Article initialement paru sur le site Décider et Entreprendre.
La CGPME passe aux choses sérieuses en 2017 et c’est plutôt une bonne nouvelle. Face à la prolifération réglementaire qui étouffe discrètement mais sûrement les chefs d’entreprise, il était temps qu’un syndicat patronal sorte de sa subordination à l’Etat distributeur de tant de médailles et de prébendes (que ne ferait-on pas pour une rosette au revers ou pour un siège au CESE?), et qu’il se consacre à sa mission: défendre l’intérêt des entreprises.
La CGPME livre combat sur la pénibilité
Le dossier choisi par la CGPME pour hausser le ton est celui de la pénibilité. On ne rappellera pas ici les incohérences patronales sur un dossier épineux, et que tout le monde savait, dès 2003, en suspens comme une épée de Damoclès. Il n’en reste pas moins que la CGPME a la bonne idée de sortir de sa posture ancienne pour contester des règles du jeu insupportables pour les employeurs qui auront à les subir.
Avec courage, donc, la CGPME porte devant le Conseil d’Etat une demande d’annulation des décrets d’application de ce système de reconnaissance de la pénibilité, prôné par la CFDT, et dont on ne dira jamais assez qu’il instaure un permis d’exposer à la pénibilité.
Le salutaire argument de l’intelligibilité de la loi
Le recours en annulation du décret que lance la CGPME devant le Conseil d’Etat réjouira le chef d’entreprise, parce qu’il met le doigt sur un argument essentiel que les entrepreneurs n’osent pas d’ordinaire mettre en avant: celui de l’inintelligibilité des textes à appliquer. Tous les entrepreneurs le savent: ils sont des délinquants potentiels dans la mesure où la masse des obligations réglementaires auxquelles ils sont soumis être trop importante pour être connue et maîtrisée par un cerveau humain, et dans un autre mesure: les textes, lorsqu’ils les connaissent, sont incompréhensibles.
On retiendra ce passage savoureux du recours de la CGPME:
Enfin! un mouvement patronal prend le temps de descendre au même niveau que le petit patron seul dans son coin, et a l’initiative d’aller en justice pour plaider l’impossibilité d’appliquer des textes obscurs, mal écrits, idéologiques, dont le seul effet est de placer l’entrepreneur dans une précarité juridique permanente. Comme le souligne très bien le recours, la rédaction des textes réglementaires, par son obscurité, donne un important pouvoir d’appréciation (arbitraire?) aux fonctionnaires chargés de contrôler leur application… et ce pouvoir d’appréciation est la porte ouverte à toutes les dérives.
On approuve!
L’argument massue de la rupture d’égalité avec l’Etat employeur
Les amateurs de combats titanesques apprécieront un autre argument utilisé (là encore: enfin!) par la CGPME, celui de la rupture d’égalité entre les entreprises privées et l’Etat employeur.
Rappelons en effet que le compte pénibilité, présenté comme salvateur vis-à-vis des méchants patrons qui exploitent leurs salariés, n’est pas applicable dans la fonction publique.
Il y a bien entendu deux explications à cette étrangeté.
La première explication est celle donnée par les fonctionnaires: l’Etat est un employeur exemplaire qui n’a pas besoin de protéger ses agents parce qu’il ne les expose pas à la pénibilité. On adore tous les contes de fée, et celui-là en est un démenti chaque jour par l’importante conflictualité qui existe dans les services publics. Si l’on rapportait le nombre de jours de grève à l’exploitation dont les travailleurs sont l’objet, on s’apercevrait que les patrons du privé sont des parangons de vertu, et le service public le lieux absolu de l’exploitation de l’homme par l’homme.
La deuxième explication est moins avouable: aucun fonctionnaire, si prompt à protéger les salariés du privé contre leurs employeurs, n’accepterait (et n’accepte d’ailleurs) de subir le dixième des contraintes qui pèsent sur une entreprise. Il en va ainsi de la pénibilité, mais aussi du dialogue social et des procédures collectives, de l’égalité de traitement en matière de rémunération, de sexe ou de religion, de l’impartialité des recrutements, de la lutte contre le harcèlement moral et les risques psycho-sociaux, etc.
De façon extraordinaire, les fonctionnaires, qui sont les plus grands promoteurs des “nouvelles protections” dans les entreprises, et de la sécurité sociale, s’abstiennent bien de se soumettre aux unes, et d’entrer dans l’autre.
On suivra avec intérêt la réponse du Conseil d’Etat sur tous ces points…