé solidaire (CSS). L'appel d'offres est disponible sur le portail internet des marchés publics et les réponses sont attendues avant le 10 septembre prochain. Plus de détails : ...