Avec AFP – Grèves, réquisitions, arrêts maladie: la crise des urgences hospitalières dure depuis bientôt trois mois et ne cesse de s’amplifier, avec une manifestation nationale prévue à Paris jeudi après-midi, après la venue d’Agnès Buzyn au congrès des urgentistes.
“J’ai prévu de me rendre ce (jeudi) matin auprès d’eux et de leur parler”, au Palais des congrès à Paris, a annoncé la ministre de la Santé sur Public Sénat. “Je vais leur faire des propositions”, a-t-elle assuré. “Les urgences sont en souffrance, et vraiment il faut l’entendre”, a-t-elle concédé.
Entamé mi-mars à Paris, le mouvement de grève dans les services d’urgences s’est étendu à plusieurs dizaines d’établissements – 80 d’après le collectif Inter-Urgences, “une cinquantaine” selon le gouvernement.
Le nombre de patient à doublé en 20 ans
La pression monte un peu plus chaque jour sur la ministre de la Santé. Mercredi, l’Ordre des médecins a réclamé “une concertation d’urgence” pour prendre enfin les “décisions ministérielles qui ne sauraient être plus longtemps différées”. Une prise de position qui fait suite à “des réquisitions préfectorales” qui ont “suscité de l’émotion”, notamment à Lons-le-Saunier (Jura), où les gendarmes sont venus solliciter des soignants en pleine nuit la semaine dernière.
Une mesure rendue nécessaire par “l’absentéisme soudain” de médecins “inscrits au planning et assignés” par la direction de l’hôpital, mais “s’étant déclarés en maladie”, selon l’Agence régionale de santé (ARS) de Bourgogne-Franche-Comté.
Jeudi matin, la ministre de la Santé a pris ses distances avec un tel recours à la gendarmerie. “Evidemment, ce n’est pas souhaitable, (…), c’est la première fois que j’entends une histoire pareille”, a-t-elle indiqué, en rappelant qu’elle avait été “médecin hospitalier pendant 20 ans” et qu’il lui était “arrivé de faire grève”.
Mardi, Agnès Buzyn avait au contraire critiqué le choix d’une quinzaine d’infirmiers et d’aides-soignants de l’équipe de nuit des urgences de l’hôpital parisien Lariboisière de se faire porter pâle la nuit précédente. Une façon “d’envoyer un signal fort” pour faire comprendre que “les équipes sont épuisées”, avait expliqué à l’AFP Hugo Huon, infirmier dans cet hôpital et membre du collectif Inter-Urgences.
“C’est dévoyer ce qu’est un arrêt maladie. Je pense que ce n’est pas bien, ça entraîne une surcharge de travail pour les autres”.
Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé
En réalité, la surcharge est devenue la norme: le nombre de patients pris en charge aux urgences est passé de 10 millions en 1996 à 21 millions en 2016, un record sans doute dépassé depuis.
“On a doublé notre activité, mais on n’a pas doublé nos moyens”, observe Tarak Mokni, responsable du Samu de Bayonne (Pyrénées-Atlantiques). Partout, les urgentistes s’inquiètent du manque d’effectifs et des fermetures de lits “d’aval” pour transférer les malades dans les autres services hospitaliers. “Il n’y a plus de soupape de sécurité. On a l’impression que ça ne s’arrêtera jamais”, confie Philippe Fradin, chef des urgences de La Roche-sur-Yon (Vendée).
“Le malaise est profond et général”, affirme François Braun, chef de service au CHR de Metz-Thionville et président de Samu-Urgences de France, qui recevra jeudi la ministre de la Santé dans le cadre du congrès annuel de son association. Les personnels iront aussi se faire entendre sous les fenêtres du ministère: une manifestation partira à 13H00 de la gare Montparnasse, à l’appel du collectif Inter-Urgences, soutenu par les syndicats CGT, SUD et FO ainsi que par l’Association des médecins urgentistes de France (Amuf).
“On ne peut pas faire mieux avec moins”, affirme Patrick Pelloux, emblématique président de l’Amuf, qui juge nécessaire “un débat au Parlement sur les urgences”.
Sous le feu des critiques, l’exécutif peine à désamorcer la crise. “Nous entendons ce que nous disent les soignants”, a assuré mercredi la secrétaire d’Etat Christelle Dubos à l’Assemblée nationale.