« Gilets jaunes » : une mobilisation qui vise désormais le long terme

Au lendemain de la dernière journée de mobilisation nationale des « gilets jaunes », qui a eu lieu samedi 15 décembre, la presse nationale a largement commenté ce qu’elle a estimé être un net reflux du mouvement.

 

Le principal enseignement des récents développements du mouvement des « gilets jaunes » est pourtant ailleurs : bien ancré dans les territoires, il s’inscrit désormais dans le long terme. 

Des « gilets jaunes » essoufflés ?

Reprenant les chiffres officiels du ministère de l’Intérieur, la presse nationale a fait état d’une nette diminution de la mobilisation des « gilets jaunes ». Ils n’auraient en effet été qu’environ 66 000 à manifester samedi dernier – contre deux fois plus une semaine auparavant – dont moins de 5000 à Paris. Le service de presse de Christophe Castaner faisait bien son travail. 

Ici ou là, certains journalistes ont tout de même souligné que les manifestations qui ont eu lieu dans les villes de province n’ont pas vraiment connu cette soi-disant démobilisation. Ainsi, à Bordeaux ou à Toulouse, il n’y a jamais eu autant de manifestants, près de 5000, soit plus encore qu’à Paris. En Lorraine, de la même manière, les manifestations de Nancy ou Bar-le-Duc, pour ne citer qu’elles, ne permettent pas du tout de conclure à un affaiblissement de la mobilisation. 

En ce début de semaine, et quoi qu’il en soit du niveau réel du mouvement de contestation de la politique gouvernementale, on se demande une fois de plus dans quelle mesure les chiffres officiels, repris par les médias, sont fiables… 

Une lame de fond

Surtout, au-delà de ces chiffres, plusieurs éléments disent l’ancrage de la contestation sociale et politique dans la population française. 

En particulier, les barrages filtrants continuent d’être nombreux à travers le pays. Les automobilistes et les routiers les respectent, en profitent pour échanger avec les « gilets jaunes », klaxonnent en guise de soutien voire laissent quelques pièces ou des vivres au passage. Ainsi, vendredi dernier, entre Bar-le-Duc, dans la Meuse, et Saint-Dizier, dans la Haute-Marne, sur un trajet d’environ 20 kilomètres, on comptait pas moins de trois barrages filtrants – en place depuis le début du mouvement. Samedi, sur la RN 4, au beau milieu de la Marne, un barrage filtrant engendrait un important embouteillage de plus d’un kilomètre, dans les deux sens de circulation. Là encore, malgré le retard qu’ils devaient subir, les usagers de la route faisaient preuve de leur soutien au mouvement en passant devant les « gilets jaunes ». 

Dans un autre domaine, les dégradations de radars et de péages viennent eux aussi témoigner de la défiance des citoyens vis-à-vis du niveau et des formes des prélèvements de l’Etat sur la population. Les radars en état de fonctionner sont devenus l’anormalité, tandis que des manifestants n’hésitent plus, comme on a pu le voir dans le sud de la France, à s’attaquer aux cabines de péage automatique. De nombreux Français ont allègrement franchi certaines barrières sociales et mentales qui, jusqu’à présent, les conduisaient à juger inconcevable de s’en prendre ainsi à l’autorité publique. Les dirigeants de l’Etat ne devraient pas sous-estimer la portée d’une telle évolution. 

Un terreau fertile… à toutes fins utiles

Ayant tissé de puissants liens d’une solidarité toute locale, s’étant saisis de discussions politiques de plus en plus générales – que l’on songe à la revendication très souvent citée de l’institution du référendum d’initiative populaire – et ayant compris le pouvoir des collectifs mobilisés, les « gilets jaunes » constituent désormais une force de mobilisation redoutablement efficace. 

A la première occasion qui se présentera, les « gilets jaunes » reviendront sur le devant de la scène. Or, tout indique qu’il y sera difficile pour le Président de la République d’éviter ladite occasion : entre la mise en oeuvre du prélèvement à la source, les réformes des retraites et de l’assurance-chômage, les exigences budgétaires bruxelloises, voire les difficultés logistiques qui pourraient se faire jour dans le cadre de l’augmentation de la prime d’activité pour les salariés au Smic, on voit mal comment il va pouvoir réussir à passer à travers les gouttes dans les prochains mois. 

 

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