Le congé maternité ne donne pas droit au versement de toutes les primes

Cet article provient du site du syndicat de salariés CFDT

 

Sous couvert de jurisprudence européenne en la matière, la Cour de cassation juge que n’est pas victime de discrimination une salariée qui, du seul fait de son congé maternité, n’a pas perçu une prime, dès lors que celle-ci est expressément subordonnée à la participation effective à une activité de l’entreprise et répond à des critères d’attribution objectifs, mesurables et licites. Cass.soc.19.09.18, n°17-11618. 

  • Faits, procédure

Un protocole de fin de conflit prévoit le paiement d’un bonus de coopération destiné à rémunérer l’activité des salariés devant coopérer avec les équipes envoyées par le siège italien en vue de leur transmettre le savoir-faire français. 

Durant son congé maternité, une salariée se voit suspendre le paiement de ce bonus. Pour l’employeur en effet, elle ne répondait plus, du fait de son absence, aux critères de fixation de cette prime. La salariée décide de saisir le conseil de prud’hommes afin d’obtenir un rappel de salaire et une indemnité pour discrimination. Elle soutient qu’elle ne peut, du seul fait de sa grossesse, subir une baisse de rémunération ni être exclue du versement d’une prime (1). 

Les juges du fond donnent malgré tout raison à l’employeur, tout en précisant que la salariée a perçu 100 % de son salaire de base mensuel prévu par la Convention collective. Un pourvoi en cassation est alors formé.  

  • La suspension d’une prime liée à l’exercice de fonctions spécifiques est admise durant le congé maternité

La Cour de cassation va dans le sens des juges du fond. Elle admet que certaines primes puissent être exclues de la rémunération, sans pour autant que cela porte atteinte à la protection de la salariée en congé maternité. 

Toutefois, dans son attendu de principe, la Haute Cour conditionne sa décision à la spécificité de cette prime : 

– elle était bien subordonnée à la participation active et effective des salariés aux activités de transfert et de formation continue des équipes italiennes en France ; 

et 

– elle répondait à des critères de fixation et d’attribution objectifs, mesurables et licites

Comme le souligne la Cour de cassation, cette prime visait à récompenser le service rendu des salariés. La salariée, du fait de son absence, ne remplissait donc plus les critères d’attribution pour que lui soit versée sa prime, peu important que ce fût en raison d’un congé maternité. 

A l’inverse, si les conditions de versement de la prime avaient été autres, sa suspension durant un congé maternité aurait certainement été jugée discriminatoire

  • Une décision en accord avec la jurisprudence européenne et interne

La Cour de cassation s’appuie expressément sur la jurisprudence européenne en la matière, et plus spécifiquement sur l’article 11.2 de la directive 92/85/CE du 19 octobre 1992 concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes. Cet article impose le « maintien d’une rémunération » pour la salariée partie en congé maternité. La Cour de justice de l’Union européenne a de nombreuses fois jugé que cela ne signifiait pas que la rémunération devait être intégrale au même titre que lorsque la salariée occupe son poste de travail (2). 

Par ailleurs, en droit interne, la jurisprudence admet la possibilité de subordonner le paiement de primes à l’accomplissement effectif d’un travail ou à la présence du salarié dans l’entreprise. Par exemple, il a été jugé qu’un accord collectif puisse tenir compte des absences même dues à la maladie ou à la grossesse pour le paiement d’une prime, à la condition toutefois que toutes les autres absences qui ne sont pas assimilées à du temps de travail effectif entraînent les mêmes conséquences (3). 

  • Une décision regrettable et à contre-courant

Cette décision ne s’inscrit clairement pas dans le mouvement actuel visant à promouvoir l’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes. Or cet écart, rappelons-le, trouve souvent son origine dans la prise d’un congé maternité. 

A notre sens, la salariée est bel et bien ici victime d’une discrimination indirecte, puisque le congé maternité est un congé légal obligatoire. Cet arrêt est donc regrettable et n’envoie pas un signal positif aux femmes, pour lesquelles, bien souvent, le congé maternité constitue un frein à leur carrière professionnelle.  

 

(1) Art. L.1132-1, L.1142-1 et L. 1225-16 C.trav. 

(2) CJUE du 14.07.16 aff.C-335/15. 

(3) Cass.soc. 01.12.16, n°15-24693. 

Ajouter aux articles favoris
Please login to bookmark Close
0 Shares:
Découvrez nos analyses et capsules vidéos
Lancer la vidéo

Le pouls des CCN #1 : le régime santé de la CCN Syntec

Lancer la vidéo

Webinaire Tripalio #2 : Le point sur les catégories objectives dans les CCN

Lancer la vidéo

Le pouls des CCN #5 : l'actualité des CCN Syntec, chimie, sécurité sociale

Lancer la vidéo

Le pouls des CCN #4 : zoom sur le médico-social non lucratif

Vous pourriez aussi aimer

France compétences accueille un nouveau membre

Le conseil d'administration de France compétences accueille un nouveau membre par arrêté ministériel. Il s'agit de Julien Bodin qui devient membre suppléant, en tant que représentant du ministre du budget, à la place d'Olivier Dufreix. Cliquez ici pour retrouver l'arrêté complet. ...

Avis d’extension d’un avenant à la CCN des cabinets ou entreprises d’expertises en automobile

Le ministre du travail et des solidarités, envisage d’étendre, par avis publié le 14 novembre 2025, les dispositions de l'avenant n° 93 du 19 juin 2025 relatif au financement de la fonction tutorale dans le cadre de la formation professionnelle, conclu dans le cadre de la convention collective nationale des cabinets ou entreprises d’expertises en automobile du 20 novembre 1996 (...

Avis d’extension d’un accord conclu dans la CCN de l’industrie de la chaussure

Le ministre du travail et des solidarités, envisage d’étendre, par avis publié le 14 novembre 2025, les dispositions de l'accord du 9 octobre 2025 relatif à la mise en œuvre de mesures urgentes en faveur de l'emploi et de la formation professionnelle, conclu dans le cadre de la convention collective nationale de l’industrie de la chaussure et des articles chaussants actualisée du 7 mars 1990 (...

Avis d’extension d’un avenant frais de santé dans la CCN des entreprises artistiques et culturelles

Le ministre du travail et des solidarités, envisage d’étendre, par avis publié le 14 novembre 2025, les dispositions de l'avenant du 24 avril 2025 relatif à la révision de l'art. XII.2.1.8 « Cotisations » concernant le régime complémentaire de frais de santé dans la branche des entreprises artistiques et culturelles du 1er janvier 1984 (IDCC...