Greffiers des tribunaux de commerce : une affaire de famille ?

Parler du système de succession qui existe chez les greffiers des tribunaux de commerce, c’est se heurter à l’omerta d’un monde qui vit en vase clôt. C’est faire face à une profession où il est normal de nommer à sa succession un membre de sa famille. C’est voir qu’il existe de grandes familles qui régissent la profession. C’est apprécier les privilèges qui leurs sont accordés. 

Nous sommes très loin de ces personnages de film des années 70, aux cheveux gominés arborant un Borsalino et un costume, le cigare à la main. Pourtant, lorsque Frédéric Puig avait souhaité changer de métier, il s’était heurté à un mur « presque » infranchissable. 

Responsable juridique à la chambre des métiers de Bourg-en-Bresse, c’est à une myriade de fins de non-recevoir qu’il s’est heurté lorsqu’il ambitionnait de devenir greffier au tribunal de commerce. 

Une affaire de famille

À cette époque, il en déduit que l’accès était « fermé à double tour ». En cause : le droit de présentation. Cette règle inscrite dans l’article 91 de la loi du 28 avril 1816, permet à plusieurs professions liées au droit, dont les greffiers de commerce, de directement soumettre le nom des successeurs à l’agrément du garde des sceaux. Une proposition presque toujours acceptée. 

En mars 2013, l’IGF mettait en lumière une profession où “la transmission des offices est marquée par le poids des familles, limitant les possibilités d’accès à la profession accordées à de nouveaux entrants.”  

Trois des quatre greffes des tribunaux de commerce de petite couronne, parmi les plus importants de France, sont ainsi caractérisés par l’association d’un greffier et de deux ou trois de ses enfants.  

 

L’IGF ajoute même qu’il est question de « sept noms de familles associés à 21 greffes sur les 134 que compte le pays« . Parmi eux, on retrouve par exemple la dynastie Doucède : Jean-François, Anne-Sophie, Vincent et Véronique.  

Un système menacé ?

En 2008 déjà, le rapport « pour la libération de la croissance française » de Jacques Attali décriait une « étrangeté héritée de la mise en place de juridictions consulaire y il a plusieurs siècles. » 

Le Conseil constitutionnel a d’ailleurs été deux fois soumis à des questions prioritaires de constitutionnalité pour violation du principe d’égalité d’admissibilité aux dignités, places et emplois publics. À chaque fois, le Conseil a estimé que le mécanisme contesté était conforme à la Constitution.  

Seulement, le vent a semble-t-il tourné. Les règles d’installation ont été mises à jour. Il n’est officiellement plus question de « droit de présentation » mais bien d’une admission sur concours afin de préserver l’égalité des chances. Il était aussi question de mieux encadrer les revenus de cette profession du tout libéral.  

Mais la profession avait-elle déjà assuré ses arrières ? Rien n’est moins sûr. Le 9 septembre 2014, les professionnels se mobilisaient pour « rétablir la vérité sur leur métier et lutter contre la libéralisation sauvage engagée par le gouvernement« .  

La question d’une réglementation de la rémunération malgré le retour du « corridor de la mort » n’est pas encore totalement tranchée. Surtout lorsque l’on pense que contrairement à toutes les entreprises en France, les grandes familles de greffiers ne sont pas tenues de déposer leurs comptes annuels au Greffe. Pratique.  

 

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