La France a-t-elle encore besoin du MEDEF? Un point de situation

L’université d’été du MEDEF ouvre aujourd’hui. C’est la première grande manifestation présidée par Geoffroy Roux de Bézieux, dans un contexte réglementaire qui a profondément muté en une vingtaine d’années (puisque l’événement fête cette année son vingtième anniversaire). D’autres évolutions systémiques sont en vue, qui posent la question de l’utilité même d’une organisation patronale dans son format actuel.

Pour Geoffroy Roux de Bézieux, élu à la présidence du MEDEF à l’arrachée et sans enthousiasme, cette première université est l’occasion de prendre possession du domaine qu’il va diriger pendant cinq ans. Mais c’est aussi le moment de faire un état des lieux sur une maison qui devra surmonter un certain nombre de défis.  

Quel avenir pour les accords interprofessionnels après les ordonnances Macron?

Le MEDEF est bien connu du grand public pour les accords interprofessionnels dont il mène la négociation dans ses murs. C’est peut-être même la principale source de rayonnement de l’organisation patronale.  

Or, les “ordonnances Macron” réformant le code du travail ont modifié en profondeur le paysage juridique, et elles ont fortement amenuisé l’intérêt de ces accords interprofessionnels. Désormais, il n’est pas évident que d’autres grands accords soient négociés et, dans tous les cas, les futurs accords auront une portée juridique moindre que celle des grands accords de ces dernières années. 

Pour le MEDEF, l’inversion de la hiérarchie des normes signe la fin d’une époque. Le poids de l’organisation patronale dans la construction du droit du travail devrait rapidement s’étioler, au point que le maintien d’une équipe spécialisée dans les relations sociales pourrait se discuter. 

Quel avenir pour la gestion paritaire dans les futures réformes?

Parallèlement, l’exécutif prépare des réformes majeures qui auront un impact fort sur un autre pan des activités déployées au MEDEF: la gestion paritaire. 

D’une manière générale, l’introduction dans la Constitution, cet été, du principe de la “loi de financement de la protection sociale” qui inclurait les régimes complémentaires, assurance chômage comprise, dans le champ de compétence du Parlement signe l’arrêt de mort de la gestion paritaire autonome. Cette disparition prochaine devrait être accélérée par les dispositions en préparation sur la gestion de l’UNEDIC et par la réforme systémique des retraites. Celle-ci conduira à la mort clinique des régimes AGIRC-ARRCO en tant que dispositifs indépendants du régime général. 

Dans ce contexte, le rôle du MEDEF dans la gestion paritaire ressemblera beaucoup à celle qu’il peut avoir aujourd’hui pour l’assurance maladie ou pour la CNAV. Elle se résume à un jeu d’acteurs sans influence réelle sur les décisions finales.  

En outre, la question du devenir des groupes paritaires de protection sociale reste ouverte. 

Renforcer le rôle d’influence économique?

Ces évolutions contextuelles, dont le MEDEF ne peut d’ailleurs guère revendiquer la paternité, l’obligeront à mettre l’accent sur le rôle majeur que jouent les organisations patronales à travers le monde, à savoir l’influence économique auprès des pouvoirs publics. Or l’opinion publique française est moins disposée que dans d’autres pays industrialisés à admettre ce type de jeu dans la décision collective. 

Pour le MEDEF, l’investissement dans ce rôle constitue un exercice complexe. Dans la pratique, l’originalité de l’élection présidentielle de 2017 a fait que, discrètement, le candidat Macron a pu profiter d’une aide directe du MEDEF, notamment sur des sujets techniques. Toutefois, l’éviction de Jean-Dominique Sénard cet hiver, dans la course à la présidence du MEDEF, constitue une faute politique qui devrait compliquer le parcours d’un Roux de Bézieux élu de justesse. 

Par ailleurs, le gouvernement ne manque pas de think tank proches des milieux patronaux qui l’abreuvent de notes en tous genres. C’est notamment le cas de l’institut Montaigne, issu d’Axa, à de nombreux égards plus flexibles, plus imaginatifs et plus Macron compatible que le MEDEF lui-même. 

Roux de Bézieux toujours prisonnier des mêmes réflexes patronaux?

Mais le principal défi de Geoffroy Roux de Bézieux consistera sans doute à renouveler les pratiques de l’organisation qu’il doit présider pendant cinq ans. En particulier, la subordination financière du MEDEF au financement paritaire obligatoire. L’organisation des universités d’été de 2018 n’a pas fondamentalement échappé aux pratiques installées de “sollicitation” des organismes paritaires nationaux pour financer l’opération. On retrouve, dans les “partenaires” une impressionnante liste d’organismes dont le MEDEF désigne les membres du conseil d’administration. 

Cette collusion risque, dans les années à venir, d’être de moins en moins admise, et de porter de plus en plus atteinte à la crédibilité de l’organisation.  

Pour en sortir, il faudra une bonne dose de dégagisme à Roux de Bézieux.  

Ajouter aux articles favoris
Please login to bookmark Close
0 Shares:
Découvrez nos analyses et capsules vidéos
Lancer la vidéo

Le pouls des CCN #2 : le point sur la santé des HCR et la prévoyance des Services à la personne

Lancer la vidéo

Le pouls des CCN #5 : l'actualité des CCN Syntec, chimie, sécurité sociale

Lancer la vidéo

Webinaire Tripalio #1 : Les accords santé face aux fusions de CCN

Lancer la vidéo

Webinaire Tripalio #3 : les CCN face à l'assurance obsèques de l'enfant de -12 ans

Vous pourriez aussi aimer

Les salaires 2025 de la conchyliculture sont officialisés

Les partenaires sociaux de la conchyliculture (IDCC 7019) ont signé leur avenant dédié aux salaires applicables en 2025 le 7 janvier 2025. Ce texte est tout juste diffusé officiellement et s'applique depuis le 1er février 2025. Il est signé par l'organisation d'employeurs SNEC et les syndicats de salariés CGT Syndicats maritimes, CFTC Agri, SNCEA CFE-CGC et FGTA...

Les CQP révisés en 2024 paraissent tardivement dans le conseil et service en élevage

Les certificats de qualification professionnelle (CQP) de la convention collective nationale (CCN) du conseil et service en élevage (IDCC 7027) étaient révisés par un accord signé le 11 juin 2024. Ce n'est que maintenant que le texte est diffusé officiellement. Cet accord a été signé par les organisations d'employeurs SNCIA et Eliance association ainsi que par les...

Un avenant révise le travail sur un jour férié ou un jour de repos dans la CCN des activités hippiques

Les partenaires sociaux de la convention collective nationale (CCN) des activités hippiques (IDCC 7026) ont mis à jour les modalités de travail pendant un jour férié ou un jour de repos hebdomadaire. Ce sont précisément les mesures qui concernent l'entraînement de chevaux de courses et débourrage pré-entraînement au trot qui sont visées. L'avenant 4 à la CCN a été...

Les salaires et primes 2025 de la CCN des activités hippiques sont publiés

Par un avenant n° 3 à leur convention collective nationale (CCN), les partenaires sociaux des activités hippiques (IDCC 7026) font évoluer les salaires, les primes et indemnités liées aux déplacements. Cet avenant est daté du 13 mai 2025 et s'applique depuis le 1er juin 2025. Le texte a été signé par les organisations d'employeurs AEDG et SEDJ, d'une part, et par les...

La cession du holding du courtier français Leader Insurance examinée par l’Autorité de la concurrence

L'Autorité de la concurrence signale un nouveau projet de rachat d'un courtier français. Ce projet implique la tête du Groupe Leader Insurance. C'est Ardonagh France, entité française du groupe Ardonagh, basé en Grande-Bretagne, qui envisage d'acquérir le contrôle exclusif de la société Génération Insurance, à la tête du Groupe Leader Insurance et de nombreuses autres filiales. Cette concentration peut faire l'objet d'observations jusqu'au 3 décembre...