L’annulation de rupture conventionnelle peut obliger le salarié à rembourser son employeur

Cet article a été initialement publié sur le site du syndicat de salariés CFDT.

Lorsqu’une rupture conventionnelle est annulée par le juge, cela produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Pour la première fois, la Cour de cassation affirme que l’employeur peut, dans cette hypothèse, demander au salarié de lui rembourser l’indemnité de rupture conventionnelle versée. Cass.soc. 30.05.18, n°16-15273. 

  • Les faits

Embauchée depuis 2002 en qualité d’opératrice de production, la salariée signe une rupture conventionnelle avec sa direction le 20 mai 2009. Estimant que son employeur avait conclu cette convention en vue de contourner les règles en matière de plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), la salariée saisit la juridiction prud’homale. 

Elle demande la nullité de la convention et réclame le paiement de diverses sommes au titre de la rupture du contrat. 

Mais alors qu’elle obtient des juges du fond la nullité de la rupture conventionnelle et le versement par la société d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, elle se voit elle-même condamnée à rembourser les sommes qu’elle avait perçues de son employeur au titre de la rupture conventionnelle. 

La salariée conteste et se pourvoit en cassation. 

Lorsqu’une rupture conventionnelle est annulée par les juges, la rupture du contrat produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Si le salarié ne peut être réintégré, il peut en revanche prétendre à certaines indemnités, notamment : une indemnité compensatrice de préavis, une indemnité conventionnelle de licenciement, déduction de celle versée au titre de la rupture conventionnelle, une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ou des dommages et intérêts pour licenciement abusif. 

  • L’obligation de restituer les sommes perçues au titre de la RC

La salariée soulève plusieurs arguments pour contester la décision de la cour d’appel : 

– d’une part, la nullité de la RC ne remet pas les parties en l’état dans lequel elles se trouvaient avant. La rupture est bien consommée, il n’y a pas de réintégration alors même que la rupture est finalement imputable à l’employeur. On ne pouvait donc pas lui demander de restituer les sommes qu’elle avait perçues au titre de la rupture conventionnelle ; 

– ensuite, le principe de la réparation intégrale du préjudice veut que l’indemnité accordée au salarié soit appréciée à l’exacte mesure du dommage subi, il ne devrait en résulter pour la victime ni perte ni profit. Plutôt que de la condamner à restituer les sommes perçues, la cour d’appel aurait donc dû rechercher si ces sommes ne pouvaient pas faire office de dommages-intérêts en raison d’une nullité qui ne lui était finalement pas imputable et qui lui portait préjudice. 

Mais la Cour de cassation n’approuve pas ce raisonnement : après avoir rappelé que la nullité d’une rupture conventionnelle produisait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, elle affirme que la nullité « emporte obligation à restitution des sommes perçues en exécution de cette convention ». Les sommes qui avaient été versées à la salariée au titre de la rupture conventionnelle n’étaient donc pas dues et devaient être remboursées à l’employeur. 

On ne peut s’empêcher de faire le parallèle avec la solution retenue en matière de CDD et d’indemnité de précarité. En effet, en cas de requalification d’un CDD en CDI après son terme, le salarié n’a pas à restituer l’indemnité de fin de contrat qu’il a déjà perçue (1). 

Pourtant, finalement le salarié est aussi peu responsable du recours abusif au CDD que de la nullité d’une rupture conventionnelle causée par une tentative par l’employeur de contournement des règles propres au licenciement économique. 

C’est dans ce sens, que la solution retenue ici peut laisser un peu perplexe et susciter une inquiétude. 

 

(1) Cass.soc.30.03.05, n°03-42667. Idem pour le salarié temporaire qui obtient la requalification de son contrat auprès de l’utilisateur (Cass.soc.13.04.05 n°03-41967). 

Ajouter aux articles favoris
Please login to bookmark Close
0 Shares:
Vous pourriez aussi aimer

L’EIOPA accueille son nouveau directeur exécutif

Le conseil d'administration de l'Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (AEAPP ou EIOPA en anglais) vient de nommer son nouveau directeur exécutif. C'est Damian Jaworski qui est nommé à ce poste. Il doit encore être confirmé par le Parlement européen avant de prendre ses fonctions le 1er avril 2026. D'après le ...
Lire plus

L’Insee nous dit tout sur les seniors en perte d’autonomie à l’horizon 2070

La courbe démographique en France ne cesse de marquer le vieillissement de la population, entrainant par la même occasion l'augmentation du nombre de seniors en situation de perte d'autonomie. L'Insee et la Drees publient une étude commune qui montre que cette croissance sera forte jusqu'aux années 2045-2050 avant une stagnation à l'horizon des années 2070. ...

L’examen du PLFSS 2026 reporté au lundi 27 octobre

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 (PLFSS 2026) devait être examiné en commission des affaires sociales à partir du jeudi 23 octobre 2025. Mais une lettre rectificative concernant l'insertion de la suspension de la réforme des retraites dans le texte impose de revenir à zéro. Le tout nouveau PLFSS 2026 doit donc être réexaminé en conseil des ministres et redéposé à l'Assemblée nationale. Conséquence directe : tout le processus est à...