Harcèlement moral : les juges du fond exercent de nouveau leur pouvoir de contrôle

Cet article a initialement été publié sur le site du syndicat FO

En septembre 2008, la Cour de cassation, à la faveur de quatre arrêts publiés au rapport, décidait d’exercer un contrôle de la qualification du harcèlement moral. 

Le but à l’époque était, compte tenu de l’augmentation croissante du nombre d’affaires de harcèlement, d’harmoniser les solutions souvent disparates des cours d’appel (Cass. soc., 24-9-08, n°06-46.517, n°06-45.747, n°06-45.794 et n°06-43.504). 

Le raisonnement devait s’effectuer en trois étapes : 

il appartenait au salarié d’établir la matérialité des faits permettant de faire présumer l’existence d’un harcèlement. ; 

les juges du fond devaient appréhender ces faits dans leur ensemble pour rechercher si le harcèlement était présumé ou pas ; 

si c’était le cas, il incombait alors à la partie défenderesse de prouver que ces agissements n’étaient pas constitutifs d’un harcèlement car justifiés par des éléments objectifs. 

A la suite des arrêts de 2008, la Cour de cassation en avait profité pour poser des règles en matière de définition du harcèlement moral (le harcèlement peut se dérouler sur une courte période, le harcèlement peut être reconnu sans intention malveillante de son auteur, des méthodes de gestion caractérisent un harcèlement moral si elles se traduisent, pour un salarié déterminé par des agissements répétés entraînant une dégradation de ses conditions de travail) mais également en matière probatoire (les éléments établis par le salarié doivent être pris en compte dans leur globalité et non analysés séparément). 

Les principes directeurs étant désormais suffisamment arrêtés et les risques d’appréciations discordantes écartés, la Cour de cassation a décidé le 8 juin 2016 de limiter son contrôle. 

Elle renvoie à l’appréciation souveraine des juges du fond la question de l’existence d’un harcèlement moral. 

Le juge apprécie souverainement si les faits établis par le salarié permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et si les agissements invoqués et prouvés par l’employeur sont étrangers à tout harcèlement. 

Cette liberté d’appréciation est toutefois encadrée par les Hauts magistrats qui précisent que « pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du Code du travail ; que, dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ». 

La Cour de cassation continue donc de vérifier que les étapes du processus probatoire ont été respectées par les juges du fond et que tous les éléments établis par le salarié ont été pris en compte dans leur globalité. 

Si tel est le cas, la Cour de cassation ne pourra remettre en cause l’appréciation souveraine des juges du fond. 

 

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