Cette publication provient du site du syndicat de salariés CFDT.
Un conseil supérieur de la prud’homie (CSP) a été réuni ce 6 avril 2018 dans les locaux de la Chancellerie. A l’ordre du jour, un point sur le premier exercice de désignation complémentaire qui vient tout juste de s’achever, un point sur le déroulé de la formation initiale ainsi qu’une consultation sur un projet de décret relatif à l’indemnisation des conseillers prud’hommes. L’occasion, pour la CFDT, de revendiquer (une nouvelle fois) et d’obtenir (enfin) la réouverture de ce sensible dossier…
- La fin du premier exercice de désignation complémentaire
Un premier bilan a été dressé par la direction générale du travail (DGT). En voici les principaux éléments :
– après la publication de l’arrêté de nomination en décembre dernier, il restait, tout collège confondu, quelque 1 030 sièges de conseillers prud’hommes à pourvoir ;
– à l’issue du dépôt des dossiers effectué lors de la période de désignation complémentaire (qui s’est étalée du 16 février au 12 mars 2018), il n’en restait plus que 599 (213 du côté salarié et 386 du côté employeur) ;
– mais au terme de la période d’instruction, il faut tout de même s’attendre à ce qu’un certain nombre de dossiers soient finalement retoqués. En tenant compte de ce paramètre, l’administration estime qu’au final, nous devrions nous retrouver avec environ 650 sièges de conseillers prud’hommes encore vacants ;
– nous serons quoiqu’il en soit assez rapidement fixés sur ce point, puisque la publication de l’arrêté de nomination des conseillers prud’hommes version désignation complémentaire est attendue aux alentours du 20 avril prochain.
Au terme de cette présentation, la plupart des organisations syndicales et professionnelles présentes ont sollicité l’ouverture rapide d’une nouvelle période de désignation complémentaire.
Nous, CFDT, avons davantage insisté sur la nécessité qu’il y a à travailler à l’établissement d’un calendrier régulier (une, voire deux périodes de désignations complémentaires à période fixe sur l’année) afin que nous puissions mieux nous organiser et travailler davantage en anticipation.
Il semble que l’administration ait validé notre positionnement puisqu’elle a considéré que :
– d’une part, il serait nécessaire de procéder à un recensement de la population prud’homale au mois de septembre 2018 et, en fonction de ce qui en ressortira, d’ouvrir une nouvelle période de désignation complémentaire – mais pas avant le mois de novembre 2018 ;
– d’autre part, il était à terme envisagé d’ouvrir une ou (plus probablement) deux périodes de désignations complémentaires chaque année.
- Le déroulé de la formation initiale des conseillers prud’hommes
Sur ce point, nous avons découvert qu’une circulaire du ministère de la Justice en date du 4 avril 2018 est venue préciser que les conseillers prud’hommes nommés en décembre 2017 n’auraient que jusqu’au 31 mai 2018 pour suivre leurs trois jours de e.formation !
Un tel positionnement est, à notre sens, très contestable puisqu’il va à l’encontre de ce que prévoient les textes réglementaires. En son troisième alinéa, l’article D. 1442-10-1 du Code du travail précise en effet que « le conseiller prud’homme qui n’a pas suivi la formation initiale dans un délai de quinze mois à compter du premier jour du deuxième mois suivant sa nomination est réputé démissionnaire ».
Or, au 31 mai 2018, nous serons bien loin d’avoir atteint ce fameux délai de 15 mois ! Qui plus est, nous avons également des remontées de la part de conseillers prud’hommes qui, à ce jour, n’ont pas encore pu suivre leurs 3 jours de e.formation parce qu’ils n’ont pas encore reçu leurs codes d’accès…
L’ensemble de ces éléments nous a conduits à demander que le site de l’Ecole nationale de la magistrature (ENM) ne soit pas fermé à cette date, contrairement à ce qui est aujourd’hui envisagé. Nous avons même demandé que, pour l’heure, il ne ferme pas du tout … afin de permettre aux conseillers prud’hommes qui seront nommés à la fin du mois d’avril de pouvoir y accéder dès le début de leur mandat.
La Direction des services judiciaires (DSJ) transmettra notre requête à l’ENM, qui n’était malheureusement pas représentée à cette séance du CSP.
- L’avis sollicité du CSP sur le contenu d’un projet de décret relatif à l’indemnisation des conseillers prud’hommes
Pour l’essentiel, ce projet de décret vient répondre à une demande d’adaptation des textes telle que nous l’avions formulée lors de précédentes séances du CSP. En la matière, l’état actuel du droit n’est en effet pas complètement satisfaisant.
L’article L. 1442-5 du Code du travail précise que « les employeurs laissent aux salariés de leur entreprise, membres d’un conseil de prud’hommes, le temps nécessaire pour se rendre et participer aux activités prud’homales déterminées par un décret en conseil d’Etat ».
Et c’est précisément l’article R. 1423-55 de ce même Code qui fixe la liste des activités prud’homales qui est directement impacté par ce projet de décret.
Ce texte n’avait été que très partiellement actualisé au regard des dernières évolutions législatives et réglementaires qui avaient abouti, rappelons-le :
– d’une part, à une obligation faite aux conseillers prud’hommes de suivre une formation initiale ;- d’autre part, à la mise en place d’une Commission nationale de disciplinaire (CND) ayant en charge d’exercer le pouvoir disciplinaire sur les conseillers prud’hommes.
Or, à la suite de ces réformes, l’article R. 1423-55 n’avait intégré comme nouvelle activité prud’homale que la seule « comparution devant la Commission nationale de discipline des conseillers prud’hommes mentionnée à l’article L. 1442-13-2 ». Ce qui était notoirement insuffisant !
Ces nouvelles réalités textuelles auraient en effet dû conduire à la reconnaissance d’un nombre pluriel d’activités prud’homales nouvelles. C’est ce que propose ce projet de décret en intégrant les activités suivantes :
– le rappel des obligations prévu à l’article L. 1442-13-1 ;- les entretiens, auditions préalables et la comparution devant la CND des conseillers prud’hommes ;- l’assistance ou la représentation d’un conseiller lors des entretiens, auditions et comparution devant la CND ;- le suivi de la formation initiale obligatoire».
La CFDT a salué cette adaptation, qui permet d’intégrer au Code du travail nombre d’activités prud’homales qui ne l’avaient pas encore été même s’il y a lieu de déplorer son caractère tout de même excessivement tardive. Car rappelons-le, la réforme qui avait légalement instauré la formation initiale et la procédure disciplinaire remonte tout de même au cœur de l’été 2015 (1) !
Mais nous avons surtout regretté que l’intervention du Gouvernement ne se limite finalement qu’à ça ! En effet, depuis que le décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 relatif à la justice prud’homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail a été publié, nous n’avons eu de cesse de demander à la Chancellerie et au ministère du Travail que les textes relatifs à l’indemnisation des conseillers prud’hommes soient adaptés à la nouvelle donne procédurale.
Cette énième requête, qui a été appuyée par d’autres organisations syndicales et professionnelles, a fini par être entendue puisque l’administration nous a finalement concédé la mise sur pied d’un groupe de travail ad hoc, qui commencera à plancher sur le sujet dès le 25 mai prochain, avec un rythme de réunion qui sera par la suite mensuel.
- Quelques questions diverses soulevées par la CFDT
– Sur le statut de défenseur syndical : nous avons fait une proposition de réécriture du texte réglementaire ainsi formulée : « en procédure d’appel, le défenseur syndical peut intervenir pour les affaires qui ont été plaidées en première instance dans la région administrative » afin de permettre un suivi linéaire 1ère instance / appel des dossiers qui sont gérés par les défenseurs syndicaux.
L’administration a pris note de notre requête et nous a affirmé chercher un « véhicule législatif ou réglementaire » afin qu’une solution susceptible de régler cette question puisse être trouvée.
– Sur les honoraires du médecin inspecteur du travail : nous avons regretté que l’arrêté fixant les honoraires des médecins inspecteurs du travail dans le cadre des expertises (relatives aux contestations des avis d’aptitude/inaptitude) ait été publié le 27 mars 2018 sans même que le CSP ait été consulté. Ce alors même qu’en la matière de nombreuses difficultés techniques demeurent.
Nous avons également demandé que tout soit mis en œuvre pour que les salariés aient accès, de manière effective, à cette information.
(1) Cf. art. 258-I de la loi n° 2015-990 du 06.08.15 dite loi Macron.