Le chômage, fléau du siècle. Les chiffres du chômage, notre prière quotidienne. Jamais un gouvernement n’avait développé une telle religion de la statistique: la fameuse inversion de la courbe est une pluie que l’on implore chaque mois avec force danses tribales et simagrées à gri-gris. Et Mazal’Tov! la courbe aurait baissé ce mois-ci de 60.000 chômeurs.
Comme cela m’arrive régulièrement (mais, n’étant pas religieux ni complètement superstitieux, pas tous les mois), je livre donc mon petit commentaire sur les chiffres du chômage.
Combien de chômeurs en moins?
Rappelons d’abord que la baisse de 60.000 chômeurs porte sur la catégorie A, c’est-à-dire les demandeurs d’emploi inscrits et tenus de chercher un emploi. Ils étaient, fin mars, 3,531 millions, contre 3,591 millions un mois auparavant. Il y a un an, ils n’étaient “que” 3,514 millions. Autrement dit, la forte baisse du mois ne gomme pas la hausse du chômage en un an.
Une forte hausse des premières entrées
Comme toujours, la question principale est de savoir pour quelle raison le chômage a baissé. Sur ce point, deux chiffres (donnés, malheureusement, avec moins de précisions qu’auparavant par la DARES) sont annonciateurs de mauvaises nouvelles. D’une part, les fins de contrats à durée déterminée ont fortement baissé (-5,3% par rapport à l’an dernier), pendant que les premières entrées explosaient (+17%). La baisse du chômage n’empêche pas sa hausse parmi les “insiders”.
Le développement des stages pour inverser la courbe
Mais la véritable explication de la “baisse du chômage” est à chercher dans la “formation” des chômeurs annoncée à grands cris par François Hollande durant l’automne. En trois mois, les entrées en stage (donc les “sorties” des files d’attente) ont augmenté de 10%, pendant que les reprises d’emploi déclarées ne progressaient que 1%. Le mois dernier, 50.000 demandeurs d’emplois sont entrés dans un stage qui leur permet d’échapper à la comptabilité de la catégorie A.
Les “défauts d’actualisation” (qui peuvent cacher une reprise d’emploi aussi bien qu’une fin de droit) ont pour leur part concerné 225.000 personnes, soit une hausse de 8% en trois mois.
Le taux d’emploi reste bas
Mais, comme toujours et redisons-le, ces chiffres sont friables et ne concernent qu’une partie minoritaire des demandeurs d’emplois, dont beaucoup ne sont pas indemnisés.
Le chômage endémique qui touche la France explique que le taux d’emploi des Français entre 20 et 64 ans stagne à 70% quand il atteint 76,5% en Allemagne. Signalons là encore que seulement 66,5% des Françaises entre 20 et 64 ans ont un emploi, alors que la très conservatrice Allemagne a porté ce taux à 73,6%.