Le comité d’entreprise peut-il forcer l’exécution d’un accord collectif ?

Cet article est paru initialement sur le site du syndicat de salariés FO.

 

La chambre sociale de la Cour de cassation vient de réaffirmer que le comité d’entreprise n’a pas qualité pour intenter une action visant à l’application d’une convention collective. Cette action est réservée aux organisations qui ont le pouvoir de conclure une convention ou un accord collectif de travail. 

En vertu de l’article L. 2262-12 du code du travail, chaque salarié dispose, dans le cadre d’un litige individuel, d’un droit d’agir en justice pour obtenir de l’employeur le respect des engagements résultant d’un accord collectif. 

Les organisations syndicales disposent également de moyens de recours lorsqu’elles ne sont pas signataires d’un accord. Elles disposent d’une action de substitution qui leur permet d’agir au nom de leurs membres liés par un accord (art. L. 2262-9 du code du travail). La jurisprudence a également admis une action visant à réclamer l’exécution des engagements résultant d’un accord collectif en agissant sur le terrain de la défense d’un intérêt collectif de la profession (art. L. 2132-3 du code du travail ; Cass. soc., 3-5-07, n°05-12340 ; Cass. soc., 11-6-13, n°12-12818). 

Lorsqu’elles sont signataires de l’accord en cause, elles peuvent intenter, en leur nom propre, toute action visant à obtenir l’exécution des engagements contractés avec l’employeur ou à défaut des dommages et intérêts (art. L. 2262-11 du code du travail). 

Le comité d’entreprise revendiquait, dans l’affaire qui a donné lieu à la décision de la Cour de cassation, le pouvoir d’agir dans le cadre d’une action en exécution de la convention. En l’espèce, en raison d’une fusion entre deux sociétés relevant de conventions collectives différentes, le comité d’entreprise et un syndicat ont intenté une action en justice pour faire appliquer la convention collective Syntec du 15 décembre 1987 et permettre aux salariés arrivants de bénéficier des avantages conventionnels y étant attachés. L’employeur refusait d’appliquer ladite convention considérant que la société absorbée relevait de la convention collective nationale des commerces de détail de papeterie, fournitures de bureau, de bureautique et informatique et de librairie du 15 décembre 1988. 

La cour d’appel avait jugé l’action du comité d’entreprise irrecevable. Au soutien de son pourvoi, le comité fait valoir qu’il avait un intérêt à agir, dès lors que la question soumise avait une incidence sur la masse salariale qui sert au calcul de la subvention de fonctionnement et de la contribution aux activités sociales et culturelles. 

Le moyen n’est pas retenu par la Cour de cassation qui juge l’action irrecevable dans un arrêt rendu le 17 novembre 2015. Elle considère que les dispositions qui ouvrent une action en justice aux « organisations ou groupements ayant capacité d’ester en justice, liés par une convention ou un accord collectif de travail, [leur permettant], en leur nom propre, [d’] intenter contre toute personne liée par la convention ou l’accord, toute action visant à [en] obtenir l’exécution (…) et, le cas échéant, des dommages et intérêts, (…) ne concerne pas les comités d’entreprise » et ne leur donne pas qualité pour agir (Cass. soc., 17- 11-15, n°14-13072). 

La Cour de cassation s’inscrit dans une jurisprudence constante qui affirme que le comité d’entreprise ne tient d’aucune disposition légale le pouvoir d’exercer une action en justice au nom des salariés, de sorte qu’il ne peut se prévaloir des actions susvisées (Cass. soc., 18-3-97, n°93-43989 ; Cass. soc., 20-9-06, n°04-10765). En effet, le comité d’entreprise n’est ni partie à l’accord collectif, ni signataire de celui-ci et n’en tire ainsi aucune qualité pour agir dans le but d’obtenir l’exécution des engagements contractés. Et ce, quand bien même l’accord aurait une incidence sur la masse salariale (Cass. soc., 2-3-11, n°10-13547). 

La Cour de cassation apprécie strictement le droit d’agir pour obtenir l’exécution des engagements prévus dans un accord collectif. Du point de vue de l’action du comité d’entreprise d’une part, en refusant de lui reconnaitre la qualité à agir et de l’action du syndicat d’autre part, dont la Haute Cour contrôle la recevabilité. En effet, elle vérifie que l’action porte bien sur l’application d’une convention collective à l’ensemble du personnel et non sur le paiement de sommes déterminées à des personnes désignées. 

Obtenir de l’employeur l’exécution des engagements qu’il a contractés en justice est donc une action très encadrée et strictement contrôlée. 

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