Bien que, comme tout le monde le sait, les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent, il nous a semblé utile de revenir sur les programmes de M. Emmanuel Macron et de Mme Marine Le Pen dans le domaine de la protection sociale. Nous nous penchons aujourd’hui sur le projet de M. Macron. Il apparaît dicté par un souci d’étatisation systématique des régimes sociaux.
L’assurance chômage reprise en main
En matière de protection sociale, les deux mesures-phares de M. Macron concerne le chômage et la retraite. Dans le premier cas, le candidat propose d’abord d’ouvrir “les droits à l’assurance-chômage aux salariés qui démissionnent”. Il précise que “ce droit ne sera utilisable qu’une fois tous les cinq ans” et que “l’insuffisance des efforts de recherche d’emploi ou le refus d’offres raisonnables entraîneront la suspension des allocations”. Emmanuel Macron entend en outre permettre “à tous les travailleurs”, c’est-à-dire non plus seulement aux salariés mais aussi aux indépendants, de bénéficier de l’assurance chômage. Ces mesures pourraient être financées par un “bonus-malus” pénalisant les entreprises ayant le plus recours aux contrats très courts.
Une telle remise à plat de l’assurance chômage a toutes les chances de déplaire aux partenaires sociaux. Qui a oublié que, très récemment encore, ils ont échoué à s’entendre sur un système de pénalisation financière des contrats courts ? On imagine en outre mal les dirigeants patronaux être très enthousiastes à l’idée de voir les salariés démissionnaires se faire indemniser par l’Unedic. Afin d’appliquer son programme, M. Macron n’aura donc pas d’autre choix que celui de prendre le contrôle de l’assurance chômage.
L’assurance retraite unifiée
Au sujet de la retraite, l’ancien ministre de l’Economie et des Finances préconise la mise en place d’un “système universel avec des règles communes de calcul des pensions”. Il serait fondé sur “un principe d’égalité” : “pour chaque euro cotisé, le même droit à pension pour tous”. Emmanuel Macron le promet : ce nouveau régime fonctionnant selon la logique d’un régime par points ne conduira à une remise en cause ni de “l’âge de départ à la retraite” actuel ni du “niveau des pensions”.
Une telle unification des régimes de retraite appelle probablement une annexion des régimes complémentaires par les pouvoirs publics. Dès lors que tous les régimes obligatoires fonctionneront en points et selon les mêmes règles d’attribution des points, il sera en effet difficile, pour les partenaires sociaux, de rendre compte du maintien de régimes conventionnels autonomes.
La santé administrée
Dans le domaine de la santé, le chef d’En Marche ! avance plusieurs principes qui reviennent à mettre le secteur sous administration publique stricte. Il juge opportun de consolider l’environnement juridique de certains aspects privés liés à la santé. Il veut ainsi instaurer “la prise en charge à 100% des lunettes et des prothèses auditives et dentaires d’ici 2022, en lien avec les mutuelles et l’ensemble des professionnels de santé”. Les jeunes actifs apprécieront… Les assureurs également ! Il souhaite en outre améliorer “le droit à l’oubli pour les personnes ayant été malades”, précisant notamment : “au moment de souscrire un emprunt ou un contrat d’assurance, les malades de cancers et de l’hépatite C n’auront plus à le mentionner dès 5 ans après leur rémission (contre 10 ans aujourd’hui)”. Une redéfinition des risques à la hussarde…
Parallèlement à ces interventions accrues dans des activités privées liées à la santé, Emmanuel Macron propose d’investir “5 milliards d’euros” d’argent public dans “la transformation de notre médecine de ville et de nos hôpitaux”. Ceci contribuera sans doute à atteindre son objectif de “doubler le nombre de maisons de santé”, afin de “lutter contre les déserts médicaux”. Gageons que cet argent dépensé doit permettre aux pouvoirs publics de renforcer leur mainmise sur l’organisation des soins.
Quelques menues dépenses
Puisqu’il est question de menues dépenses publiques, relevons que M. Macron promet des améliorations des minima sociaux. Il estime nécessaire de réévaluer “le minimum vieillesse de 100 euros par mois” – pour mémoire, il s’élève aujourd’hui à 803 euros pour une personne seule et 1247 euros pour un couple. Il assure d’autre part que l’allocation adulte handicapé (AAH) sera augmentée de “100 euros par mois” – pour rappel, l’AAH s’élève aujourd’hui à environ 811 euros. Enfin, il promeut l’institution d’un “versement social unique”, qui regroupera “les allocations sociales (APL, RSA…)” et qui sera effectif un “trimestre maximum après la constatation des revenus (contre jusqu’à 2 ans aujourd’hui)”.
Un financement par le Budget
Si l’on conçoit sans difficulté que ces diverses propositions risquent d’avoir un coût certain, il est plus difficile de comprendre comment M. Macron compte les financer. Certes, il prétend vouloir lutter “contre les abus liés au travail détaché”. Mais c’est surtout en matière de réduction des cotisations sociales que son programme est le plus précis. Il promet d’une part de “rétablir les exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires”. D’autre part, il veut diminuer “les cotisations sociales employeurs de 6 points en remplacement du CICE, et jusqu’à 10 points au niveau du SMIC”. Il chiffre les “économies” ainsi réalisées par les employeurs à “près de 1800 euros par an et par salarié au SMIC” et “2200 euros par an pour un salarié payé 3000 euros bruts par mois”.
De tels niveaux d’exonérations sont incompatibles avec les dépenses nouvelles prévues par l’ancien ministre. En d’autres termes, sans vraiment le dire, M. Macron fait le choix de budgétiser massivement le financement de la protection sociale. Là encore, l’étatisation est inscrite au coeur du projet d’En Marche !
Les indépendants également concernés
Enfin, afin de séduire les indépendants, M. Macron s’engage à “réduire leurs charges” et surtout, à mettre fin au “régime social des indépendants (RSI) qui ne fonctionne pas”. La promesse est toutefois à double tranchant car elle signifie que les indépendants seront intégrés au régime général, c’est-à-dire qu’ils seront eux aussi placés sous tutelle du ministère des Affaires Sociales.
Afin de rassurer les artisans et commerçants qui pourraient être effrayés à cette idée, Emmanuel Macron tente de les caresser dans le sens du poil : “Nous doublerons les plafonds pour pouvoir bénéficier du régime fiscal de la microentreprise. Nous mettrons fin à toute forme de concurrence déloyale en permettant chaque année à tous les artisans et commerçants d’opter ou non, selon leurs besoins, pour le régime fiscal de la microentreprise”. La longueur de la chaîne semble donc négociable…